Dès que le passage d’Adonis Stevenson de HBO vers Showtime a été officialisé mardi dernier, la planète Twitter s’est immédiatement enflammée. Plusieurs chroniqueurs et amateurs de boxe ont accusé le champion des poids mi-lourds du WBC d’éviter l’affrontement qu’apparemment tout le monde souhaite voir contre le tenant du titre de la WBO Sergey Kovalev.

Il y a pourtant quatre mois à peine, seulement 7 pour cent des 2300 répondants d’un sondage - non scientifique - sur le RDS.ca désiraient que le prochain adversaire de renom de Stevenson soit Kovalev! Tous les autres choix - Carl Froch (48 %), Bernard Hopkins (19 %), le gagnant du combat Jean Pascal-Lucian Bute (16 %) ainsi qu’Andre Ward (10 %) étaient plus populaires.

À sa défense, Kovalev était champion que depuis peu et n’avait pas encore passé le knock-out à Ismayl Sillakh et Cedric Agnew. Si le même exercice était répété aujourd’hui, il y a fort à parier que les résultats seraient complètement différents. Reste que c’était le portait fin novembre.

En s’entendant avec Showtime, Stevenson s’est ainsi considérablement rapproché d’un mégacombat d’unification des ceintures WBC, WBA et IBF contre l’éventuel vainqueur du duel entre Hopkins et Shumenov. Évidemment, un gain de B-Hop arrangerait davantage Superman.

Parce qu’au final, c’est ce que le boxeur québécois réclame depuis des mois, depuis qu’il a causé une véritable onde de choc en pulvérisant Chad Dawson en 76 secondes. Bref, bien avant que Stevenson n’embauche le controversé gérant Al Haymon pour représenter ses intérêts. Le mandat du promoteur Yvon Michel a toujours été aussi clair : permettre à Stevenson d’écrire l’histoire et de maximiser les revenus. Cette stratégie peut être décriée, mais elle a toujours été.

De nouveaux outils

Dans les semaines qui avaient suivi la conquête du titre de Stevenson, il était déjà question d’un combat présenté contre Hopkins à la télévision à la carte. « Hopkins aime beaucoup Adonis et il m’a dit que s’il avait à perdre un jour, il préférerait que ce soit contre Adonis », avait déclaré Michel le 14 août, en marge de la conférence de presse annonçant le duel face à Tavoris Cloud. « Il trouve que c’est le boxeur qui lui ressemble le plus et aimerait lui passer le flambeau. »

Après sa victoire sur Cloud, Stevenson savait déjà qu’il devrait procéder à la défense obligatoire de sa ceinture contre Tony Bellew. Encore là, les propos du promoteur ne laissaient aucun doute sur la suite des choses. « Le nom de Kovalev n’a absolument aucune résonance à l’extérieur du cercle des amateurs de boxe », affirmait Michel le 28 septembre. Le promoteur insistait également sur l’urgence de tenir le choc face à Hopkins étant donné que le temps était compté.

À l’annonce du combat contre Bellew le 18 octobre, Michel et Jean Bédard causent une certaine surprise en faisant savoir que leurs groupes unifieront leurs efforts pour faire mousser la carrière de Stevenson. Dès lors, la perspective d’une rencontre au sommet avec Hopkins semble de moins en moins probable, puisque HBO ne serait pas prêt à financer la tenue d’un tel événement. Kovalev n’est cependant pas la solution de rechange envisagée, les yeux sont plutôt tournés vers Froch. « C’est une question de notoriété et de revenus potentiels », clamait Michel.

Stevenson libre de toute obligation après sa victoire aux dépens de Bellew le 30 novembre, Michel déclare que « si c’est possible, le prochain adversaire d’Adonis sera Hopkins. Froch n’est plus une option selon son promoteur ». Ce ne sera véritablement que le 18 janvier, à sa première sortie publique depuis son triomphe sur Bellew, que Stevenson évoquera officiellement pour la première fois le nom de Kovalev en compagnie de ceux de Froch et Ward. « J’ai des projets avec HBO », révélait-il dans les coulisses du Centre Bell le soir de Pascal-Bute.

Dans une rare entrevue accordée par la suite, Michel confie à un journaliste de la Presse Canadienne le 27 janvier qu’il a amorcé des discussions avec HBO et Kovalev en vue d’un combat d’unification à l’automne ou à la fin de l’été. Par après, Michel expliquera que Stevenson s’était entendu avec Kovalev sur les termes du partage des droits d’acquisition et des revenus locaux, mais le boxeur québécois sera incapable d’en faire de même avec le réseau américain. Michel avait pourtant fortement suggéré à Stevenson d’accepter l’offre de HBO à ce moment-là.

La game prend une autre tournure le 18 février quand le puissant Haymon fait son entrée en scène. Même s’il a difficilement accepté la nouvelle au départ, Michel avouera que c’était pour le mieux. « Ç’a amené des comparatifs. Ça m’a donné des outils que je n’avais pas », a confié Michel au RDS.ca la semaine dernière. Avec Haymon suivra une proposition alléchante de Showtime que HBO n’égalisera finalement pas comme le réseau en avait pourtant le droit. Et s’envolera également la possibilité d’un combat avec Kovalev à court ou moyen terme.

Un monde de différences

Maintenant, est-il légitime d’accuser Stevenson d’éviter Kovalev et de ne pas offrir le combat que les amateurs veulent tant? Il s’agit d’un pas qui pourrait être imprudent de franchir comme le démontre le fil des événements au cours des derniers mois. Avec Showtime, Stevenson est plus prêt que jamais d’atteindre l’objectif qu’il s’était fixé au départ : affronter Hopkins.

Même s’il représente une cible plus facile à première vue, Hopkins demeure néanmoins celui qui permettra à Stevenson d’écrire l’histoire et de maximiser les revenus. Le fameux ratio « risque-récompense » qui motive les décisions en boxe n’avantage pas Kovalev. Remplacez le nom de Hopkins par ceux de Froch ou Pascal et le résultat sera le même.

Il y a un monde de différences entre ce que réclament les irréductibles amateurs de boxe et les amateurs de sports de tous les jours. Et n’en déplaise au premier groupe, c’est grâce au deuxième que les boxeurs s’en mettent plein les poches. Parlez-en à Floyd Mayweather fils.