NEW YORK - Alain Vigneault et Michel Therrien ont déjà été de grands rivaux. Deux fois plutôt qu’une même. Alors que Vigneault complétait son séjour à la barre des Olympiques de Hull au début des années 1990, Therrien était derrière le banc de l’ennemi juré des Olympiques : le Titan de Laval.

Parce que le hockey junior à l’époque ne faisait pas dans la dentelle et qu’il sombrait parfois dans le vaudeville, la rivalité Hull-Laval tout comme celle opposant Therrien-Vigneault offraient parfois des débordements pas toujours heureux. « C’était bien plus du "stuff de junior" qu’autre chose. On ne s’est jamais vraiment détesté », m’a fait remarquer Alain Vigneault après son point de presse de vendredi au site d’entraînement des Rangers.

Lorsque Vigneault est revenu dans la LHJMQ après un séjour à titre d’entraîneur adjoint avec les Sénateurs d’Ottawa, il s’est retrouvé à Beauport pendant que Michel Therrien et ses Prédateurs de Granby faisaient la pluie et le beau temps. Therrien et son club avaient d’ailleurs battu Vigneault et ses Harfangs en finale de la LHJMQ avant de rapatrier au Québec la coupe Memorial au printemps 1996.

Derrière cette rivalité née dix ans plus tôt s’est développée une forme de respect. À un point tel qu’une fois nommé entraîneur-chef du Canadien de Montréal, Alain Vigneault n’a pas hésité à recommander l’embauche de son ancien rival afin de développer les jeunes espoirs de l’organisation à Fredericton.

J’ai encore en mémoire une image que je n’aurais jamais cru possible de voir. En juin 1997, alors que tous les clubs de la LNH convergeaient vers Pittsburgh pour la tenue du repêchage, j’avais croisé Vigneault et Therrien assis côte à côte dans un petit bar. Les ennemis du passé étaient devenus complices. Des complices qui se sont fait jouer un bien vilain tour cette année-là alors que les recruteurs du Canadien ont préféré l’Ontarien Jason Ward à un certain Slovaque pas très connu du nom de Marian Hossa. Oui, oui! Celui qui porte les couleurs des Blackhawks de Chicago alors que la carrière de Ward dans la LNH n’a jamais vraiment pris son envol.

Le reste fait partie de l’histoire : congédié par le Canadien le 20 novembre 2000, Vigneault a été remplacé par Michel Therrien. Vigneault a obtenu une deuxième chance à Vancouver où lui et ses Canucks se sont retrouvés à une victoire de la coupe Stanley. Congédié à Montréal, Therrien s’est repris à Pittsburgh où il a été congédié après avoir préparé les jeunes Penguins à se rendre jusqu’à la coupe Stanley. À leur troisième vie à titre d’entraîneur-chef dans la LNH les voici maintenant face à face en finale d’Association de l’Est.

Contacts fréquents et cordiaux

À quelques heures du premier duel entre le Canadien et les Rangers, les deux coachs n’avaient pas encore eu la chance de se parler. Ce n’est toutefois pas faute d’avoir essayé. « Je lui ai laissé deux messages et il m’en a laissé deux lui aussi. On a toujours gardé contact au fil des ans. C’est même Michel qui avait été le premier à m’appeler lorsque j’ai été congédié et qu’il a appris qu’il me remplaçait. Après qu’il eut été congédié, quand on se parlait où qu’on se laissait des messages on disait : salut l’ancien, c’est l’autre ancien qui parle. Aujourd’hui, l’ancien parle au recyclé. On s’amuse avec ça », a lancé Vigneault en riant avant d’ajouter, le plus sérieusement du monde : « J’ai le plus grand respect pour lui et ce n’est pas parce qu’on se croise là en finale de l’Est que ça va changer. »

Ça n’empêche pas Vigneault d’avoir sorti le grand jeu pour déstabiliser son vis-à-vis hier. Flairant la bonne affaire, Vigneault a sorti le violon pour tenter d’endormir Therrien et le Canadien à l’aube du premier duel opposant les deux équipes.

« Ça fait deux jours que je regarde les matchs du Canadien contre Tampa en première ronde, et contre les Bruins et je n’ai pas encore été en mesure de mettre le doigt sur une faiblesse du Canadien. Cette équipe était négligée en première ronde et encore en deuxième, mais elle vient de battre le meilleur club de la LNH. Si le Canadien s’est plaint de ne pas avoir obtenu le respect qu’il méritait lors de ces deux premières rondes, je peux vous assurer qu’il obtient mon plein respect et celui de mon équipe. »

Cette sortie bien calculée d’Alain Vigneault a poussé Michel Therrien à s’esclaffer de rire lorsque le collègue Arpon Basu de LNH.com lui a répété les mots utilisés par son copain, mais néanmoins adversaire.

Après autant d’années à rivaliser à titre d’entraîneurs-chefs, Michel Therrien savait très bien – sans doute pour s’être lui-même rendu coupable du même « crime » à maintes occasions – que Vigneault tentait simplement d’endormir la galerie et de s’assurer que toute la pression de gagner bascule dans le camp du Tricolore. Ce qui est de bonne guerre une fois rendu en finale d’Association. Une finale opposant deux chums...

Signes évidents

Quand on demande à Vigneault de remonter dans le temps, il n’hésite pas une seconde avant de défiler les motifs qui l’avaient poussé à mousser la candidature de Michel Therrien à la barre du club-école du Canadien malgré la rivalité qui les opposait à l’époque. « Mike était déjà un très bon coach. C’était évident. Quand tu diriges dans les rangs juniors, c’est facile d’identifier les gars qui savent préparer leur équipe, les gars qui travaillent, qui s’ajustent, qui prennent les moyens pour gagner. C’était déjà très clair dans le cas de Michel l’année qu’il m’a battu en finale pour se rendre ensuite à la coupe Memorial qu’il a gagnée », a insisté Vigneault qui a remporté une coupe du Président en 1988 avec les Olympiques de Hull sans toutefois arriver à soulever la coupe Memorial disputée cette année-là à Chicoutimi.

Qui de l’ancien ou du recyclé sortira gagnant de cette finale qui s’annonce fort intéressante?

Difficile à dire.

Le Canadien représente un club plus complet à mes yeux. Les deux gardiens sont parmi les meilleurs de la LNH, bien que Lundqvist ait connu plus que sa part d’ennui face au Canadien et particulièrement au Centre Bell alors que Carey Price revendique quatre victoires, dont trois, par jeu blanc à ses cinq derniers départs contre New York. L’éveil offensif plus qu’attendu de Rick Nash pourrait grandement aider la cause des Rangers qui peinent à marquer des buts sans oublier la vague d’émotion qui a déferlé dans le vestiaire des Blue Shirts après le décès de la mère de Martin St-Louis. À ce chapitre, les joueurs des Rangers devaient tous rejoindre leur coéquipier endeuillé au salon funéraire à leur arrivée à Montréal en fin d’après-midi vendredi.

Mais peu importe que le Canadien gagne ou que les Rangers l’emportent, l’ancien coach du Canadien et celui qui est revenu à titre d’entraîneur recyclé trouveront bien une façon de se réjouir du succès de l’autre une fois la déception de se retrouver trop vite en vacances passée.