QUÉBEC - Passer treize mois sur les tablettes. Dans le monde ultra-compétitif des arts martiaux mixtes, c'est généralement un cauchemar qu'on n'oserait pas souhaiter à son pire ennemi.

Vous n'entendrez toutefois pas Patrick Côté se plaindre de son sort.  C'est que depuis sa victoire sur Bobby Voelker, il y a plus d'un an, le « Prédateur » n'a pas chômé.

Patrick CôtéCôté était toujours en attente d'un nouvel adversaire en juin dernier lorsqu'il a reçu une proposition qui lui a plu. Le UFC lui offrait un poste d'entraîneur sur la prochaine édition de son émission de téléréalité, The Ultimate Fighter. Le plan : prendre sous son aile une équipe de huit combattants canadiens, triés sur le volet, qui seraient confrontés à une équipe australienne dans un tournoi visant à ouvrir les portes de la compagnie aux plus méritants. Accepter signifiait qu'il devait mettre sa carrière en veilleuse pour une période plus longue que prévu, mais l'assurait d'un combat intéressant à la fin de l'aventure.

Côté a jugé qu'il ne pouvait lever le nez sur une telle opportunité et aujourd'hui, deux jours avant de pouvoir finalement en découdre, comme le veut la tradition, avec l'entraîneur de l'équipe rivale, il réalise qu'il ne s'était pas trompé.

« Je suis un bien meilleur athlète aujourd'hui grâce à cette expérience », approuvait le combattant de 34 ans lorsque rencontré par RDS lundi.

« Quand tu coach, tu reviens à des détails que tu finis par oublier quand tu ne fais que t'entraîner. Tu vas peut-être couper les coins moins ronds parce que tu veux vraiment enseigner une technique de la bonne façon et par la bande, on dirait que ça te rafraîchit la mémoire. C'est la base, mais c'est souvent ce qui fait la différence entre une victoire et une défaite. »

Côté n'était pas totalement étranger au concept dans lequel il avait accepté de s'embarquer. En 2006, il avait participé à la quatrième saison de la populaire série télévisée. The Ultimate Fighter : The Comeback s'était donné comme mandat d'offrir une deuxième chance à des combattants qui avaient déjà connu un passage infructueux au UFC. C'est par ce processus que Matt Serra a pu obtenir un combat de championnat contre Georges St-Pierre. Côté, lui, s'était incliné en finale du tournoi des poids moyens devant Travis Lutter.

« Être entraîneur, c'est pas mal plus de travail, répond-il face au jeu des comparaisons. Quand tu es combattant, tu n'as qu'à faire attention à ton poids, aller au gym, faire ce que ton coach te demande et te battre. Là, je devais penser aux stratégies, aux possibilités  d'affrontements, aux exercices que j'allais leur faire faire. C'est un travail d'ajustements constant parce que tout le monde a des personnalités et des spécialités différentes. Mais tu me demandes de le refaire demain matin et c'est sûr que j'accepte. »

Un travail d'équipe

Il faut croire que Côté s'est bien acquitté de ses nouvelles tâches, puisque son équipe a tout raflé pendant les six semaines qu'ont duré le tournage. Ses poulains ont gagné huit des onze combats qui les ont opposés à des rivaux australiens, une domination qui fait en sorte que mercredi soir, au Colisée Pepsi, ce sont quatre Canadiens qui feront les frais des finales du tournoi qui couronnera ses champions.

« Un bon combattant n'est pas nécessairement un bon entraîneur, précise Kru Ash, le spécialiste de muay thaï du clan Côté. Tu peux savoir te battre, mais l'oeil du coach, avec l'attention aux détails, la gestion du côté psychologique et l'élaboration des plans de matchs, c'est complètement autre chose. Je crois que Pat a les deux, ce qui est assez rare. »

Patrick Côté« Pat ne voulait pas seulement faire ça pour passer à la télévision, ajoute Fabio Holanda, son complice de toujours qui lui a enseigné le jiu-jitsu. Chaque jour, il amenait de nouvelles idées et il travaillait très fort pour aider ses gars à s'améliorer. Les résultats ne mentent pas, on peut dire mission accomplie. »

« Je suis arrivé là-bas avec l'esprit très ouvert, explique Côté. Ça n'a jamais été mon but d'être un dictateur qui allait dire quoi faire à tout le monde. Dès le début, j'ai mis l'accent sur l'importance de former une équipe. Je voulais que tout le monde s'entraide. Dans ce sport, tu ne peux pas t'améliorer en frappant sur un sac de sable tout seul dans ton garage. Tu as besoin de partenaires d'entraînement et je pense que tout le monde l'a compris. »

Côté, il faut le dire, avait aussi le luxe de diriger une escouade choyée en terme de talent.
« On le voyait bien qu'on était meilleur qu'eux, concède-t-il, mais un combat, c'est un combat. Il y a eu des surprises, des choses qui n'ont pas tourné comme on le voulait. Tu peux bien être favori sur papier, mais quand la cloche sonne, c'est 50/50. »

Pas d'animosité

Historiquement, le job d'entraîneur devant les caméras du Ultimate Fighter a plus souvent qu'autrement été confié à deux antagonistes au tempérament fort qui, en bon Québécois, ne s'aiment pas la face.

Au UFC, on a compris depuis longtemps qu'une bonne rivalité n'a jamais nui aux cotes d'écoute. Ainsi, au fil des années, le feu qui brulait entre Chuck Liddell et Tito Ortiz, les tentatives d'intimidation de Josh Koscheck à l'endroit de Georges St-Pierre, les chicanes entre Michael Bisping et Jason Miller ou encore la guerre verbale entre Miesha Tate et Ronda Rousey ont toujours suscité plus d'intérêt que les performances des athlètes qu'ils dirigeaient. Chael Sonnen et Wanderlei Silva en sont carrément venus aux coups dans la plus récente édition brésilienne de l'émission.

Mais entre Patrick Côté et Kyle Noke, ce fut le calme plat.

« Je pense qu'on est chacun arrivé dans le même état d'esprit. On était là pour notre équipe, on voulait donner le meilleur enseignement possible et on savait que notre tour viendrait », justifie celui qui se prépare pour son 15e combat au UFC.

« Moi, c'est bien rare que je commence le thrash talk. Par contre, si mon adversaire s'embarque là-dedans, il va finir deuxième. Je suis capable de répondre, mais là, il n'y avait pas de raison de faire quoi que ce soit. »
L'absence d'animosité entre les entraîneurs ne signifie pas que rien n'est venu troubler la paix apparente dans le petit coin des Laurentides qui a accueilli les deux équipes. L'arrivée soudaine dans le portrait de Jon Chaimberg, un spécialiste du conditionnement physique montréalais venu faire suer les élèves de Noke, a créé le premier malaise de la saison.

« Quand il est arrivé avec son chandail de l'Australie, il n'y a pas que moi qui a été surpris et un peu froissé », se souvient Côté, dont le propre comportement a aussi soulevé des questions quelques semaines plus tard. Avant l'un des duels de demi-finale, le personnel d'entraîneurs du Canada a semblé se ranger derrière Chad Laprise alors que celui-ci se préparait à affronter un coéquipier, Kajan Johnson.

Côté se défend aujourd'hui en se disant victime d'une sélection d'images désavantageuse. 

« Des critiques, je vais en avoir toute ma vie. Ça fait dix ans que je fais ce métier, ce n'est plus quelque chose qui me dérange vraiment. »