BROSSARD – La visière teintée n’était qu’une supercherie. Visiblement fier de son coup, Nathan Beaulieu l’a avoué en riant de bon cœur jeudi lors de son dernier passage au complexe d’entraînement du Canadien avant de partir pour la saison morte.

Beaulieu a subi une fracture du sternum, et non une commotion cérébrale, lorsqu’une mise en échec d’Erik Karlsson l’a violemment propulsé sur la glace dans le troisième match de la série contre les Sénateurs d’Ottawa. La douleur l’a forcé à rater le reste de la première ronde et les quatre premiers matchs de la deuxième. Une guérison plus rapide que celle qu’il anticipait au départ lui a finalement permis de reprendre sa place dans la formation à temps pour participer à la tentative de remontée échouée contre le Lightning de Tampa Bay.

« Ça a fait vraiment mal pendant une semaine, puis ensuite j’ai commencé à prendre du mieux », relatait le jeune défenseur, confiant que son médecin lui avait dit que sa blessure était plus souvent le résultat d’un accident de la route. Le choc que Beaulieu a subi, lui a-t-on dit, est semblable à celui d’un conducteur qui serait projeté contre le volant lors d’un impact.

« Je me souviens d’être retourné sur la glace, de m’être fait accrocher légèrement et d’avoir immédiatement grimacé de douleur. Ce n’était pas ma meilleure idée... »

D’un point de vue général, par contre, Beaulieu ne garde que du positif de la dernière année.

« J’ai l’impression d’avoir enfin pu m’établir comme un vrai joueur dans la LNH, se réjouissait celui qui a disputé 64 matchs avec le Canadien en 2014-2015. Je sens que j’ai compris ce que je devais faire pour jouer dans cette ligue et maintenant que je me suis saucé, j’ai le goût de plonger pour démontrer toute l’étendue de mon savoir-faire. »

Avant d’embarquer sur l’autoroute, Beaulieu a toutefois dû parcourir quelques kilomètres imprévus sur le chemin de terre. Peu convaincant alors qu’un poste était à sa portée au camp d’entraînement, il a été rétrogradé une première fois dans la Ligue américaine en octobre, puis une autre fois à la fin novembre. Lorsqu’il est revenu, quelques semaines plus tard, il s’est promis de ne plus jamais repartir.

« Il y a une raison pour laquelle on vous rend la vie difficile dans les mineures. On ne veut pas que vous y preniez goût. Quand j’y suis retourné, j’étais misérable, j’étais en colère. Il n’y avait personne d’autre à blâmer que moi-même et c’est là que j’ai décidé de me prendre en main. Je savais alors que lorsque je recevrais de nouveau l’appel du grand club, je ne leur donnerais pas le choix de me garder. »

Le choix de première ronde du Canadien en 2011 a tenu parole. D’abord pris en charge par Sergei Gonchar, il a ensuite volé de ses propres ailes sur le troisième duo de défenseur aux côtés de Tom Gilbert. Il a marqué son premier but dans la LNH, le 2 février contre les Sénateurs d’Ottawa, a terminé la saison avec neuf points, a montré un différentiel de plus-6 et a jeté les gants à quelques reprises.

« J.J. (Jean-Jacques Daigneault, l’entraîneur responsable des défenseurs) m’a fait jouer quand je le méritais et m’a placé dans des situations difficiles où j’ai vraiment dû pousser fort pour réussir. Maintenant, j’ai l’impression d’être prêt à remplir un rôle accru. »

Ne rien tenir pour acquis

Il ne le dira pas ouvertement, mais égoïstement, Beaulieu est peut-être celui qui souhaite le moins le rapatriement de Jeff Petry, qui risque de faire sauter la banque si le Canadien lui permet de tester le marché des joueurs autonomes en juillet. Le vétéran défenseur, arrivé à Montréal à la date limite des transactions en mars dernier, a fait un tabac dans l’uniforme bleu-blanc-rouge et est considéré comme le dossier que le directeur général Marc Bergevin devra traiter en priorité au cours des prochaines semaines.

À 22 ans, Beaulieu n’est certainement pas encore prêt à chausser les patins d’un vétéran comme Petry, mais il est permis de croire que ses patrons voient en lui le prototype du remplaçant parfait, du moins à moyen terme.

« C’est un bon joueur et très certainement un gars dont je peux me servir comme modèle », acquiesce l’ancien des Sea Dogs de St-John lorsqu’on lui suggère la comparaison.

Peu importe le rôle qu’on lui croira réservé lorsque viendra le temps de bâtir la prochaine édition du CH, Beaulieu ne prendra rien pour acquis. Son but sera de se pointer au camp d’entraînement en se disant qu’il doit se battre pour gagner son poste.

« Chaque année, c’est à refaire. On ne peut jamais être satisfait, on ne peut pas se sentir trop à l’aise parce qu’il y a toujours quelqu’un qui cogne à la porte, prêt à vous voler votre job. C’est l’état d’esprit dans lequel je vais me présenter l’année prochaine. »

« Je veux prendre du coffre, ajoute l’Ontarien. Présentement, mon corps n’est pas assez musclé pour le style de jeu que je veux pratiquer. Si je veux être celui sur qui l’équipe compte pour jouer dans toutes les situations, ma force physique est probablement l’aspect sur lequel je devrai le plus travailler durant l’été. »

Joueur autonome avec compensation le 1er juillet, Beaulieu laissera à son agent le soin de déterminer les termes de la prochaine entente qui le liera au Canadien. « Mais je veux être à Montréal pour aussi longtemps que possible. Cette équipe sera solide pour encore très longtemps, alors je ne veux m’en aller nulle part. Je me sens comme à la maison, ici. »