Des doublés qui changent tout
L'un des grands avantages dont les joueurs de talent jouissent aux dépens de ceux qui en ont moins, ou pas beaucoup, est le fait qu'ils peuvent faire oublier quelques mauvaises présences, voire un match ordinaire, à l'aide d'un tir vif ou d'une passe précise qui se traduit par un but.
Si ce but est suivi d'un deuxième, d'un troisième ou même d'un quatrième et que ces buts propulsent l'équipe vers la victoire, le match ordinaire se transforme alors en performance solide. Performance très souvent auréolée d'une sélection au sein des trois étoiles.
C'est en plein ce qui est arrivé, mardi soir, à Washington.
Les deux buts marqués par Nick Suzuki en tout début de rencontre et les deux filets inscrits plus tard en troisième période par Juraj Slafkovsky laissent croire qu'ils ont disputé un match sensationnel.
Au même titre que le score final de 5-2 favorisant le Tricolore incite à croire que le match a été facile. Qu'il n'a été qu'une formalité!
Ce qui n'est pas tout à fait vrai.
Talent et opportunisme
Pas question ici de prétendre que le capitaine et son ailier droit ont été mauvais. Où que le premier trio qu'ils complétaient avec Cole Caufield s'est fait damer le pion par ses rivaux.
Ce serait exagéré et injuste.
Mais les doublés marqués par les deux joueurs – un premier cette saison pour Suzuki et un premier en carrière pour Slafkovsky – ont donné du lustre à une soirée de travail qui en avait moins.
Et c'est tout à leur honneur. À l'honneur de la qualité des mains du capitaine et de la qualité des tirs décochés par Slafkovsky qui aurait grand intérêt à dégainer plus souvent tant ses tirs – autant ceux des poignets que ses tirs sur réception – sont puissants et précis
Comme l'a convenu Martin St-Louis, c'est davantage l'opportunisme de ses joueurs de grand talent que la qualité d'exécution affichée au premier tiers qui a permis au Canadien de prendre les devants 3-0.
Après la pause du Match des étoiles, un brin de manque de cohésion était prévisible. Pas de quoi s'en formaliser.
J'ajouterais toutefois que le fait que les Capitals de Washington forment une équipe vieille, lente, sans âme avec un avenir à court et moyen terme bien plus terne que celui du Canadien et que les largesses du gardien Charlie Lindgren – chassé du match après avoir accordé trois buts sur les neuf premiers tirs du Tricolore – a joué un rôle aussi important que l'opportunisme au premier tiers.
Et en troisième, lorsque Slafkovsky a, deux fois plutôt qu'une, confirmé la grande qualité de ses tirs, il a fait oublier quelques très et trop longues présences au cours desquelles il s'est transformé en observateur sur la patinoire.
« Ces buts sont bons pour sa confiance. On voit qu'il s'améliore entre les cercles », a commenté St-Louis en insistant sur le fait que son jeune attaquant progresse.
Montembeault sauve les meubles
Mais entre les deux buts de Suzuki en début de rencontre et le doublé de Slafkovsky qui a scellé l'issue du match, Samuel Montembeault a eu un rôle aussi important à jouer que ses deux coéquipiers.
Avec une marque finale de 5-2, il pourrait sembler exagéré de dire que Montembeault a volé le match. Mais il n'est certainement pas exagéré d'assurer qu'il a volé la période médiane accordant un seul but – le 10e seulement de la saison d'Alexander. Ovechkin – sur les 16 tirs des « Caps ».
« On a été chanceux de sortir de la deuxième avec un score de 3-1 », a d'ailleurs candidement reconnu l'entraîneur-chef du Canadien.
Remarquez qu'il n'avait pas beaucoup le choix : après une première période désolante – cinq tirs, aucun dangereux, contre les 13 du Canadien – les Capitals ont dominé 33-13 les tirs lors des 40 dernières minutes de jeu.
Ils ont aussi dominé 74-39 la bataille des tirs tentés. Une domination qui témoigne du fait que Washington a eu possession de la rondelle bien plus souvent que le Canadien et que les Caps ont su maximiser ce temps de possession.
Les arrêts solides de Montembeault les ont privés d'au moins deux. Ils ont grandement changé le cours de la rencontre.
Montembeault a fait ce que les deux gardiens des Caps ont été incapables de faire devant leur filet : il a donné une chance réelle de gagner à son club.
Les mains de Suzuki et la qualité des tirs de Slafkovsky ont fait le reste...
L'après-Monahan
L'opportunisme du Canadien et les largesses des Capitals qui ont permis au Tricolore de prendre les devants 3-0 ont fait mentir ceux et celles – et ils étaient nombreux – qui anticipaient une catastrophe dans le cadre d'un premier match disputé sans Sean Monahan.
Ils ont aussi permis de calmer les joueurs du Tricolore qui ont unanimement convenu qu'ils allaient grandement s'ennuyer de celui qui remplissait un rôle important de parrain sur la glace, sur le banc des joueurs et dans le vestiaire.
« Cette avance a permis de se dire : "Ok les Boys, on va être corrects. La Ligue continue et nous autres aussi on continue" », a témoigné St-Louis après le match.
J'aime bien l'optimisme associé à cette réponse de St-Louis. Surtout que l'entraîneur-chef devra multiplier les façons d'être optimiste pour s'assurer de tirer le meilleur de sa formation d'ici la fin de la saison.
Car avec des trios comme ceux de Pearson-Evans-Ylonen, Armia-Gignac-Anderson, Pezzetta-Condotta-Harvey-Pinard, St-Louis devra obtenir des miracles de ses trois trios de soutien pour aider la cause de son premier.
Mardi soir, les joueurs de soutien ont mis l'épaule à la roue. Brandon Gignac a disputé un match plus qu'honnête à sa première partie dans l'uniforme du Canadien. Michael Pezzetta a obtenu son premier but gagnant en carrière. Rafaël Harvey-Pinard a travaillé comme il le fait toujours. Lucas Condotta a démontré qu'il est prêt à tout pour rester avec le grand club.
Sans oublier le vénérable David Savard qui a volé un but aux Capitals en plongeant devant une rondelle pour aider la cause de son gardien et de son équipe.
Mais le fait qu'on attende avec autant d'impatience le retour au jeu d'Alex Newhook démontre à quel point le Canadien est vulnérable en ce moment.
Cette vulnérabilité devrait coûter des matchs au Canadien qui ne croisera pas toujours des adverses vieux, lents et en manque de motivation comme les Capitals d'ici la fin de la saison.
Mais elle servira à faire de St-Louis un meilleur entraîneur alors qu'il devra développer ses qualités pour maintenir l'emprise sur son groupe et obtenir des efforts soutenus dans les moments difficiles.
Cette vulnérabilité servira aussi la cause des joueurs qui sauront profiter des semaines pénibles qui s'annoncent pour prouver qu'ils peuvent faire partie des solutions qui mèneront le Canadien vers des jours meilleurs. Et chasseront ceux qui démontreront le contraire.
Ce qui aura plus de valeur pour l'avenir de l'équipe que quelques points de plus au classement.