Un compétiteur dans l’âme aura toujours soif de victoire, peu importe les circonstances. Dans la NFL, en contexte de match préparatoire, il y a plus que le pointage des rencontres à l’enjeu : plusieurs y jouent carrément leur job. Chacun donne donc sa pleine mesure autant pour l’emporter que pour impressionner. Mais la vérité demeure qu’on ne peut établir de pronostic quant à la valeur d’un club en se basant simplement sur le tableau indicateur au bout des 60 minutes lors des rencontres pré-saison.

Si les joueurs de soutien performent bien, ce n’est évidemment pas de refus car cela tend à démontrer que l’équipe jouit d’une belle profondeur. Mais ce qui importe réellement aux yeux des entraîneurs est la prestation de la première unité, tant du côté offensif que défensif.

Laurent Duvernay-TardifAu chapitre de l’attaque, je ne vous étonnerai pas en affirmant qu'on souhaite être productif tôt dans le match, idéalement sur la toute première séquence offensive du match. Ce que l’on vise avant tout, c’est d’enchaîner les premiers essais et d’avancer méthodiquement sur le terrain. Les résultats ont d’ailleurs été probants pour nous à cet égard, les partants ayant inscrit des points dès la série initiale lors des trois matchs qu’ils ont entamés; un touché contre les Seahawks de Seattle et les Rams de Los Angeles, ainsi qu’un botté de placement face aux Bears de Chicago.

Il faut malgré tout mentionner qu’aucune équipe n’aborde ces matchs en présentant l’artillerie lourde à ses rivaux, en ce sens où les schémas de jeux spéciaux élaborés resteront secrets. C’est l’un des facteurs expliquant que les partants n’obtiennent que peu de temps de jeu au départ. On souhaite aussi garder les vétérans qui ont plus de « millage » dans le corps frais et dispos pour affronter les rigueurs d’un calendrier de 16 matchs.

Qu’on le veuille ou non, chez les membres de la ligne à l’attaque, on est confronté aux mêmes joueurs défensifs durant tout le camp. D’avoir la chance d’étudier sur bande vidéo les tendances des membres du front défensif adverse et d’ensuite les défier sur le terrain s’avère donc un exercice essentiel. Au niveau où on est, tout le monde est bon à sa position, mais chacun possède un style différent. Et plus j’affronterai une grande diversité de styles, mieux je saurai ajuster mes blocs et optimiser ma protection. À mon avis, c’est l’un des grands bénéfices des matchs préparatoires.   

Une opportunité à saisir sans attendre

Pour les joueurs bataillant afin de se tailler un poste, il est impératif de faire bonne figure durant les deux premiers matchs, car aucune promesse n’est faite quant au temps de jeu obtenu durant le troisième rendez-vous. Les jeunes doivent se démarquer tôt afin de gagner la confiance des instructeurs.

J’ai le souvenir qu’en 2015, la première partie avait été déterminante pour ma progression. Après avoir amorcé la pré-saison avec la deuxième unité contre les Cardinals de l’Arizona, j’avais été promu avec les partants durant la seconde répétition, face aux Seahawks. Ces minutes de jeu correspondent à ton curriculum vitae auprès des décideurs. Il n’y a donc pas de place à l’erreur.

Environ deux semaines après l’arrivée des joueurs au camp d’entraînement, un premier match préparatoire est joué. À quelques exceptions près, les membres de l’équipe pressentis pour être des partants ne passent que le premier quart sur le terrain, et souvent même moins que cela.

Le reste de la partie est alors subdivisé entre les joueurs évoluant parmi les deuxième, troisième (et parfois même quatrième) unités. Bref, tout le monde a l’occasion de fouler le terrain.

De manière générale, lors de la deuxième partie pré-saison, les partants demeurent dans l’action pour l’entièreté de la première mi-temps avant de céder leur place aux deuxième et troisième équipes lors des deux quarts restants.

Vient ensuite ce que plusieurs qualifient de « répétition générale », c’est-à-dire le troisième match préparatoire. Chez les Chiefs, cet affrontement face aux Bears, joué le 27 août, concordait avec la fin de notre camp d’entraînement en retraite à St. Joseph, en périphérie de Kansas City.

Ainsi, on délaissait l’horaire passablement chargé et exigeant (pour ne pas dire militaire!) composé de séances rigoureuses en équipement complet et de nombreuses rencontres avec le personnel d’entraîneurs jusqu’à tard en soirée. Bref, une immersion complète dans le football, 24 heures par jour laissait désormais place à une routine plus fidèle au déroulement « normal » des choses durant le calendrier régulier. Cela nous permettait de nous remettre dans le bain.

À notre retour à KC, la procédure avait donc pour objectif de reproduire le type de semaine que nous vivrons constamment au cours des prochains mois. Les journées du mercredi, jeudi et vendredi (qui peuvent être déplacées si la prochaine partie n’est pas disputée un dimanche, comme c’est le cas la grande majorité du temps) sont les plus importantes en termes de préparation en vue du prochain adversaire.

Angoisse et nervosité

Finalement, la quatrième et dernière semaine du calendrier préparatoire a été particulière pour les partants, puisque nous savions d’avance que nous n’allions pas sauter sur la surface de jeu. De plus, c’est après ce match (au retour d’un congé de quelques jours) que survient la dernière vague de retranchements parmi les joueurs restants au camp. Je ne vous cacherai pas que c’est un moment de grande tension pour plusieurs individus.

Terrance SmithCe qui est censé être un premier moment de répit, un soulagement en quelque sorte après plusieurs semaines ardues, se transforme pour plusieurs en période d’attente insoutenable.  Certains joueurs sont libérés, puis ajoutés à l’équipe d’entraînement au bout de 24 heures. Pour eux, l’incertitude demeure entière parce que le temps d’une journée, l’une ou l’autre des 31 autres formations peuvent réclamer leurs services. D’autres deviennent libres comme l’air, à la recherche d’une nouvelle opportunité ailleurs dans la NFL.

Pour ma part, de savoir que certains joueurs avec lesquels j’ai développé des liens d’amitié durant le dernier mois et demi devront plier bagage m’attriste, mais c’est la réalité du sport professionnel. En fait, près de 1000 joueurs sont retranchés année après année. Chaque effectif est graduellement réduit de 95, à 75, puis finalement à 53 joueurs.

Je ne peux que témoigner de cette réalité en tant que spectateur, mais ce n’est pas sans me rappeler ma saison recrue, alors que j’avais attendu impatiemment l’appel me confirmant que je faisais partie de l’équipe.

Je souhaitais évidemment que mon compatriote, le secondeur Andy Mulumba réussisse à percer le groupe des 53, mais malheureusement, il a reçu le coup de téléphone tant redouté.  Même s’il était un membre de l’unité défensive et moi de l’unité offensive, je me suis vite aperçu qu’il est un gars agréable à côtoyer. J’ai beaucoup apprécié la présence d’un coéquipier francophone.

 Andy est maintenant disponible pour une formation ayant un besoin à combler à sa position. C’est désormais entre les mains de son agent. Chose certaine, je lui souhaite la meilleure des chances pour la suite des choses.

Prêts pour les Chargers

Laurent Duvernay-TardifAprès un camp très chargé et une courte période de récupération, les troupes sont fin prêtes à déployer toutes leurs énergies vers un but commun, celui de commencer la saison en force avec un gain face à des rivaux de division, les Chargers de San Diego, qui nous rendront visite dimanche (13 h, RDS).

Nous avons connu du succès contre eux au cours des deux dernières saisons (quatre victoires consécutives), mais l’équipe californienne présente un visage différent cette fois. Plusieurs nouveaux joueurs ont été greffés via le marché de l’autonomie et celui des échanges – à la ligne défensive notamment – et ils ne doivent pas être pris à la légère. Nous devons nous méfier de la nouvelle approche qu’ils pourraient nous présenter. À cet égard, mon étude de film est bien entamée.

La mentalité du collectif doit être articulée autour de la victoire, mais aussi autour de la manière que nous voulons l’obtenir.  À nous de livrer la marchandise!

* Propos recueillis par Maxime Desroches