Plus tôt en août, Josh Gordon des Browns de Cleveland avait appelé de sa suspension pour obtenir une réduction de sa sentence. Or, mercredi dernier, cette décision a été maintenue en appel et Gordon a été suspendu pour l'entièreté de la saison 2014 pour avoir enfreint la politique antidopage de la NFL suivant un contrôle positif à de la marijuana. Rappelons qu'il avait aussi été sanctionné l'an dernier pour deux matchs après avoir consommé un sirop contre la toux qui renfermait de la codéine, laquelle est une substance interdite par la NFL.

Dans le cadre de son appel, Gordon faisait valoir que son contrôle positif avait été causé par la fumée secondaire et que ses tests étaient incompatibles. Comme la politique antidopage de la NFL interdit aux joueurs de participer à l'utilisation, la possession, l'acquisition, la vente ou la distribution de produits dopants, Gordon prétendait qu’il n'avait commis aucune violation puisque la fumée secondaire n'était pas une interdiction reconnue.Or, la NFL a rejeté cette défense car, selon elle, les joueurs sont responsables de ce qui apparaît dans leur urine. Évidemment, si une telle défense avait été accueillie, un précédent aurait été créé, lequel aurait ouvert la porte pour d'autres joueurs dans de pareilles circonstances.

Par ailleurs, il faut comprendre que la politique antidopage de la NFL prévoit que l'échantillon d'urine d'un joueur doit contenir une concentration de plus de 15 ng/ml de substances illicites pour que le test soit positif. En l'espèce, il appert que Gordon a présenté deux échantillons d'urine à la NFL. L’échantillon A présentait une quantité inadmissible de marijuana alors que l’échantillon B était négatif. Cependant, en vertu de la politique antidopage prévue dans la convention collective, la NFL est autorisée à sanctionner Gordon pour le test échoué et peut imposer une peine plus lourde, car il est un récidiviste. En vertu de cette politique, le fait que l'un des deux échantillons de Gordon était négatif n'a aucune incidence pour la NFL. Seul un échantillon positif suffit pour sanctionner un joueur fautif.

Recours potentiels pour Gordon?

Quoi qu'il en soit, il n'en demeure pas moins que Gordon pourrait éventuellement déposer devant un tribunal de droit commun une requête en injonction pour annuler sa suspension. Il pourrait notamment alléguer que la politique antidopage de la NFL est contraire à la loi de l'Ohio, laquelle exige toujours un test de confirmation à l'appui d'un contrôle positif [i]. Ainsi, selon cette législation, un seul résultat n'est pas suffisant pour conclure à un test positif, car un deuxième échantillon doit confirmer le premier échantillon. Ici, le deuxième échantillon de Gordon était négatif et par conséquent, contredisait l'échantillon positif. Par contre,la NFL pourrait soutenir en défense que la loi de l'Ohio se limite à des techniques de dépistage minimales et n'exclut pas expressément aux employeurs le droit d'imposer des tests plus rigoureux.

Qui plus est, Gordon pourrait faire témoigner des experts en toxicomanie pour expliquer au tribunal que la fumée secondaire est parfois susceptible d'ensuivre des contrôles positifs. Il pourrait aussi alléguer que les résultats de ses tests ne sont pas fiables étant donné qu'ils sont incompatibles et irréguliers.

Le problème est que les juges s'en remettent généralement à la décision des arbitres et préfèrent ne pas s’y immiscer à moins d'une erreur manifeste et déterminante qui pourrait justifier leur intervention. En outre, la politique de la NFL prévoit que toutes les décisions arbitrales sont définitives et exécutoires. Cela dit, même si une décision est définitive, elle peut encore être contestée devant un tribunal de droit commun. Formellement, l’injonction est un recours exceptionnel et la Cour ne l’accorde que rarement.Mais encore faut-il démontrer que les circonstances justifient l’octroi d’une telle réparation pour obtenir une injonction. Gordonaurait à établir que la suspension lui cause un préjudice irréparable. Or, la difficulté est que le principal préjudice subi par Gordon est une perte salariale, lequel pourrait être réparé aisément s'il avait gain de cause lors d'un procès. Dans cette optique, il est donc difficile de prétendre qu'il s'agisse d'un dommage irréparable. De plus, Gordon devrait démontrer que l'injonction est plus profitable pour lui que dommageable pour la NFL et qu’il serait dans le meilleur intérêt du public qu’elle soit octroyée en soulignant que sa suspension est injuste et excessive.

En revanche, la NFL pourrait prétendre que cette suspension est compatible avec des règles qui ont été implicitement acceptées et négociées par Gordon lui-même. Sachant que Gordon est un membre de l’Association des joueurs de la NFL, il a donc consenti contractuellement à respecter les politiques comprises dans la convention collective, lesquelles ont été négociées collectivement par l’AJNFL et la NFL. De surcroît, les juges sont généralement réticents à interférer dans des politiques négociées collectivement, car ils savent qu’elles reflètent un ensemble complexe de compromis et un consensus patronal-syndical. Ainsi, Gordon pourrait difficilement prétendre qu'il ne consent plus à une politique qui a pourtant été librement négociéepar les joueurs et les propriétaires

Somme toute, il est possible que Gordon institue une action contre la NFL devant un tribunal de droit commun, mais il s'agira d'une tâche fort complexe. Dans un autre ordre d'idée, il y a plusieurs rumeurs à l'effet que Gordon souhaiterait jouer dans la LCF pour le reste de la saison. Toutefois, conformément aux règles de la LCF, un joueur faisant l'objet d'une suspension par la NFL n'est pas admissible dans la LCF. Si la NFL le libère des ses obligations contractuelles, cette option pourrait être envisageable, mais peu probable dans les circonstances.


[i]123:1-76-01 Drug-free workplace definitions of terms.