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Coach Prime, vu de l'intérieur par un Québécois

Deion Sanders, alias Coach Prime Deion Sanders, alias Coach Prime - RDS
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MONTRÉAL – WE COMING.

« On s'en vient. » Cette phrase, Deion Sanders la répète sans cesse depuis son arrivée sur le campus de l'Université du Colorado en décembre dernier. En conférence de presse, en entrevue, dans son vestiaire, sur sa chaîne YouTube, X, Instagram... 

Elle est même imprimée sur un t-shirt qu'on s'arrache à Boulder.

Neon Deion, Prime Time, Coach Prime, appelez-le comme vous le voulez, le membre du Temple de la renommée du football et double champion du Super Bowl sait comment se vendre.

Dans le mois qui a suivi l'embauche de l'entraîneur-chef au coût de 29,5 millions $ pour cinq ans, l'Université du Colorado (NCAA) a enregistré une hausse de 505 % de ses ventes de marchandises comparativement à la même période l'an dernier. Pour la première fois en 27 ans, tous les billets de saison ont trouvé preneurs après une misérable campagne de 1-11. Et un simple match intra-équipe joué en avril au Folsom Field a même attiré 47 277 spectateurs payants.

Mais ce n'est pas tout le monde qui a acheté son projet. Ses détracteurs, nombreux, ont vite remis son plan en question. Amener 86 nouveaux joueurs de partout au pays, dont plusieurs de niveaux inférieurs, était voué à l'échec, prédisaient-ils. Les défaites allaient se succéder. La saison serait longue.

Elle a plutôt commencé avec fracas.

Dans le cadre du match le plus attendu de la première semaine d'activité, Coach Prime et sa bande de négligés, menés par son fils quart-arrière Shedeur Sanders et l'athlète d'exception Travis Hunter, ont renversé 45-42 les Horned Frogs de l'Université Texas Christian, finalistes du dernier Championnat national et pourtant favoris par 21 points.

« C'est sûr que là, tout le monde dans le football universitaire nous prend au sérieux. Les joueurs, on croyait en nous. Il y avait peut-être un 10 % d'entre nous qui n'y croyaient pas, mais maintenant ils y croient », observait cette semaine Tristan Marois, un secondeur extérieur québécois recruté le printemps dernier par les Buffaloes.

« Maintenant, on est là. WE HERE. »

Dans le bain tourbillon avec Warren Sapp

C'est dans son appartement, entouré de ses colocataires, que Marois a vécu le triomphe des siens au Texas. Son statut de réserviste ne lui permet pour l'instant pas d'accompagner l'équipe sur la route alors qu'elle voyage plus léger. Un moindre mal considérant qu'il s'est présenté au Colorado sans garanties.

À titre de « walk-on » et sans bourse athlétique, l'ancien des Dynamiques du Collège Charles-Lemoyne doit actuellement lutter avec six autres joueurs de sa position pour du temps de jeu au sein d'une rotation de quatre réguliers.

« Je suis le 5e ou le 6e », situe l'athlète de 6 pi 6 po et 220 lb. « C'est sûr qu'en défense, c'est plus difficile. Souvent, mon rôle est de simuler à l'entraînement les stratégies déployées par notre prochain adversaire. Mais j'ai encore trois ans devant moi. »

En quittant le printemps dernier les Colonials de l'Université Robert-Morris, avec qui il évoluait depuis deux ans dans le FCS, une sous-division du football de division 1 de la NCAA, Marois a parié sur lui-même.

« Je jouais beaucoup à Robert Morris. J'adorais les gars et j'ai quand même joué 500 jeux. J'avais vraiment ma place dans l'équipe, mais pour les gars comme moi qui veulent compétitionner, le rêve est plus fort que tout. [...] J'ai calculé que venir ici comme underdog, c'est ce qui allait me donner le plus de chances de jouer dans la NFL. »

Pour l'instant, ça passe par les unités spéciales, qui lui permettront d'être en uniforme pour la première fois samedi après-midi à l'occasion de l'ouverture locale attendue contre les Cornhuskers de l'Université Nebraska. « Je suis assez confiant, la saison est longue. Je pense que d'ici l'année prochaine, je devrais avoir mon spot sur la défense. »

Tristan Marois

En attendant, il tire avantage de tout ce qu'ont à lui offrir les Buffaloes et leur superstar de coach. Sur le plan académique, il a trois tuteurs à sa disposition. Côté nutrition, disons que d'avoir le ventre plein n'est pas un problème.

« Il y a quatre personnes qui sont engagées juste pour nous faire des smoothies après les pratiques. »

Et, surtout, il y a de la compétition sur le terrain. Celle qu'il recherchait avant toute chose.

« Dans un programme comme ça, t'as besoin d'une bonne année pour avoir une bonne chance dans la NFL. En plus, si tu ajoutes l'effet Prime, c'est cinq fois plus de visibilité que tu obtiens. »

Déjà, les J.J. Watt, Russell Wilson, Magic Johnson et Patrick Mahomes se sont empressés, après le premier triomphe des Buffaloes, de saluer le tour de force opéré par Sanders.

Terrell Owens, Michael Irvin et Warren Sapp, trois autres membres du Temple de la renommée, sont quant à eux déjà venus faire leur tour dans les installations des Buffaloes pour partager leur savoir avec les protégés de leur vieux chum.

« Je joue sur la ligne défensive et Warren Sapp est venu nous coacher! C'est juste super motivant, tu veux être à ton meilleur devant eux. Après l'entraînement, Sapp est même venu prendre un bain tourbillon et un bain de glace avec nous. On a pu avoir une conversation d'une quarantaine de minutes avec lui. Jamais je n'aurais pu imaginer que ça pouvait m'arriver. C'est super motivant. »

La réunion individuelle de Marois avec Sanders attendra quant à elle encore. « Coach Prime est tout le temps entouré, il a toujours ses bras droits avec lui. Il est donc plus ou moins accessible pour un meeting, surtout pour un walk-on. »

D'ici à ce que les portes de son bureau s'ouvrent à lui, il le croise néanmoins dans l'ascenseur, à la cafétéria et dans la salle de réunion, où ses discours de motivation sont souvent filmés avant d'être publiés sur les médias sociaux. C'est alors l'occasion pour un joueur comme Marois d'interagir avec la légende, ce qu'il a d'ailleurs fait en une occasion.

« Nommez-moi une chose dans laquelle vous êtes constants? », demandait ce jour-là Sanders à quelques-uns de ces joueurs.

« Presser le quart-arrière », a alors répondu Marois, une fois son tour venu.

C'est au moyen d'intervention du genre que Sanders parvient au quotidien à convaincre ses ouailles qu'ils ont ce qu'il faut pour déjouer les pronostics de ceux qui les en jugent incapables. C'est ce qu'il a fait à Jackson State, à qui il a redonné son lustre dans le HBCU, une sous-division regroupant les universités traditionnellement noires, avant d'être attiré au Colorado.

« I BELIEVE. J'y crois. C'est la phrase qu'on se répète le plus souvent. En tant que walk-on, j'ai misé sur moi en venant ici, alors c'est dans mes cordes », témoigne Marois.

« Que je sois sur le terrain ou non, ça ne veut rien dire sur ma valeur. Je la connais ma valeur. L'important, c'est de me battre chaque jour. Quand je vais avoir ma chance, je vais la prendre. »