Shakur Stevenson : d'autres succès dans le ring au détriment de la flamboyance
COLLABORATION SPÉCIALE
Tel qu'anticipé, le champion WBC des poids légers Shakur Stevenson (22-0, 10 K.-O.) a facilement conservé sa ceinture contre son aspirant no 7 Artem Harutyunyan (12-2, 7 K.-O.) d'Arménie par décision unanime, au Prudential Center de Newark, samedi dernier
Stevenson a aussi conservé son identité propre.
Le jeune gaucher de 27 ans est extrêmement talentueux et surtout un génie de la défensive. Son A.D.N. de « prudence avant tout » va lui permettre d'avoir une carrière longue et saine, c'est ce qui est le plus important pour lui. Et on ne peut pas vraiment le lui reprocher.
La contrepartie, c'est « qu'on ne peut contenter tout le monde et son père », et le spectacle n'a pas enchanté les 8000 spectateurs présents qui ne se sont pas gênés pour lui faire savoir par des huées bien senties ou même en quittant la scène avant la fin des hostilités.
À ma connaissance, la dernière fois que ça s'est produit, c'était en 2013 au fameux Boardwalk Hall d'Atlantic City alors que le double médaillé d'or olympique Guillermo Rigondeaux (22-3, 15 K.-O.) de Cuba défendait avec succès ses titres WBA et WBO des super-coqs contre Joseph Agbeko (38-5, 28 K.-O.). Le Cubain avait remporté tous les 12 rounds mais au 10e engagement, il n'y avait pratiquement plus personne dans le ringside.
On était à des années lumières de l'ambiance électrique et frénétique exercé par Arturo « Thunder » Gatti qui a caractérisé le Boardwalk Hall de 2002 à 2007.
Je me souviens : mon grand compère à RDS, Jean-Paul Chartrand, avait pris la peine d'écrire une note à la programmation qui disait : « SVP PLUS JAMAIS RIGONDEAUX BOUT DE &%$# ».
À 43 ans, Rigondeaux est encore actif et fait l'unanimité concernant ses habiletés exceptionnelles... Mais ses combats passent sous le radar.
Si Stevenson a été tranquille sur le ring, il a été au contraire belliqueux, offensif et agressif, sur ses réseaux sociaux, pour contrer tous ceux qui l'ont dénigré, que ce soit les spectateurs, les commentateurs comme Tim Bradley ou Chris Algieri en passant par ESPN, Bob Arum et toute l'équipe de Top Rank.
Pourtant, tous reconnaissent le talent exceptionnel du médaillé d'argent des JO de Rio en 2016 et la majorité croit qu'il sortirait probablement vainqueur contre n'importe quel adversaire des légers, incluant Davis, Lomachenko ou Zepeda si jamais on lui en donnait l'opportunité.
Il faut admettre que le jeune champion de trois divisions a des atouts pour embouteiller n'importe quel adversaire, mais aussi des défauts qui lui permettront difficilement d'obtenir la popularité de ses contemporains.
Tant qu'il sera invaincu et champion, il y aura de la demande. Stevenson a tout de même reçu une offre de 15 millions $ US pour cinq combats par son ancien promoteur Top Rank. Mais comme Bob Arum n'a même pas daigné assister à son combat, ce qui est tout à fait inhabituel de sa part, il semble bien que le courant ne passe plus et que leurs routes vont se séparer.
Eddie Hearn, de Matchroom, a déjà démontré de l'intérêt pour le champion WBC des légers et l'a invité pour discuter à Philadelphie, ce samedi, alors que le dernier venu dans la famille de DAZN Jaron Ennis (31-0, 28 K.-O.) va tenter enflammer la ville de l'amour fraternel comme au temps où c'était un bastion de la boxe dans les années 1970.
Zepeda expéditif
Le Mexicain gaucher de 28 ans William Zepeda (31-0, 27 K.-O.) a lui aussi confirmé son identité, le week-end dernier, en passant le K.-O. au troisième à Giovanni Cabrera (22-2, 7 K.O.) de Chicago, au Toyota Arena à Ontario, en Californie.
Zepeda, toujours aussi agressif que spectaculaire, a confirmé sa position d'aspirant no 1 aux quatre champions du monde de la division simultanément. En effet, il est l'aspirant le plus haut gradé autant pour Stevenson (WBC) que Gervonta Davis (WBA), Vasyl Lomachenko (IBF) et Denis Berinchyk (WBO).
Zepeda obtient ainsi un quatrième K.-O. consécutif, et il est une véritable menace pour quiconque à 135 livres.
À surveiller ce week-end : Innis c. Avanesyan
Quand je suis arrivé en boxe dans les années 1980 les « Prize Fighters » de Philadelphie avaient la réputation d'être des adversaires coriaces, bien préparés et dangereux. Une réputation bâtie depuis de nombreuses décennies.
Les gymnases de boxe étaient nombreux remplis d'aspirants sérieux qui tentaient de percer en participant aux nombreux galas organisés, à toutes les semaines dans l'un ou l'autre des amphithéâtres mythiques comme le Blue Horizon, le Spectrum, le Convention Hall, entre autres.
On disait que dans les vestiaires de la ville il y avait des champions du monde en puissance qui n'auraient jamais d'ouverture pour se faire valoir.
J'ai eu le privilège de diriger Éric Lucas au légendaire Blue Horizon le 1er août 1995 contre Bryant Brannon pour le titre NABF des super-moyens. Une défaite pour le Québécois qui mettra la table pour des affrontements en championnat du monde contre Fabrice Tiozzo et Roy Jones Jr. l'année suivante.
C'était dans le cadre des « USA Network Tuesday Night Fights » et la salle de 1346 spectateurs en contenait 2000, dont certains étaient assis avec nous sur nos petits bancs de coin.
C'était la canicule; il faisait tellement chaud dans la place... 105 degrés selon un thermomètre accroché au mur derrière nous. Pour rafraichir Éric entre les rounds, Abe Pervin et Bob Miller le couvraient littéralement de glace qu'on avait acheté à l'épicerie du coin avant le gala.
L'histoire de la boxe à Philadelphie est fabuleuse et remonte au 18e siècle à l'époque des combats à poings nus. Une trentaine de boxeurs de cette ville a été couronné champion du monde dont, entre autres, les Tommy Loughran, Battling Levinsky, Joe Frazier, Bernard Hopkins, Meldrick Taylor, Jeff Chandler, Joey Giardello, Dany Garcia et le plus récent, le champion IBF des mi-moyens Jaron « Boots » Ennis.
Ce n'est pas pour rien que Sylvester Stallone a choisi cette ville de la Pennsylvanie pour localiser son champion Rocky Balboa. Aucune ville américaine ne pouvait mieux caractériser la culture et l'esprit du boxeur de club qui se bat pour des miettes devant quelques spectateurs en rêvant que quelqu'un le découvre un jour et lui donne sa chance.
Le sport à Philadelphie vit au rythme de ses rudes Eagles au football et de ses Phillies au baseball. Mais au même rythme que les Broad Street Bullies de la LNH se sont assagies pour devenir les Flyers de Daniel Brière, la boxe est devenue plus sophistiquée et moins caractérielle.
On a fermé le Spectrum en 2009 qui a vu évoluer les grands comme Joe Frazier, Marvin Hagler, Roberto Duran, Mike Rossman, Mike Tyson pour n'en nommer que quelques-uns. On l'a remplacé par le Wells Fargo, qui est ouvert depuis 1996, mais où on va y présenter de la boxe pour la première fois de son existence en fin de semaine.
Ce samedi, Jaron Ennis va faire revivre la ferveur de la boxe à plus de 10 000 de ses concitoyens, alors qu'il défendra sa couronne IBF des mi-moyens contre son aspirant no 13 David Avanesyan (30-4-1, 18 K.-O.).
C'est le premier combat d'un pacte à long terme que le jeune surdoué de 27 ans vient de signer avec Matchroom, une prise exceptionnelle pour la firme britannique.
C'est le troisième combat de championnat du monde pour le boxeur russe de 35 ans, lui qui s'est incliné aux points contre Lamont Peterson en 2017 et s'est affaissé en six rounds devant Terence Crawford en 2022.
Innis a quant à lui hérité de la ceinture IBF quand son compatriote Terence Crawford (40-0, 31 K.-O.) a opté de poursuivre sa carrière chez les super-moyens, qu'il va défendre pour la première fois.
Malgré l'adversité relativement anémique la popularité de cet événement n'en souffre pas du tout. On salue le retour de la grande boxe à Philly et de son enfant prodigue qui n'a pas combattu chez lui depuis janvier 2018, à sa deuxième année en boxe professionnelle.
En fait Jaron Ennis n'a pas besoin de personne pour donner un spectacle haut en couleur et en émotions. Pendant longtemps on a rêvé d'un méga affrontement entre lui et les meilleurs mi-moyens, Crawford, Spence Jr mais les deux évoluent maintenant dans une autre division.
Ce combat annonce véritablement l'arrivée internationale d'un boxeur au potentiel illimité à qui il faudra très bientôt faire une place dans le club très sélect des meilleurs pugilistes livre pour livre.
Si Crawford a sorti Avanesyan au sixième alors je prédis qu'Ennis va le faire ici en cinq.
Nicholson c. Dyana Vargas pour le WBC des plumes
L'Australienne Skye Nicholson (10-0, 1 K.-O.) sera aussi de la partie et elle va défendre son titre WBC des plumes contre la dominicaine Dyana Vargas (19-1, 12 K.-O.).
Nicholson s'est beaucoup améliorée depuis ses débuts et elle est une des favorites de son promoteur Eddie Hearn. C'est la raison pour laquelle on la voit évoluer sur plusieurs continents, l'Amérique, l'Europe et l'Océanie.
Ici, une victoire pour Skye par décision est une prédiction facile à faire.
JO de Paris : du 27 juillet au 10 août pour la boxe
Nous sommes à 15 jours du début de la boxe au JO de Paris et c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on va suivre la championne du monde et des Jeux panaméricains Tammara Thibeault, de Shawinigan.
Elle est la grande favorite pour monter sur la plus haute marche du podium dans sa division, ce qui serait une première pour un représentant du Québec, hommes et femmes confondus, depuis l'or remporté par le Montréalais Albert Schneider aux Jeux d'Anvers en Belgique, en 1920.
La semaine prochaine, je vais vous parler de la participation et des succès obtenus par le Québec et le Canada aux JO depuis 1920 jusqu'aux derniers, ceux de Tokyo 2020.