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Laurent Duvernay-Tardif revient sur son parcours

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« C'est comme jouer aux échecs full contact »,  a imagé en souriant Laurent Duvernay-Tardif en parlant du football lors de l'émission « LDT : la fin d'une époque » présentée ce soir à RDS.

C'est avec une grande ouverture que le nouveau retraité de 32 ans s'est confié à Matthieu Proulx avec lequel il a abordé son parcours atypique qui l'a conduit un peu contre toute attente à la conquête du Super Bowl en 2020 et à l'autonomie financière. LDT parle également dans cet entretien de sa grande amitié pour son agent et ami Sacha Ghavami dont l'acharnement lui a permis d'atteindre des sommets inespérés ainsi que sa très grande admiration pour l'entraîneur des Chiefs de Kansas City Andy Reid, qui a tout fait pour lui permettre de réussir sur les deux tableaux que sont le football et la médecine.

Duvernay-Tardif a choisi le football avant tout pour canaliser ses énergies afin d'être un meilleur étudiant. Après avoir rêvé de devenir champion de badminton, il avoue que l'apprentissage du football à mi-chemin dans son adolescence l'a aidé à structurer son esprit cartésien. « J'ai fait du ski de fond, de la voile et j'ai ensuite découvert le foot. Je l'ai découvert tard et c'est rapidement devenu une passion. C'est le plus beau sport d'équipe. J'ai eu la chance de jouer à plusieurs positions; ligne défensive, porteur de ballon, ligne offensive. Chaque position a un rôle à jouer et tu es responsable des succès de l'équipe sans nécessairement toucher le ballon. »

LDT est d'avis que le football est le miroir de la vraie nature d'une personne. « Ç'a en dit long sur ton caractère et à quel point tu peux te sacrifier pour l'équipe sans nécessairement être sous les réflecteurs. »

Il estime que le football l'a aussi mieux préparé à la deuxième carrière qu'il s'apprête à embrasser en médecine. L'aspect préparation de son sport le fascine encore., « C'est comment tu fais pour prendre la meilleure décision possible dans un environnement stressant. »

Reconnaissant du grand  bonheur qu'il vit, Duvernay-Tardif sait très bien que toute cette consécration a bien failli ne jamais avoir lieu sans l'acharnement sans bornes de son meilleur ami Sacha Ghavami, qui a tout fait pour lui permettre d'avoir une vie de rêve alors que lui-même n'y croyait plus.

Aucune équipe de la NFL n'avait entendu parler de lui en marge du repêchage de 2014. Pour ouvrir les yeux des formations américaines, il s'est même exilé aux États-Unis pendant plus de deux mois dans l'espoir d'avoir la chance de montrer son talent. Peine perdue, ses efforts ne lui ont même pas permis d'être invité au « Combine » de la NFL où les joueurs universitaires se mettent en vitrine devant les équipes en vue du repêchage.

Loin d'être découragé, Duvernay-Tardif avoue qu'il s'était néanmoins résigné à faire le saut dans la Ligue canadienne, jusqu'à ce que survienne l'éclair de génie de son agent qui a décidé d'organiser un évènement de mise en bouche à Montréal pour le mettre en valeur et où neuf formations de la NFL ont daigné dépêcher des recruteurs.  « Je pense que Sacha croyait plus en moi que moi-même. »

Le futur médecin a trouvé le moyen d'attirer l'attention des clubs du sud de la frontière en réalisant un chrono de 4,94 secondes sur un sprint, ce qui lui a valu quelques entrevues et finalement d'entendre son nom prononcé au 200e rang lors du repêchage de 2014 pour devenir le premier Québécois depuis Randy Chevrier à être repêché dans la NFL.

Autant il était déterminé à jouer au football, autant il était déterminé à terminer sa médecine et il l'a bien expliqué aux équipes qu'il a rencontrées. L'entraîneur des Chiefs Andy Reid n'avait d'ailleurs pas caché sa surprise devant la détermination du jeune homme. La rencontre entre les deux hommes a été déterminante dans la réussite du garde québécois.

Même s'il a aidé les Chiefs à gagner le Super Bowl face à San Francisco en 2020, son parcours à Kansas City n'a pas été une sinécure. Il ne se cache pas pour dire qu'il connaissait peu de chose du football américain et qu'en terre du Missouri, il devait mettre les bouchées doubles pour se faire une place.  « J'étais un nouveau venu qui n'avait pas de télé chez lui et qui venait à peine de connaître la différence entre le Super Bowl et la coupe Grey!  J'avais beaucoup d'adaption à faire. C'est ce qui a été le plus difficile à faire en termes d'intégration. »

Après une saison d'observation où il n'a disputé aucune partie, il a été enchanté de découvrir après cette campagne initiale toute la confiance que coach Reid pouvait lui témoigner. « Coach Reid m'a dit que je devais me préparer pour mon deuxième camp comme si j'étais le garde à droite partant. Je suis revenu à Montréal gonflé à bloc. Je me suis entraîné tout l'hiver et je me suis présenté au camp avec la mentalité d'être partant.  »

À Kansas City, LDT ne pouvait mieux tomber que de jouer sous les ordres de Reid qui a été à l'écoute de ses ambitions dès le départ.  Ce dernier lui a dit qu'il allait l'appuyer et il lui a rapidement démontré en passant de la parole aux actes. « C'est une chose de le dire, c'en est une autre de le faire. Deux ans plus tard, on jouait à Londres, il m'a dit de retourner à Montréal faire mon examen de chirurgie orthopédique et de rejoindre le club après. Quand j'ai eu deux mois à faire en obstétrique-gynécologie durant la saison morte, il m'a dit d'arriver plus tard au camp de printemps. Toutes ces petites choses ont fait en sorte que j'ai pu graduer et elles font en sorte que j'ai voulu me sacrifier sur le terrain pour le coach qu'il était. »

Duvernay-Tardif évoque avec un brin d'émotion toute l'admiration qu'il ressent en songeant à son premier entraîneur dans la NFL.  « Le plus grand leader que j'ai rencontré. Pas nécessairement le plus vocal, mais le plus inspirant. »

Il n'a pas oublié son premier match face aux Texans de Houston qui comptaient dans leurs rangs J.J. Watt à sa deuxième saison. Il n'est pas près d'oublier non plus qu'après avoir été partant, il a été cloué au banc avant de reprendre sa place au moment où les Chiefs se sont retrouvés avec un dossier de 1-5, qui a été suivi d'une séquence de dix victoires.

Après sa troisième saison, il a conclu une entente qui a changé sa vie et dont il avait du mal à croire la concrétisation. Cette entente lui a permis de mettre sur pied une fondation qui fait la promotion des saines habitudes de vie chez les jeunes, une cause de santé publique qui lui tient tant à coeur.

Le couronnement de sa carrière sportive a été bien sûr la conquête du Super Bowl il y a trois ans, un évènement que le principal intéressé revit encore avec émotions chaque fois qu'il en parle. « Quand on a su qu'on allait gagner, je me rappelle encore des yeux de tout le monde dans le caucus. »

Des dizaines de membres de sa famille et d'amis avaient fait le voyage jusqu'à Miami pour vivre le moment avec lui. Même s'il ne veut pas que le football définisse toute sa vie, il sait qui lui sera difficile de trouver mieux comme exaltation.  « C'est tellement pur comme émotion. Il n'y a pas de mots pour décrire. C'est l'accomplissement d'une vie. Il n'y aura pas plus gros moment de sport pour moi. »