Le combat entre Jean Pascal et Terry Osias offre d'une certaine manière un retour dans le temps
Il reste de moins en moins de témoins privilégiés de cette époque, mais il est très certainement possible de s'imaginer que les proverbiales choses se passaient ainsi dans le temps que le Centre Paul-Sauvé et le Tout-Rosemont étaient le cœur de la fabuleuse industrie de la boxe québécoise.
À quelques coins de rue du mythique édifice aujourd'hui démoli, dans les locaux de l'ex-club de boxe Champion renommé « The Corner », une tonne de boxeurs ainsi que leur garde rapprochée s'étaient donné rendez-vous mardi matin pour un entraînement médiatique extrêmement couru.
Ici, Derek Pomerleau et son adversaire Mponda Kalunga se livrent une joute amicale de corde à sauter devant le miroir. Là, Petar Gavrilovic, Yohan Lainesse et plusieurs autres s'époumonent à frapper sur un sac de sable. À vrai dire, il ne manquait que le buffet, les boissons alcoolisées et l'épaisse fumée de cigarette pour se transporter presque instantanément dans les années 1980.
Le samedi 21 septembre au Colisée de Laval, ils seront 20 à s'affronter dans l'un des 10 combats à l'affiche de cette soirée organisée par New Era. Un gala qui mettra en vedette que des athlètes du Québec et d'ailleurs au Canada, mais qui marquera surtout le énième retour de Jean Pascal.
Dix-huit mois après avoir été largement dominé aux points par l'Allemand Michael Eifert dans un duel éliminatoire des poids mi-lourds de l'IBF, Pascal (36-7-1, 20 K.-O.) croisera le fer avec son ancien partenaire d'entraînement Terry Osias. Disputé chez les lourds-légers, ce choc permettra au vainqueur de se positionner sur l'échiquier mondial, car un titre mineur de la WBO sera à l'enjeu.
Mais à bientôt 42 ans, Pascal ne rajeunit pas et il aura fort à faire pour convaincre les amateurs de le suivre dans son projet de devenir champion du monde dans une deuxième catégorie de poids. Cela dit, le Lavallois a prouvé plus d'une fois qu'il est capable de rebondir après un revers.
« Sur le coup, je pensais que j'en avais fait assez pour l'emporter, mais pour vous dire la vérité, je pense que ce combat-là, ç'a été une mauvaise soirée au bureau, a expliqué Pascal aux nombreux représentants des médias venus le rencontrer, alors qu'ils n'étaient qu'une infime poignée à la conférence tenue par Eye of the Tiger au Casino de Montréal quelques heures plus tard. C'est beaucoup plus dommageable pour un boxeur une mauvaise soirée au bureau qu'un journaliste. »
Décidément, il y a des choses qui ne changeront jamais et Pascal avait comme à son habitude préparé une série de lignes qu'il a débitées les unes après les autres. « Je suis confiant, mais je ne peux pas dire que j'ai un excès de confiance », « je crois que je suis comme un bon vin, je vieillis bien avec le temps » et « je vais utiliser mon expérience pour peut-être devenir le Bernard Hopkins du Québec » ont meublé les dix minutes au cours desquelles Pascal a été questionné.
C'est cependant lorsqu'il sort de son script que l'ancien champion du monde offre les réponses les plus intéressantes. Il a ainsi avoué que sa vitesse et son exécution – son pain et son beurre au sommet de sa gloire – ne lui permettent plus de gagner ses combats. Il se doit d'être plus malin.
« C'est certain qu'après une aussi longue absence, la coordination, le rythme et le cardio étaient désuets [au début du camp d'entraînement], a déclaré Pascal. Ç'a pris un peu de temps à revenir.
« Je vais utiliser mon expérience pour remporter ce combat-là. Il faut que je fasse les choses différemment, parce que si je me fie juste à ma vitesse d'exécution, je vais finir deuxième. C'est une question d'adaptation. Je sais bien m'entraîner. Je me sens toujours en très grande forme. »
Parlant d'entraînement, Pascal n'a pas voulu dévoiler l'identité de l'entraîneur-chef qui succédera à Orlando Cuellar dans son coin, mais nos espions toujours bien branchés ont évoqué le nom de Troy Ross, un ex-boxeur qui a représenté le Canada aux Jeux olympiques d'Atlanta et qui gravite déjà dans l'entourage du Québécois depuis un certain temps. Le mystère n'a pas duré longtemps.
« Qui auriez-vous mis d'autre à ma place »
À 37 ans, Osias (13-0, 6 K.-O.) n'a assurément pas le même profil de jeune premier que le dernier adversaire de Pascal, mais il sent néanmoins une urgence de vivre. En rémission d'un cancer, il ne demande qu'à aller au bout de ses rêves : en boxe, devenir champion du monde chez les pros.
« Quand tu frôles la mort, tu ne peux pas partir comme ça, a lancé Osias avant de s'offrir une pause. La vie, ce sont des accomplissements, des objectifs... le sport, c'est vraiment une façon pour moi de m'accomplir. Je ne veux pas partir d'ici sans avoir accompli ce que je veux accomplir.
« Oui, [la maladie] a changé [mon rapport au sport]. Il y a d'autres personnes qui souffrent, donc je veux motiver les gens aussi. Je veux passer le flambeau. Ce n'est pas juste par rapport à moi, mais ce que je peux faire autour. Je veux prouver des choses à moi-même et inspirer les gens. »
Ayant jusqu'ici mené une carrière relativement anonyme, principalement en sous-carte de galas de Groupe Yvon Michel, Osias ne se considère pas comme le côté B de l'équation, malgré le fait que Pascal jouit évidemment d'une notoriété médiatique nettement plus grande que la sienne.
« J'ai un zéro à ma fiche. Je suis invaincu. Si cela n'avait pas été des embûches, de la maladie et de la pandémie, j'aurais peut-être dix-huit, dix-neuf ou vingt victoires, a rappelé Osias. Je suis classé no 1 au Canada. Pour un ancien champion du monde comme Jean, j'ai le profil parfait. La moitié de la salle va venir de Longueuil juste pour moi. Qui auriez-vous mis d'autre à ma place? »
« J'espère que Jean pense qu'il va gagner, mais je sais que je vais gagner ce combat-là. J'ai battu le cancer, je reviens de loin. Je suis le plus intelligent dans le ring, j'ai la meilleure équipe derrière moi, a-t-il ajouté. Je suis plus grand, plus gros ainsi que plus vite. Toutes ces belles réponses-là!
« Je reviens d'un camp d'entraînement à New York. Nous avons mis les bouchées doubles. Nous pourrions organiser ce combat-là dans l'espace que je sais que je vais le gagner quand même. »
S'il était encore de ce monde, Régis Lévesque – qui a déjà ambitionné de présenter un combat entre Robert Cléroux et Joe Frazier dans un avion du haut des airs – aurait été fier. Très, très fier.