MONTRÉAL – C’est une semaine d’avant-combat comme une autre pour Nordine Taleb. Le combattant du gym Tristar partait pour Halifax aujourd’hui, mercredi. Au cours des prochains jours, il donnera quelques entrevues, terminera sa coupe de poids, révisera son plan de match.

Dimanche, il sera confronté à Santiago Ponzinibbio dans un combat qui sera présenté sur les ondes de RDS2. Il s’agira de sa sixième présence dans l’octogone. Il est convaincu qu’il en sortira vainqueur pour la cinquième fois.

C’est tout ce qui se passera ensuite qui, dans sa tête, est un peu moins clair.

Taleb ne se gêne pas pour dire publiquement ce que plusieurs de ses compagnons préfèrent garder dans le vestiaire : il n’aime pas ce qu’il voit depuis que de nouveaux propriétaires ont pris le contrôle de l’UFC. L’atmosphère n’est plus la même depuis que les frères Lorenzo et Frank Fertitta ont vendu la compagnie. Des visages connus ont quitté, des relations ont été écorchées. Des changements évidents s’opèrent et les combattants sont, pour la plupart, laissés dans l’inconnu.

« Disons que je me reconnais de moins en moins dans cette organisation », n’hésite pas à dire Taleb, qui qualifie ses nouveaux patrons de « très, très indifférents » au sort des combattants.

Nordine Taleb

Le Montréalais d’adoption a été ébranlé par la plus récente purge effectuée à même le bassin d’athlètes de l’UFC. Il est tombé sur la liste il y a quelques jours. On y retrouve des noms comme Lorenz Larkin et Rick Story, Erik Perez et Tayler Lapilus. Pas des grandes vedettes, mais des combattants qui avaient peu à se reprocher.

Larkin venait de passer le K.-O. à Neil Magny pour signer sa quatrième victoire à ses cinq dernières sorties. Story venait de voir une série de trois victoires arrêtée par Donald Cerrone. Perez avait remporté ses trois derniers combats. Malgré leur bon rendement, leur contrat n’a pas été renouvelé.

« La plupart l’ont appris sur le net, comme moi. Même pas un appel ou une discussion, un motif, prétend Taleb. Imagine le choc. Déjà qu’on trouvait qu’ils ne respectaient pas vraiment les combattants... là, c’est vrai. »

« C’est beaucoup d’insécurité. On savait déjà que l’UFC pouvait avoir la mèche courte. Voir un gars partir après une ou deux défaites, ok, mais là sur une suite de bonnes performances, ils te mettent dehors? Je ne comprends pas le mode de fonctionnement. Ça dépasse mon entendement. »

Selon les façons de faire de l’ancien régime, Taleb n’aurait rien à craindre pour sa place. Il n’a connu qu’une seule erreur de parcours depuis son passage à l’émission de téléréalité TUF Nations. À sa dernière apparition, il a passé un spectaculaire K.-O. au guerrier brésilien Erick Silva. Mais même s’il réserve le même sort à son prochain adversaire, sera-t-il à l’abri d’une mauvaise nouvelle?

« Mon nom n’est quand même pas banal, mais je ne suis pas un combattant phare de l’organisation. J’en conclus donc que je suis assis sur un siège éjectable », dit-il en toute lucidité.  

Taleb ne dit peut-être pas tout. Il affirme être sous contrat pour encore trois combats avec l’UFC, mais il semble déjà prévoir des embrouilles dans son avenir. Là où il est sans équivoque, c’est qu’il pourrait aller voir ailleurs après sa prochaine performance.

« J’ai mis la switch à off sur ce sujet, mais c’est fort possible. [...] Je vais prendre une décision comme un homme d’affaires qui gère son entreprise et je resterai sur ma position. Et si ça ne marche pas, je prendrai le bord parce qu’avant tout, je ne suis pas un fighter de l’UFC. Je suis Nordine Taleb, combattant. Je performe présentement à l’UFC, mais avant tout, j’aime me battre, que ce soit à l’UFC ou ailleurs. »

Mauvais sort

Voilà déjà presqu’un an que Taleb ne s’est pas nourri de sa passion. Après sa victoire contre Silva, un résultat qui, l’espérait-il, allait le « mettre sur la mappe », il s’était fait offrir un combat contre Alan Jouban. L’idée l’enchantait. Quelques mois avant le jour J, il était parti s’entraîner en Thaïlande.

À son retour, plutôt que de laisser les effets du décalage horaire s’évaporer, il est retourné au gymnase un peu trop vite. « Ça n’a pas été payant », confesse-t-il. Déchirure à l’aine. Son combat allait devoir être annulé.

Avant que le malheur lui tombe dessus, Taleb avait amorcé une réflexion. À 34 ans, où en était-il et où souhaitait-il aller? Il s’était donné deux ans. « Pour faire une grosse différence dans ma carrière, dit-il. Mais j’étais aussi venu à la conclusion que si je subissais une blessure importante, j’arrêterais ma carrière. »

Avait-il attiré le mauvais sort?

« Peut-être que je l’ai provoquée, envisage-t-il en riant. Mais au départ, j’ignorais tout de la gravité de la blessure. Pour dire vrai, je pensais guérir assez rapidement. À chaque semaine, les progrès étaient très légers, mais je gardais espoir. Au final, ça a pris plusieurs mois, mais je n’ai pas vraiment vu le temps passer. Si on m’avait dit dès le début que ça allait être si long, ça aurait sûrement été la fin. Mais comme ça s’est fait assez progressivement, ça m’a tenu dans le coup. C’est pour ça que je n’ai pas lâché. »

Les blessures à l’aine peuvent être très sournoises. Taleb connaît des athlètes qui traînent encore la leur après des périodes de convalescence beaucoup plus longue que la sienne. Lui se considère chanceux. « Je roule à plein régime, je suis en pleine possession de mes moyens. J’ai subi une petite perte d’élasticité, peut-être 10% sur certains angles, mais le principal est là. »

Nordine Taleb

Chaque détail sera important contre Ponzinibbio (23-3), un dangereux cogneur qui a remporté cinq de ses sept combats à l’UFC, dont trois par K.-O. au premier round.

« Ça va me pousser à ne pas dormir sur la puck, comme on dit! », assure le Français. « Je mise sur ma vitesse, mon explosivité et ma précision. Ce sont trois atouts que j’estime maîtriser mieux que lui et je vais tout mettre en œuvre pour que ces atouts se présentent ce soir-là. La victoire va être très satisfaisante. »

Taleb jure que la hache qui a récemment fauché la tête d’une poignée de confrères et dont il ne se considère pas à l’abri ne représente ni une source de distraction, ni une motivation supplémentaire dans sa préparation.

« C’est sûr que ma vision de l’organisation a changé. Mais voilà, moi je respecte mes engagements. J’ai une mentalité de guerrier et je me suis concentré sur Santiago. Je vais rester sur la bonne voie et je réévaluerai après ce combat. Je ne me mets pas de pression supplémentaire avec tout ça. »