Passer au contenu principal

RÉSULTATS

Devrions-nous payer les porteurs de ballon?

Publié
Mise à jour

C'est un sujet qui revient chaque saison. Les équipes de la NFL sont frileuses à offrir des prolongations de contrat lucratives aux porteurs de ballon de la NFL. S'en suivent des grèves, parfois payantes, mais qui ont la plupart du temps l'effet inverse pour le joueur en question.

Dans les récentes saisons, Le'Veon Bell et Melvin Gordon sont deux noms qui viennent en tête lorsqu'on pense aux joueurs qui se sont brûlés en tentant d'aller chercher le gros morceau du gâteau. Bell a dû faire l'impasse sur une saison complète pour finalement accepter un contrat similaire avec les Jets à celui qui lui était offert par les Steelers. Ses statistiques à New York derrière une ligne à l'attaque bien moins efficace et sous les ordres d'Adam Gase ont pris une chute monstrueuse. Melvin Gordon, lui, a fait le pari que les Chargers en arracheraient pendant son absence. C'est finalement durant sa grève que L.A. a confirmé toute l'étendue du talent d'Austin Ekeler, reléguant Gordon à un rôle inférieur dans l'attaque californienne.

Parmi les demi-offensifs qui ont obtenu ce lucratif contrat désiré, on peut penser à Ezekiel Elliott (6 ans/90 millions $), Todd Gurley (4 ans/57,5 millions $), David Johnson (3 ans/39 millions $) et d'une certaine façon Bell (4 ans/52,5 millions $). Elliott a été libéré après la 4e saison de son contrat. Gurley et Bell, au cours de la deuxième. David Johnson, lui, a vu son contrat aller jusqu'à son échéance, mais en étant échangé à une autre équipe.

Pendant ce temps en 2021, Jonathan Taylor (2 171 verges totales pour un salaire moyen de 1 957 288$), Najee Harris (1 667 verges totales pour un salaire moyen de 3 261 862 $), Antonio Gibson (1 331 verges totales pour 1 233 159 $), Josh Jacobs (1 220 verges totales pour 2 983 350$), Javonte William (1 219 verges pour 2 216 438 $), David Montgomery (1 153 verges totales pour 1 003 845 $) et A.J. Dillon (1 119 verges totales pour 1 321 458$) ont tous terminé dans le top-20 des porteurs de ballon les plus productifs sans toucher un salaire dépassant la 20e position. Sans s'étendre, le constat est similaire en 2022 que ce soit Jacobs, Gibson, Miles Sanders, Tony Pollard, Rhamondre Stevenson, Isiah Pacheco, Kenneth Walker, Tyler Allgeier, Jamaal Williams, bref la liste est longue. Tous sous le 20e salaire moyen à la position et tous ont eu un impact important sur leur équipe.

Mais il y a les porteurs élites! C'est vrai.

Les Christian McCaffrey, Derrick Henry, Nick Chubb et Saquon Barkley. Ce sont les exceptions qui confirment la règle. Et encore là. McCaffrey a raté la majeure partie des trois dernières saisons ennuyé par des blessures. Barkley a connu des problèmes similaires et le Roi Henry est lui aussi tombé au combat en 2021. Ces quatre porteurs commanderont un salaire minimum de 11 millions $ l'an prochain. Pendant ce temps, les deux finalistes du Super Bowl avaient un des budgets de 6 412 670 $ pour les Chiefs et 5 259 660 $ pour les Eagles. Quelque 672 330 dollars de plus que le salaire de Barkley l'an prochain. Pour huit joueurs. Une blessure dans un des deux comités et il reste trois joueurs en relève pour prendre la place.

Sur l'aspect mathématique et purement de « business », toute la logique pointe vers une utilisation du contrat de recrue des porteurs de ballons, la cinquième année dans le cas des choix de première ronde et une utilisation de l'étiquette de franchise pour les talents élites. Ensuite ? On jette et on recommence l'opération depuis la première étape. La grogne des demis offensifs est évidente et très compréhensive. La position est probablement la plus difficile sur le corps pour les joueurs de la NFL. Ce n'est pas un hasard que la moyenne des carrières chez les porteurs de ballons est 2,57 saisons. La plus basse parmi toutes les positions du gridiron.

Les porteurs de ballons vedettes ont récemment été très vocaux pour faire changer les choses, mais la réalité de l'économie actuelle de la NFL, c'est qu'outre les 5 ou 6 talents élites qui peuvent changer un match à eux seuls, il existe un grand nombre de porteurs de ballon talentueux et peu dispendieux qui n'attendent qu'une chance. On n'a qu'à penser à Tyler Allgeier, Kenneth Gainwell, Elijah Mitchell ou Isiah Pacheco qui ne coutent même pas un million en moyenne annuelle sur le cap salarial de leur équipe.

Les héros d'hier seront les zéros de demain

Et pourtant la NFL a été bâtie en partie sur l'immense travail des porteurs de ballons qui ont transcendé les générations. Jim Brown, Bo Jackson, Emmitt Smith, Walter Payton, Barry Sanders, LaDainian Tomlinson, Eric Dickerson, Jerome Bettis, etc. Tous des grands du sport qui ont mené leur équipe à la sueur de leur front et la puissance de leurs jambes.

Mais voilà, le sport évolue et la NFL n'y fait pas exception. Le jeu aérien est de plus en plus important dans le football et les porteurs de ballon s'en retrouvent négligés. Plus de passes, moins d'opportunités pour les porteurs de ballon, c'est de la pure mathématique. Ajoutez à cela que les équipes optent de plus en plus pour un comité de porteurs de ballons afin d'éviter les répercussions d'une blessure et de garder tout le monde le plus frais sur le terrain pour les pouces importants des fins de matchs.

Et ce n'est pas seulement le bras des quarts-arrière qui nuit aux porteurs de ballon. Plus que jamais, les équipes de la NFL développent les talents au sol des quarts-arrière pour en faire des doubles menaces. Josh Allen, Lamar Jackson, Kyler Murray, Justin Fields, Pat Mahomes et Deshaun Watson en sont de bons exemples. Les qualités athlétiques des quarts séduisent les équipes et tiennent les défenses sur le qui-vive.

Autre exemple de la diminution de l'importance du jeu au sol à une seule tête. Voici la liste des porteurs de ballons meneurs des verges au sol des gagnants du Super Bowl depuis 2009. Isiah Pacheco, Cam Akers, Leonard Fournette, Damien Williams, Sony Michel, LeGarette Blount (trois fois!), C.J. Anderson, Marshawn Lynch, Ray Rice, Ahmad Bradshaw, James Starks et Pierre Thomas. Du lot, seul Marshawn Lynch gagnait plus de deux millions en salaire de base au cours de l'année du championnat. Beast Mode pouvait toutefois compter sur un Russell Wilson sur son contrat de recrue.

Alors quelle est la solution?

Au tournant du millénaire, les demis offensifs représentaient encore une pièce maitresse des attaques les plus dévastatrices de la NFL. Depuis, c'est la déchéance à la position, si bien que le porteur de ballon moyen gagne désormais moins que le botteur de précision moyen. Mais comment régler la situation et permettre à la position de retrouver leurs lettres de noblesse.

Les contrats de recrues devraient-ils être raccourcis pour les demis offensifs? Ça ouvrirait à une renégociation de contrat plus rapide alors que l'athlète est encore au sommet de sa courbe de progression et de santé. Oui, mais ça limiterait la fenêtre d'opportunité pour un porteur de s'établir et les équipes pourraient être tentées de passer encore plus vite au prochain appel.  

Des contrats de performances? C'est une piste de solution qui permettrait aux porteurs de toucher un salaire qui reflète ce qu'ils apportent à la table. La ligue offre déjà quelques bonus à la performance pour les choix de première ronde qui touchent un salaire plus élevé à leur cinquième année d'option selon leurs statistiques alors que les joueurs hors de la première ronde peuvent toucher des bonus en jouant plus que 55 % des jeux de l'équipe ou encore en obtenant une invitation au Pro Bowl.

Les débordements de certains contrats (salut JaMarcus Russell) ont mené à des contrats de recrues qui sont déterminés d'avance et essentiellement pour quatre ans, les joueurs ne peuvent pas revoir leur contrat ou négocier une prolongation de contrat avant la troisième saison. Même en inscrivant 20 touchés et récoltant 2000 verges, un porteur de deuxième année est condamné à son contrat actuel pour au moins deux autres saisons. La NFL pourrait-elle permettre des options au joueur selon les performances ou une autre variable? Les équipes de la NFL seraient peut-être moins frileuses d'offrir des contrats de trois, quatre ou cinq ans à un demi-offensif de 23-24 ans qu'à un demi en fin de contrat à 27 ans sachant que la barre des 30 ans approche à grands pas et qu'elles peuvent s'offrir un tout nouveau gadget pour quatre ou cinq ans à petit prix au repêchage.

Dans le climat actuel, il est évident que les propriétaires et les directeurs généraux de la NFL ont le gros bout du bâton sur les demis offensifs. Les porteurs de ballon ont bien beau se rencontrer virtuellement, sans un front commun, les choses ne risquent pas de changer. Et difficile d'imaginer un front commun être solide quand Saquon Barkley signe un nouveau contrat d'une saison dès le lendemain de la rencontre et avec des noms comme Dalvin Cook, Ezekiel Elliott, Kareem Hunt et Leonard Fournette disponibles sur le marché.

L'offre est simplement trop grande pour la demande. Pure économie.