Souvenirs de la Coupe Grey : les douches de bière pour David Arsenault
La 110e Coupe Grey entre les Blue Bombers et les Alouettes est présentée dimanche dès 16 heures sur toutes nos plateformes
COLLABORATION SPÉCIALE
On a cessé de me poser la question au moment où les Alouettes ont arrêté d'aller à la Coupe Grey. Cela fait donc au moins 13 ans que je ne l'entends plus.
« Pis Monsieur Arsenault, ça brûles-tu du champagne dans les yeux? »
J'ai répondu assurément à cette question 50 fois. Que ce soit au stade Molson, à l'épicerie ou dans le vestiaire de ma ligue de garage, tous avaient pour moi cette question qui leur brûlait les lèvres.
Petit rappel de l'histoire ici pour les plus jeunes qui m'appellent Monsieur Arsenault parce que j'ai l'âge de leur père. J'ai couvert les Alouettes quotidiennement durant une quinzaine d'années (1996-2010). J'étais comme Didier Orméjuste, mais en version miniature.
Je gravitais dans l'entourage de l'équipe six mois par année : reportages aux entraînements, interventions en direct lors des matchs, entrevues dans le vestiaire et même quelques voyages à bord du même avion. C'est comme si je faisais partie de l'équipe pour certains. Cela dit, ça ne m'a jamais empêché de faire mon travail rigoureusement et je ne crois pas avoir été complaisant envers qui que ce soit. J'ai même eu mes conflits avec certains, mais ça, c'est une autre histoire.
Entre 1996 et 2010, les Alouettes étaient l'une des équipes les plus redoutables de la LCF. Les saisons de moins de dix victoires étaient une anomalie. Durant la décennie 2000, l'équipe a participé à huit matchs de la Coupe Grey. HUIT en dix ans! Les occasions de décapsuler quelques Molson et de sabrer le champagne ont donc été fréquentes et il m'est arrivé d'en subir les conséquences.
Voyez-vous, quelqu'un, quelque part a jugé qu'il était de mise de célébrer une victoire en m'aspergeant d'un breuvage alcoolisé en direct à la télévision. Après tout, j'étais « one of the boys ». Je n'en ai jamais été offusqué. J'ai grandi en regardant Richard Garneau, Lionel Duval et Camille Dubé se faire arroser par les joueurs des Canadiens à La Soirée du hockey. Il était donc normal que je devienne le souffre-douleur des Alouettes. Et pour être bien honnête, ça fait de la maudite bonne télé!
Étrangement, je crois que ma première douche de bière devant la caméra m'est venue d'un membre des Tiger-Cats de Hamilton en 1999. J'y ai aussi goûté en 2000, 2001 et 2002 avant de vivre la grande sécheresse.
Entre 2003 et 2008, les Alouettes ont subi quatre revers consécutifs à la Coupe Grey. J'avais beau me rappeler de conserver ma neutralité journalistique, j'étais sincèrement désolé pour plusieurs, à commencer par Anthony Calvillo, l'un des grands athlètes et gentilhommes que j'ai rencontrés au cours de ma carrière. On s'est mis (injustement) à douter de sa capacité à gagner « les gros matchs ».
Et que dire des Bruno Heppell, Sylvain Girard, Paul Lambert, Matthieu Proulx et Étienne Boulay de ce monde? De La Prairie à Alma, en passant par Québec et Pointe-Claire, ils ont passé trop d'hivers à se faire aborder de la même façon : « Allez-vous finir par la gagner la Coupe Grey? ».
Quand les Alouettes ont mérité les grands honneurs en 2009 – le fameux match du 13e homme contre les Roughriders de la Saskatchewan – j'en ai mangé une sincère, gracieuseté de Paul Lambert.David Arsenault et Paul Lambert
Il m'avait un peu vendu la mèche en me proposant de mettre des lunettes de ski sur ma tête avant qu'on vienne à nous en direct. Quand Paul a senti que notre entretien tirait à sa fin, il a déversé non pas une, mais deux canettes de bière sur ma tête. Mes « goggles », restés collés sur mon front, ne m'ont été d'aucune utilité, mais peu importe. Nous avons ri de bon cœur durant plusieurs secondes. J'étais heureux pour Paul qui savourait enfin sa première Coupe Grey après quatre tentatives infructueuses. J'étais ému pour tous ces valeureux guerriers du ballon ovale qui voyaient leurs efforts enfin récompensés.
Dimanche, je suis assuré de rentrer à mon hôtel bien au sec si les Alouettes remportent la 110e Coupe Grey. Mon rôle de descripteur, que j'occupe avec fierté et bonheur depuis 2014, ne me demande plus d'aller dans le vestiaire à mes risques et périls. Cette tâche revient maintenant à Didier. Je vais d'ailleurs vous faire une confidence : j'aime beaucoup mon collègue, mais je serais ravi qu'il en mange une sincère à son tour! Mener des entrevues en direct à la télé, dans un vestiaire rempli d'Alouettes qui crient, qui pleurent de joie et qui se donnent l'accolade, a été la plus belle expérience de ma carrière.
Avant d'oublier : oui, ça brûle du champagne (et de la bière) dans les yeux.
Bonne Coupe Grey!