Depuis janvier dernier, le procès d’Aaron Hernandez est en cours et il y a eu plusieurs développements lors des derniers jours.

Exclusion d’une jurée

Mardi dernier, la juge Susan Garsh a exclu une jurée, alléguant qu'elle aurait discuté de la condamnation d’Hernandez avec des personnes extérieures au jury. De plus, la juge Garsh l’aurait exclue, car la jurée avait soi-disant une opinion ferme selon laquelle il serait difficile d’établir la culpabilité d’Hernandez puisque l’arme ayant tué Odin Lloyd n’avait pas été retracée. Notons que si un juré a des doutes, d'autres pourraient tout aussi bien en avoir. Or, cela ne signifie pas pour autant qu’il sera acquitté. La jurée qui lui était favorable ne fait plus partie du jury, laquelle aurait pu être un atout pour la défense.

Points en litige

Bien entendu, le fait qu’un juré doute déjà de la culpabilité d’Hernandez est en soi un développement encourageant. Rappelons que sa défense est majoritairement fondée sur l'absence de preuve contre lui. En fait, aucune arme n’a été trouvée et aucun témoin n’a été assigné pour attester la participation d’Hernandez au meurtre de Lloyd. De son côté, la poursuite détient une preuve circonstancielle importante et peut-être suffisante pour démontrer sa culpabilité, y compris des photos, des vidéos, des preuves d'ADN, des expertises balistiques et des relevés téléphoniques. Cela dit, le jury doit être convaincu hors de tout doute raisonnable pour qu’Hernandez soit accusé du meurtre de Lloyd.

Essentiellement, la défense veut que les jurés croient qu’Hernandez et Lloyd étaient des amis proches et veut les laisser supposer qu’Hernandez n’aurait jamais souhaité la mort de Lloyd. En revanche, la poursuite veut que les jurés croient qu’Hernandez et Lloyd n’étaient que de simples connaissances et veut les laisser supposer qu'Hernandez aurait pu assassiner Lloyd.

Témoignage de Shaneah Jenkins

Hernandez et Lloyd ont en commun les sœurs Shayanna et Shaneah Jenkins. Ainsi, un tournant dans le procès d’Hernandez est le témoignage de Shaneah Jenkins, l’ancienne copine de Lloyd et la sœur de la fiancée d’Hernandez. 

Vendredi dernier, Jenkins avait déclaré qu’Hernandez et Lloyd n’étaient pas des amis proches. Elle avait témoigné à l’effet qu’il lui avait démontré de la compassion après avoir appris que Lloyd avait été tué. D'ailleurs, Hernandez lui aurait fait part qu'il avait perdu son père à 16 ans et que le processus de deuil était long. Ainsi, cette partie du témoignage de Jenkins a présenté un côté plus flatteur de l’accusé. 

Or, la partie moins favorable de son témoignage était à l’effet qu’Hernandez n'avait pas visité la famille de Lloyd après sa mort. À ce titre, il est possible que le jury fasse une inférence spéculative en concluant qu’il est suspect qu’il n’ait pas visité la famille de Lloyd, voire même indicatif d'une conscience coupable. Qui plus est, mercredi dernier, Jenkins a clairement indiqué qu’Hernandez et Lloyd n’étaient que des compagnons de drogue plutôt que des amis. Cela dit, en contre-interrogatoire, elle a admis que parfois ils assistaient à des fêtes et fréquentaient des boîtes de nuit ensemble. Elle a ajouté que l'autre contexte dans lequel ils se côtoyaient était lorsqu'elle et sa sœur se rencontraient. 

Par ailleurs, elle a évoqué qu’après la mort de Lloyd, Hernandez semblait stressé et isolé, avec presque aucun appétit. La défense a alors aussitôt répliqué en rappelant à Jenkins que, pendant son témoignage du grand jury en 2013, elle avait décrit Hernandez comme étant « secoué » suivant le décès de Lloyd et non « stressé ». La différence entre « stressé » et « secoué » peut sembler sans conséquence en ce que les deux termes se rapportent à une personne qui semble anxieuse ou inquiète. Mais le choix des mots importe énormément aux avocats de la défense, car même les différences linguistiques mineures peuvent s’avérer critiques. En fait, les jurés pourraient percevoir Hernandez différemment. S’il était « stressé », était-il inquiet d’avoir fait quelque chose de mal? Si au lieu Hernandez était « secoué », était-il bouleversé de savoir que son ami venait de mourir? Chaque mot compte lors d’un procès et la défense a reconnu cette distinction mineure, mais peut-être significative dans le témoignage de Jenkins.

Subséquemment, la poursuite a introduit en preuve une vidéo de surveillance qui montre Shayanna en train de consoler Shaneah suivant l'annonce de la mort de Lloyd. La vidéo dévoile également une scène impliquant Shayanna susceptible de jouer un rôle central dans ce procès : elle tenait un sac. Lors de son témoignage, Shaneah a indiqué qu'il ne s'agissait que d'un simple sac de poubelle. Mais que se trouvait-il dans ce sac? Ici, la poursuite pourrait rapporter des soupçons. Peut-être que ledit sac contenait l’arme du crime? Rappelons que Shayanna faisait face à des accusations de parjure dans le cadre de son témoignage du grand jury en 2013. La poursuite lui avait offert l'immunité en échange de son témoignage contre Hernandez, ce qui signifie qu'elle ne serait pas accusée d’avoir dissimulé l’arme du crime. Toutefois, plusieurs rumeurs suggèrent qu’elle aurait refusé l’immunité. 

Témoignage d’Ursula Ward

Ursula Ward, la mère de Lloyd, a aussi témoigné mercredi dernier et elle a précisé qu'elle voyait régulièrement son fils. Ceci est un élément contextuel important pour que les jurés puissent évaluer si Lloyd et Hernandez étaient des amis proches. À ce titre, Ward a été interrogée sur les fréquentations de son fils. Elle s’est dite familière avec son cercle d’amis et a précisé qu’Hernandez n’en faisait pas partie. D’ailleurs, elle a rajouté qu’elle ne l’avait jamais rencontré.
Le témoignage de Ward était court, mais percutant. Si les jurés n’étaient pas convaincus de l'amitié entre Hernandez et Lloyd après avoir entendu Shaneah Jenkins, ils sont susceptibles de l'être suivant le témoignage de Ward. En effet, si Ward connaissait bien les amis de son fils, pourquoi ne connaîtrait-elle pas Hernandez? Cela semble particulièrement étrange étant donné qu’Hernandez est fiancé à la sœur de la petite amie de son fils. La méconnaissance affichée par Ward à l’endroit d’Hernandez pourrait être le développement le plus important au cours des derniers jours.

Scène du crime désorganisée 

La défense a tenté hier de dépeindre une scène du crime désorganisée et peu fiable. Joseph DiRenzo, capitaine de police, a été interrogé quant aux décisions des agents d’avoir déplacé des preuves, y compris les enveloppes du pistolet prétendument utilisé pour tuer Lloyd et d'autres examens balistiques. La défense a suggéré que de nombreuses empreintes laissées par la police auraient corrompu la preuve liant potentiellement Hernandez à ce meurtre. En réponse, DiRenzo a insisté que la police avait adopté des procédures d'exploitation standards, mais qu’elles avaient été affectées de manière significative par de fortes pluies. Ainsi, décrire la scène du crime comme souillée et peu fiable est une stratégie importante pour la défense. Si la défense peut convaincre le jury que la scène du crime a été corrompue et que les policiers ont agi de façon amateur, le procès pourrait prendre une autre tangente.
Somme toute, le procès ne fait que commencer et la poursuite n’a pas encore présenté sa preuve la plus accablante, laquelle pourrait éliminer tout doute qui aurait pu planer chez les jurés. Or, il faut comprendre qu’un jury qui doute à ce stade-ci du dossier n’est pas nécessairement révélateur. Il n’en demeure pas moins qu’Hernandez aura besoin d’une défense extraordinaire pour échapper à toutes les accusations criminelles dont il fait l’objet présentement. Parallèlement, Hernandez est également accusé d’avoir assassiné Safiro Furtado et Daniel de Abreu, lesquels avaient été abattus en sortant d’une discothèque de Boston en 2012. Même si Hernandez est déclaré non coupable du meurtre de Lloyd, il est loin d’être tiré d’affaire.