MONTRÉAL – « Je n’ai pas confiance en Tanner », lance Jonathan Crompton sur un ton faussement inquiet avant de prendre place sur une vieille chaise plantée aux abords du terrain d’entraînement des Alouettes.

Derrière lui, Tanner Marsh regarde les ciseaux qu’il tient entre les mains, l’air de se demander s’il possède le bon instrument pour remplir sa mission, et s’avance d’un pas incertain vers son bon ami. L’outil tranchant dans sa main droite, il empoigne de l’autre la longue queue de cheval de Crompton et passe à l’attaque. La crinière brune offre plus de résistance que prévu, mais finit éventuellement par tomber au sol. Au sens propre, du moins, le visage de l’attaque des Alouettes n’est vraiment plus le même.  

Crompton négligeait sa toison depuis deux ans dans le but de faire cadeau de ses cheveux à l’organisation « Locks of love », qui utilise ce genre de don pour offrir à des enfants malades une coiffure artificielle. Le Californien passe une main sceptique sur sa nuque pour constater l’ampleur des dégâts. « Je suggère à Tanner de ne pas quitter son emploi régulier », laisse-t-il finalement tomber à la blague, bien heureux d’avoir été soulagé d’une partie de son cuir chevelu pour contribuer à une cause qui lui tient à cœur.

Crompton possède au moins une autre raison d’être comblé. Des cinq quarts-arrières sous contrat avec les Alouettes, c’est toujours lui qui détient le job convoité de partant. Malgré des performances peu convaincantes lors des deux matchs préparatoires de l’équipe, l’entraîneur Tom Higgins a pris la décision de lui laisser le poste dont il avait hérité au milieu de la tourmente l’année dernière et dont il s’était efficacement acquitté.

Si les doutes qui subsistent à son endroit le dérangent, Crompton, toujours aussi détendu, ne le laisse pas paraître.

« Ça fait partie de la position, indique le centre Luc Brodeur-Jourdain au sujet de la capacité de son partenaire de remise à esquiver les critiques. Un quart-arrière doit avoir le dos assez large pour vivre avec tout ça. Lorsque tu as la trempe d’un quart partant, peu importe à quel niveau, il faut que tu démontres une résilience par rapport à ce qui est dit à ton sujet et je pense que Jonathan n’est pas du type à se laisser affecter par ça. »

À l’aube d’un nouveau début de saison dans la Ligue canadienne, les Alouettes sont vus comme une équipe pouvant lutter pour le plus haut rang du classement dans l’Association Est. Leur défensive devrait être aussi solide que le roc et les unités spéciales revampées inspirent l’optimisme. En attaque, l’arrivée de nouveaux receveurs d’expérience et la présence d’une ligne à l’attaque presque inchangée rassure. En fait, une seule position incite au doute, mais il s’agit de la plus importante de toutes.  

« C’est naturel, désamorce Brodeur-Jourdain. Si quatre des cinq joueurs de la ligne offensive étaient des recrues, je pense qu’on serait pointés du doigt immédiatement en début de saison. C’est un point d’interrogation d’avoir un jeune quart au sein d’une organisation, mais le talent, soit tu le développes ou soit tu l’achètes. Et ici, c’est une philosophie à l’interne depuis nombre d’années. Les Alouettes ont tendance à conserver leurs vétérans et à développer le talent. »

« Personnellement, je ne trouve pas qu’il y a un point d’interrogation au poste de quart-arrière, s’oppose le receveur Samuel Giguère. C’est vrai que dans nos deux premiers matchs préparatoires, on n’a pas été en mesure de performer comme on le souhaitait, sauf qu’en même temps, on ne s’était pas préparés pour un adversaire spécifique. On installait nos jeux, on est passé à travers tout le cahier de jeux et on s’est préparés pour les 18 semaines qui vont suivre. »

« Je sens qu’il est en contrôle de la situation, il est en confiance et je m’attends à ce qu’il fasse de belles choses jeudi soir », a ajouté le receveur québécois.

Higgins, qui a réitéré mardi sa confiance en Crompton, est confiant de voir son attaque répondre à l’appel jeudi soir alors que les Alouettes amorceront leur saison face au Rouge et Noir d’Ottawa, une rencontre qui sera présentée sur les ondes de RDS.

« Je peux vous garantir que nous ferons bouger le ballon. J’espère seulement que ce sera vers l’avant! », a blagué le pilote, visiblement fier de son coup, à deux jours du premier véritable botté d’envoi.

« On a un plan de match maintenant, a ensuite expliqué Higgins avec plus de sérieux. C’est-à-dire qu’on est à établir la meilleure sélection de jeux pour ce que notre adversaire nous présentera défensivement et j’aime nos chances d’être beaucoup plus productifs qu’on l’a été lors du calendrier préparatoire. Seul le temps nous le dira, par contre. C’est pourquoi on devra jouer ce match, pour voir si je dis vrai ou non. »

Un chapitre pour LeFevour

Si Higgins place toute sa confiance en Crompton, il n’entend pas pour autant négliger les autres atouts qu’il a entre ses mains à la même position. L’entraîneur a précisé mardi qu’un chapitre de son livre de jeux était réservé à Dan LeFevour, un quart mobile qui a maintenu une moyenne de 6,1 verges par course lors des deux dernières saisons avec les Tiger-Cats de Hamilton, et qu’il ne se gênerait pas pour en feuilleter les pages.

La conscience de Brouillette

« Nous aurons un bloc de jeux qui nous permettra de l’insérer dans le match dans l’espoir qu’il puisse semer le chaos dans la défensive adverse, qui devra se préparer pour deux styles de quarts différents », a promis Higgins, qui a aussi laissé entendre que c’est LeFevour, et non Brandon Bridge, qui se verra confier la mission d’aller chercher le premier jeu lorsqu’un court gain sera nécessaire.

Le nom des deux autres quarts des Alouettes, Rakeem Cato et Marsh, se retrouve pour l’instant sur la liste des blessés.

LeFevour se remet lui-même d’une blessure à un genou qui l’a ralenti au début du camp d’entraînement.

« Il est prêt à faire feu, je ne crois pas qu’il y ait l’ombre d’un doute à ce sujet dans son esprit, assure Higgins. Avec le travail qu’il a fait durant le camp d’entraînement, il a toujours devancé les échéanciers. On l’a tenu en laisse pendant assez longtemps, il est maintenant affamé et veut jouer. »

Giguère a hâte

Samuel Giguère fait partie de ce groupe de nouveaux receveurs qui capteront les passes de Crompton – ou de LeFevour – à partir de jeudi. L’ancien du Vert et Or de l’Université de Sherbrooke, qui a passé les trois dernières saisons à Hamilton, attend avec impatience le début de la saison.

« Je trouve que j’ai eu un bon camp. Je me suis bien imprégné du système offensif et je pense que je me suis bien adapté au sein du groupe de receveurs. Je me sens en forme et j’ai vraiment hâte que ça commence. »

Giguère, qui est arrivé à Montréal en même temps que Nik Lewis et Fred Stamps, notamment, vante la profondeur du groupe de receveurs dont il fait partie.

« On a des vétérans, des joueurs d’expérience et des gars qui ont déjà eu des grandes carrières. C’est super d’avoir tout ce bagage collectif et je pense que ça va nous aider plus la saison va avancer. »