MONTRÉAL - Pour Valérie Létourneau, s’entraîner à Montréal était devenu un problème. Considérée comme l’une des pionnières des arts martiaux mixtes féminins au Canada, elle roulait sa bosse depuis une dizaine d’années et sentait le besoin de donner un nouveau souffle à sa carrière quand elle a décidé de quitter son équipe et sa province pour s’exiler en Floride.

Joanne Calderwood, elle, a fait le chemin inverse. Saturée par l’enseignement qu’elle avait reçu dans son Écosse natale, elle a été séduite par les possibilités que lui offrait le Tristar. Elle est déménagée dans les dortoirs adjacents au gymnase en janvier et file depuis le parfait bonheur.

Ironiquement, les deux femmes s’affronteront samedi soir. Le combat, qui a été approuvé à un poids compromis de 125 livres, sera l’une des attractions principales du premier passage de l’organisation d’arts martiaux mixtes à Ottawa.

« Je peux comprendre sa décision, affirme Calderwood dans un charmant accent celtique. Des gymnases comme ATT et Jackson’s MMA comptent plusieurs filles dans leurs rangs. Mais personnellement, j’ai grandi dans ce sport en m’entraînant avec des hommes et j’ai appris à travailler avec ce qui est à ma disposition. Tant que l’ambiance est bonne et que je suis heureuse, je ne peux me plaindre. »

L’ambiance était bonne au Griphouse, le gym que Calderwood fréquentait à Glasgow, et Dieu sait qu’elle y était heureuse. Mais pour le bien de sa carrière, la combattante de 29 ans a senti qu’elle n’avait d’autres choix que d’aller voir ce qui se faisait ailleurs.

C’est en visionnant les vidéos instructives de Firas Zahabi sur YouTube que « JoJo » s’est mise à rêver d’être éduquée par le gourou montréalais. À Montréal, la spécialiste de muay thaï pourrait recevoir une formation plus complète et mieux adaptée aux arts martiaux mixtes. Par exemple, en Écosse, elle avait rarement l’opportunité de pratiquer son jiu-jitsu sans le port du Gi.

« Bien sûr, je connaissais déjà Firas pour le travail qu’il avait fait avec GSP et Rory MacDonald. Ce sont deux combattants que j’admire et je regardais souvent du visuel de leur entraînement que je trouvais en ligne. En plus, un de mes partenaires d’entraînement, Steven Ray, se trouvait ici et je connaissais aussi Joe Duffy. Tout ça a pavé mon chemin jusqu’ici. Après mes deux premiers entraînements, je savais que c’est ici que je voulais être. »

Quitter sa zone de confort pour aller blinder son armure des conseils de voix étrangères est une pratique commune dans le monde des arts martiaux mixtes. Tout au long de sa carrière, Georges St-Pierre a multiplié les voyages à New York, en Californie et au Nouveau-Mexique pour s’abreuver de l’intelligence de cerveaux réputés comme John Danaher, Freddie Roach et Greg Jackson. Nombreux sont les combattants qui alternent les voyages d’affaires en Thaïlande et au Brésil pour changer le mal de place, joindre l’utile à l’agréable.

Au cours de la dernière année, Conor McGregor a envoyé quelques pointes aux confrères qui quittaient leur pays pour s’établir à l’étranger, clamant qu’il se faisait lui-même une fierté d’avoir gardé ses quartiers généraux à Dublin pendant que d’autres avaient renié leurs racines pour suivre l’odeur du blé. Joanne Calderwood a presque eu le goût de pleurer lorsqu’elle a eu vent pour la première fois des propos du volubile Irlandais.

« Je crois qu’il essayait surtout de déranger son prochain adversaire, mais quand je l’ai entendu dire ça, je me suis dit : "J’espère que personne ne va penser que je suis une traîtresse!" Ça a été très difficile pour moi de quitter ma maison et mon gym, mais si je voulais pousser ma carrière à un autre niveau, je n’avais pas le choix. J’essaie simplement d’atteindre mon plein potentiel et si je dois quitter l’Écosse pour y parvenir, je suis certaine que tout le monde qui me supporte va comprendre ça. »

Valérie d’abord, Rihanna ensuite

Même si elle retrouve désormais dans son coin l’ancien entraîneur de sa prochaine adversaire, Calderwood jure qu’elle n’en sait pas plus que le commun des mortels au sujet de Valérie Létourneau.

« Je sais qu’elle est très forte, très endurante. Elle revient d’un combat de championnat au cours duquel elle a livré une bonne performance. Elle sera probablement l’adversaire la plus redoutable que j’aie affrontée, mais je suis prête pour le défi. J’aime l’idée de me lancer dans un combat de trois rounds et d’en ressortir en ayant prouvé que je suis plus forte. Je sais qu’elle va me donner le genre de combat que je veux. Il faut être deux pour danser et je sais qu’elle est toujours prête à le faire. »

Calderwood (10-1) a aussi la réputation de donner un bon spectacle. En juillet dernier, la mémorable bataille qu’elle a livrée à Cortney Casey a remporté la palme de « combat de la soirée » à l’UFC Fight Night 72. Une blessure à un genou qu’elle s’est infligée alors qu’elle s’entraînait pour affronter Paige VanZant l’a forcé à l’inactivité depuis. Elle montre une fiche de 2-1 depuis qu’elle a joint les rangs de l’UFC.

Après avoir accepté deux combats consécutifs en sol européen, Calderwood disputera samedi son premier combat au Canada.

« Je partirai immédiatement après, j’ai des billets pour aller voir Rihanna à Dublin. Mais je reviendrai! », promet-elle.