À la défense de Miguël Tourigny : le plaidoyer de Bruce Richardson
BROSSARD – Il est près de 22 h 30 lorsque Bruce Richardson redonne finalement signe de vie, une douzaine d'heures après un premier échange de textos.
L'entraîneur de l'Armada de Blainville-Boisbriand est un homme occupé. Il se trouve présentement à Calgary pour le camp de développement estival du programme des moins de 17 ans de Hockey Canada. Mais quand il a su qu'on voulait lui parler de Miguël Tourigny, il a voulu s'assurer que la conversation ne reste pas au point mort.
S'il n'en tenait qu'à Richardson, le récent choix de septième ronde du Canadien n'aurait pas attendu à sa troisième année d'admissibilité pour trouver preneur au repêchage de la Ligue nationale.
« Comme entraîneur, tu veux toujours vendre tes joueurs, mais tu ne veux pas perdre ta crédibilité non plus. C'est important. Si je ne pense pas, selon mon expérience, qu'un joueur a ce qu'il faut, si je ne crois pas en lui, je vais me garder une réserve. Je ne suis pas un vendeur de balayeuse. »
« Mais je le disais tout le temps à Martin [Lapointe, le codirecteur du recrutement amateur du CH] quand il venait à nos matchs : ‘Regarde-le jouer! Au pire, il va jouer dans la Ligue américaine'. »
Richardson a dirigé Tourigny pendant trois saisons et demie avant que celui-ci ne soit échangé au Titan d'Acadie-Bathurst l'hiver dernier. Les critiques à l'endroit du défenseur, il les a toutes entendues. Et il n'est pas en désaccord avec tout ce qui est arrivé à ses oreilles. Mais comptez sur lui pour se faire l'avocat du diable.
« J'ai toujours trouvé que les équipes ne le regardaient pas assez à cause de sa grandeur. On disait qu'il avait des lacunes défensives. Mais à moment donné, tout le monde dans le hockey a des lacunes. [...] C'est vrai qu'il n'est pas parfait défensivement, mais il n'est pas aussi pire que le monde pense »
Pour le petit portrait rapide, Tourigny est un arrière de 5 pieds 8 pouces qui a fait osciller la balance à 168 livres à l'ouverture du camp de perfectionnement du Canadien dimanche. Il a été, depuis deux ans, une véritable machine offensive. La saison dernière, il a inscrit un total de 80 points en 65 matchs.
« Il n'a pas gagné un concours pour avoir tous ces points-là à sa fiche », illustre avec humour son ancien entraîneur, qui a l'impression qu'à force d'énumérer ses défauts, on en est venu à oublier ses qualités.
« Son endurance physique est incroyable. Il a un bon coup de patin et un flair offensif hors du commun. Il est capable de se joindre à l'attaque et de trouver les trous dans la zone offensive. Et c'est tout un compétiteur. »
C'est cet esprit compétitif qui, selon Richardson, est trop souvent sous-estimé par les dénigreurs de Tourigny. Le Victoriavillois est petit, c'est vrai, et il ne serait pas le premier à frapper son mur dans les circuits professionnels nord-américains après une prolifique carrière junior. Mais il serait erroné de lui accoler l'image du mignon petit patineur qui se tient loin des zones de turbulence.
« Il a du caractère, il a du chien, il a de la hargne, insiste Richardson. Il est capable de se sortir du trouble à cause de ça. Il est quand même fort physiquement sur ses deux jambes. Ça va lui arriver de se faire battre de temps en temps quand il étire ses présences ou quand il se met retrouver dans une mauvaise situation parce qu'il a triché offensivement, mais pas à cause que physiquement, il a perdu sa bataille. »
« C'est sûr que dans le junior, il y a plus de gars de sa taille et moins de gros bonhommes que dans la Ligue nationale, mais c'est un gars qui va être capable de s'adapter quand même. La game a tellement changé qu'aujourd'hui, il y a plus de place pour ce genre de défenseurs-là. »
La honte, puis la joie
Richardson assistait au repêchage de la LNH en fin de semaine dernière. Il y était pour appuyer son attaquant Alexis Gendron, qui a été repêché en septième ronde par les Flyers de Philadelphie. Il en a aussi profité pour discuter avec le clan du Russe Ivan Miroshnichenko, que l'Armada a sélectionné au repêchage européen de la Ligue canadienne.
Il était donc sur place, au Centre Bell, lorsqu'il a appris que son insistance auprès des espions du Canadien avait finalement rapporté. L'ironie, c'est que Tourigny lui-même avait décidé de ne pas se présenter. Il avait difficilement encaissé la déception d'avoir été ignoré dans le passé et ne voulait pas s'exposer au même affront une troisième fois.
« La première année, j'avais fait de quoi de gros avec toute ma famille et quand je n'avais pas été repêché, j'avais eu une petite honte en dedans de moi, a confié Tourigny lundi. L'année suivante, c'était juste ma famille proche, personne d'autre. Cette année, c'était juste une journée bien normale pour moi. C'est sûr que je regardais mon téléphone, mais pas comme les autres années. »
Tourigny a d'abord appris la bonne nouvelle de la bouche de son agent. Puis un de ses amis l'a contacté sur Facetime et a simplement retourné sa caméra vers un écran où apparaissait son nom.
« J'ai vu que c'était bleu, après ça j'ai vu le logo. J'étais vraiment le garçon le plus heureux sur la Terre », a dit le nouvel espoir bleu-blanc-rouge.
Le Canadien a pris l'habitude d'utiliser un choix tardif sur un Québécois négligé. La stratégie a fonctionné avec Rafaël Harvey-Pinard et sera mise à l'épreuve l'an prochain avec les débuts professionnels de Xavier Simoneau. Ces deux joueurs ont joué dans la LHJMQ comme vétérans de 20 ans avant faire le saut au niveau suivant.
Pour Tourigny, cette option n'en est pour l'instant pas vraiment une.
« J'en parle avec mes agents depuis longtemps. Ça va dépendre de l'invitation que je vais avoir, mais je pense que pour la suite, mon plan A, c'est vraiment de jouer dans la Ligue américaine l'année prochaine. »