MONTRÉAL – Patrick Côté a un bel été devant lui. Il profitera de vacances méritées, reprendra sa place d’analyste à la description des galas de l’UFC et vivra en septembre la naissance de son premier enfant.

Ensuite, le temps sera peut-être venu de trouver des réponses aux questions qu’il se pose depuis deux jours.

Côté se remet de la première défaite par K.-O. de sa carrière. Le résultat n’a pas trop affecté son moral, mais a provoqué une remise en question tout à fait normale dans les circonstances. À 36 ans, le Prédateur était confiant de pouvoir pousser la machine et de s’établir comme une présence dérangeante parmi la crème de la division des mi-moyens. Dernièrement, on l’avait même entendu rêver à voix haute au titre de champion du monde.

Sa confiance était justifiée par une série de trois impressionnantes victoires. La correction que lui a infligée Donald Cerrone, samedi soir à Ottawa, a toutefois mis un frein à ses idées de grandeur.

Côté garde fièrement la tête haute, mais il évalue aussi sa situation d’un regard très lucide. Sans vouloir pour l’instant parler de retraite, il n’écarte pas non plus la possibilité d’avoir livré le dernier combat de sa carrière.

« Présentement, je ne peux pas dire oui ou non. J’ai toujours dit que tant que je serais capable d’être compétitif contre l’élite mondiale, j’allais toujours avoir du plaisir à pratiquer ce sport. Là, j’ai senti que je me suis fait un peu dépasser et ça, c’est peut-être le premier signe... », se demandait-il lundi.

Côté ne s’invente pas d’excuses. Il était en forme, il était prêt et il a tout donné contre le Cowboy. Il s’est simplement incliné devant un meilleur athlète. Contre la rapidité et la précision des frappes de l’ancien aspirant au titre des poids légers, le Québécois s’est rapidement retrouvé sans réponse. Son adversaire l’a projeté au sol sans problème, a failli lui passer un étranglement arrière, l’a envoyé au tapis à deux reprises avec autant de gauches précises et a finalement eu raison de sa persévérance au milieu du troisième round.

« À un moment donné, quand il a commencé à lâcher tout son arsenal, ça venait vite », concède sans gêne Côté.

Côté a rencontré son homme

Selon Fightmetric, Cerrone a touché la cible avec 73 frappes significatives contre Côté. Même Stephen Thompson, qui s’est hissé au rang d’aspirant numéro un à la couronne présentement détenue par Robbie Lawler avec sa victoire de samedi contre Rory MacDonald, n’avait pas été aussi efficace lorsque les deux avaient croisé le fer en 2014.

« Ça fait quand même deux combats que je me fais ébranler – pas sonner, mais ébranler – et pour moi c’est assez important, réalise le leader de BTT Canada. Je suis en train de fonder une famille. C’est important pour moi de voir grandir mes enfants et de pouvoir m’amuser avec eux sans avoir eu trop de dommage à la tête. »

Le pionnier des arts martiaux mixtes canadiens a donc amorcé une importance réflexion. Si l’introspection qu’il s’imposera au cours des prochains mois lui permet de conclure qu’il n’a plus la tête au combat, il n’hésitera pas à mettre fin à une carrière qui a débuté en 2002.

« C’est sûr que là, je parle encore un peu sous le coup de l’émotion. La poussière n’est pas encore retombée. Je vais prendre l’été pour voir ce qui se passe. J’ai d’autres choses qui m’attendent, des projets à l’extérieur de la cage, des bons placements. Je l’ai souvent dit : je fais ça parce que j’aime ça, pas parce que j’en ai besoin. »

« J’ai aussi toujours dit que je ne voulais pas faire le combat de trop. Toutes ces affaires-là que j’ai dites, j’y crois et c’est important pour moi de rester fidèle à mes convictions. [...] Si j’arrive à la conclusion que c’est terminé, ça ne sera pas facile, mais ça va être plus facile. Je ne me retrouverai pas devant rien. C’était un but dans ma vie. Avoir le choix, c’était important pour moi. Et là, j’ai le choix. Personne ne va me pousser à la retraite. C’est vraiment moi qui vais prendre la décision, qui va décider ce qui est le mieux pour moi. »

Le menton résiste

Même si on reconnaît la polyvalence qu’il a acquise au fil des années, Patrick Côté a bâti sa carrière sur trois principaux atouts : un cœur de lion, des poings en acier et un menton de granit. Les deux premiers le suivront probablement dans sa tombe, mais en sports de combat, toute mâchoire vient avec une date d’expiration.

Les récentes sorties de Côté pourraient laisser croire que sa capacité à encaisser n’est plus ce qu’elle était, mais le principal intéressé rejette la théorie voulant qu’il ait perdu son menton.

« Les coups qui m’ont mis au sol, c’est davantage une question de vitesse d’exécution et de timing. Je n’ai pas perdu la carte, relativise-t-il. Être capable d’encaisser, c’est correct, je n’ai pas de problème avec ça. Mais il y a des limites aussi. Je n’irai pas combattre parce que je sais que j’ai un bon menton et que je suis capable de prendre toutes les shots si je ne suis plus capable de suivre le rythme. »

« Il m'a surpris avec sa stratégie »

Côté précise que c’est le volume et l’efficacité des frappes de Cerrone, bien plus que leur puissance, qui a eu raison de sa résistance samedi.

« Ce n’est pas qu’il cogne fort, mais il est extrêmement rapide et précis. Et surtout, il continue ses attaques. Il attend que la première attaque soit finie, on pense qu’on a un petit break pour répondre et là, il repart. C’est toujours avec sa deuxième attaque qu’il m’a ébranlé. »

Côté admet aussi avoir été déstabilisé par un début de combat pour lequel il n’était pas préparé. Au lieu d’appliquer une pression étouffante sur son adversaire, comme il l’avait ouvertement prédit, il s’est fait projeter au sol dès les premières secondes d’action.

« Ça te met un autre doute dans la tête, ça te fait réfléchir. Je sais qu’au deuxième round, j’ai commencé à réfléchir, et quand tu te mets à réfléchir, tu perds une fraction de seconde et tu commences à te faire toucher. Quand tu n’es plus guidé par tes instincts dans un combat comme ça qui va à 100 miles à l’heure, tu manques solidement de timing. »

« Je reculais et j’essayais de travailler en contre-attaque, analyse Côté. C’est la pire chose à faire contre Cerrone. Ça a commencé à devenir compliqué. Je me faisais toucher plus souvent, je manquais beaucoup plus souvent la cible. Je n’ai pas fait le bon combat. En même temps, Cerrone n’est pas l’un des meilleurs au monde pour rien. »