Suivant la publication d’une nouvelle vidéo datée du 15 février 2014 montrant Ray Rice frapper son épouse au visage dans un ascenseur, les Ravens ont mis fin hier à son contrat et la NFL l'a suspendu indéfiniment. Rappelons qu’en mars dernier, Rice avait été accusé de voies de fait graves auxquelles il avait plaidé non-coupable et ce, dans le cadre d'un évènement survenu également le 15 février 2014. Subséquemment, Rice a été accepté dans un programme de déjudiciarisation dans un but ultime de réduire ou d’annuler les accusations retenues contre lui. Cela lui a permis d'éviter l'emprisonnement, mais l’obligeait à se soumettre à un traitement intensif pour remédier à son comportement violent sous peine d’incarcération immédiate. En juillet dernier, Roger Goodell, a suspendu Rice pour deux matchs pour violence conjugale, lequel avait été vigoureusement critiqué pour avoir donné une sanction trop courte. C’est notamment pour cette raison que Goodell a revu les termes de la politique en matière de violence conjugale à la fin du mois d’août. Désormais, les joueurs contrevenant pour une première fois auront une suspension de six matchs alors que les récidivistes pourraient faire face à une suspension indéfinie par la NFL. Précisons également que tous les joueurs sont soumis au respect d’un code de bonne conduite prévue dans la convention collective de la NFL en plus de cette nouvelle politique.

Mais Rice pourrait-il faire face à d’autres accusations criminelles considérant cette nouvelle vidéo? À ce titre, il est difficile d'accuser quelqu'un d'un crime dont l’affaire a déjà été jugée et ce, même si une nouvelle preuve apparaît. En effet, le Cinquième amendement de la Constitution des États Unis comporte des garanties contre la double incrimination en ce que nul ne peut être inculpé pour un même crime. Ce faisant, Rice est en quelque sorte protégé contre une double incrimination au criminel. D’autant plus que l’incident survenu dans l'ascenseur se rapporte à une conduite sous-jacente à laquelle Rice a déjà été jugée.

D'une perspective disciplinaire, le problème est que la suspension indéfinie de Rice semble incompatible avec la nouvelle politique de la NFL qui prévoit la suspension de six matchs pour un joueur qui en est à sa première infraction. En l’espèce, Rice n’avait aucun dossier criminel à son actif et il en était à sa première infraction. Ainsi, il importe de se questionner sur la légitimé de la NFL à prolonger la suspension de Rice conformément à cette politique. Ce questionnement est nécessaire en ce que l'article 46 de la convention collective de la NFL indique que ni la NFL, ni une équipe ne peut sanctionner un joueur deux fois pour la même conduite. Par contre, spécifions que la NFL détient aussi le pouvoir de suspendre les joueurs en vertu du code de bonne conduite, y compris la possibilité de modifier les sanctions.

Quoi qu’il en soit, le pouvoir disciplinaire de la NFL n'est pas circonscrit. Comme la NFL a augmenté la teneur de la suspension de Rice à la lumière de cette nouvelle vidéo, une autre question doit être soulevée. En effet, il faut se demander si la NFL avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de cette vidéo quand elle a suspendu Rice en juillet dernier. À ce stade-ci du dossier, il est difficile de savoir si la compréhension de la NFL de cet incident dépasse les informations publiquement disponibles. Or, si la NFL était au courant de cette vidéo en juillet dernier et qu’elle impose maintenant une suspension plus sévère, Rice et la NFLPA pourraient potentiellement poursuivre la NFL prétextant qu’elle agit à l’extérieur des limites de la nouvelle politique. Rice pourrait notamment prétendre que le prolongement de sa suspension est fondé sur des informations que la NFL savait déjà et que de facto, il s’agit d’une décision arbitraire et vexatoire. En outre, la NFLPA pourrait déposer un grief pour pratique déloyale dans la mesure où Goodell a amendé cette sanction sur la base d’une information connue préalablement. En revanche, si la NFL n'était effectivement pas au courant de cette vidéo quand elle a suspendu Rice en juillet, elle pourrait alléguer que son comportement est assimilable à une récidive pour justifier la suspension indéfinie.

Somme toute, le football professionnel est le sport le plus populaire, mais aussi le plus rentable en Amérique du Nord. Or, le football professionnel est également le sport qui recense le plus grand nombre d’arrestations chez ses athlètes. La liste des accusations portées contre eux est lourde et fastidieuse, notamment: violence conjugale, voies de fait, agressions, possession d’armes à feux, conduite avec facultés affaiblies, drogues, abus aux animaux et meurtres. Mais au-delà des sanctions disciplinaires et criminelles, nous ne pouvons ignorer que par sa mauvaise conduite, l’athlète incite à la violence et à la criminalité. Un athlète du calibre de Rice devrait assumer une responsabilité morale à l’endroit du public simplement parce qu’il devrait servir non seulement de référence, mais aussi de modèle. De ce fait, la bonne conduite est de mise tant sur le terrain qu’à l’extérieur de celui-ci. La NFL se doit d’être plus proactive quant à l’éducation de ses joueurs, car à ce titre, elle doit prendre une part de responsabilité. Au cours des dernières années, la NFL a édicté un code de bonne conduite à laquelle s’ajoute une politique relative à la violence conjugale. Ces outils sont relativement complets, mais de toute évidence insuffisants pour dissuader les athlètes à se tenir loin des ennuis judiciaires.

Certes, la criminalité au sein des joueurs de la NFL est une problématique de taille considérant la fréquence des accusations portées contre eux. La NFL n’ignore pas cette problématique, mais la présence de brutalité au football est sans égale à aucune autre ligue professionnelle. La nature du jeu fait en sorte que la NFL recherche plus souvent qu’autrement des guerriers et ce faisant, la NFL prend un risque. Pour ces motifs, la NFL devra apporter un meilleur rempart et des solutions plus efficaces pour prévenir la criminalité chez ses joueurs et ce, afin de préserver l’intégrité de son sport.