Hughes : première année totalement réussie
MONTRÉAL - Un an après son embauche à titre de directeur général du Canadien, Kent Hughes ne regrette pas le moindrement d'avoir troqué son rôle d'agent de joueurs pour celui de gestionnaire des joueurs du Tricolore.
« J'adore ce que je fais. Le travail et les défis sont aussi emballants que je l'anticipais. Je réalise aussi que je suis très heureux d'être revenu à Montréal après autant d'années passées loin d'ici », que le directeur général m'a lancé lorsque je l'ai croisé, mardi midi, près du vestiaire de son équipe pour parler de ses intentions de revoir le calendrier des Fêtes. Un calendrier qui est loin d'avoir été un cadeau encore cette année.
Et la pression ou les différentes formes de pression reliées à son nouveau travail: la pression des médias et celle des partisans qui sont tous les deux difficiles à satisfaire; la pression de gagner, la pression de bien repêcher, de bien développer, de bien transiger, de bien gérer?
« C'est ce que j'imaginais», a assuré Hughes avec un sourire.
Parce qu'il n'a pas un poil sur le caillou depuis des années, il est impossible de voir si les tracas quotidiens associés à son rôle de directeur général du Canadien lui ont donné des cheveux gris au fil des 12 derniers mois.
Ce qui saute aux yeux toutefois quand on le regarde aller et ce qui résonne clairement quand on l'écoute parler, c'est que Kent Hughes est en plein contrôle de la reconstruction qu'il a eu le mandat d'orchestrer lors de son embauche.
Depuis un an, Hughes a su rassurer tous ceux et celles qui craignaient que son inexpérience lui nuise et nuise au Canadien. Il a conclu plusieurs bonnes et très bonnes transactions – l'acquisition de Kirby Dach pourrait devenir un vol perpétré sous le nez des Blackhawks de Chicago et un choix de première ronde non protégé des Panthers de la Floride pour Ben Chiarot pourrait devenir un coup de circuit – qui ont moussé la confiance à son endroit.
Hughes et son patron Jeff Gorton ont aussi été en mesure de démontrer au fil des premiers 12 mois de leur union, que le monstre à deux têtes qui dirige le Tricolore n'a rien de monstrueux. Qu'il ne cache pas, comme plusieurs l'anticipaient, que le jeune directeur général sans expérience ne soit que le faire valoir de son président.
Une situation qui semble prévaloir à Vancouver – association Jim Rutherford-Patrik Allvin – avec les résultats désolants que cela entraîne cette année pour les Canucks.
Période de grâce
Quand on place dans la balance tout ce que Kent Hughes a fait depuis son embauche, qui ont pèse et soupèse les transactions, les embauches, les changements de philosophie apportés au sein de l'organisation une conclusion s'impose : sa première année est une complète réussite.
Mais attention : le plus difficile reste toutefois à venir.
Car à l'image de son entraîneur-chef Martin St-Louis dont l'embauche figure parmi les excellents coups multipliés au cours des 12 derniers matchs, Kent Hughes profite d'une période de grâce.
Les médias et les partisans sont patients cette année. Ils devraient l'être encore l'an prochain alors que la reconstruction ne sera pas encore complétée. Mais dans deux ans, quand les travaux entreront dans la phase de finition et plus encore dans trois ans, des résultats concrets seront attendus. Ils seront même exigés.
Le principal intéressé le sait très bien. Et il compte bien être en mesure d'offrir aux partisans un club vraiment capable de gagner sur une base régulière. Un club solide qui pourra reluquer, sans fausses prétentions, une place en séries chaque année. Un club qui pourra attiser des espoirs de rapatrier la coupe Stanley à Montréal pour la première fois depuis 1993. Pour la première fois depuis trop longtemps.
Bien transiger pour mieux développer
Un an après la conférence de presse au cours de laquelle il a été présenté aux médias et aux partisans sur la patinoire du Centre Bell, Kent Hugues maintient le cap qu'il avait fixé.
Et ça, c'est la meilleure nouvelle qui soit pour les partisans.
Car s'il a multiplié les décisions importantes au cours de la première année de son mandat, Kent Hughes devra en prendre de toutes aussi importantes au fil des prochains mois. Des prochaines semaines en fait.
À l'approche de la date limite des transactions, il a l'obligation de profiter de cette période pour améliorer son équipe.
Ça ne veut pas dire de donner des joueurs. Mais s'il est en mesure de maximiser les valeurs d'un Joel Edmundson – lire ici obtenir un choix de première ronde ou un choix de deuxième ronde et un espoir – d'un Josh Anderson – au moins un choix de première ronde – et qu'un club se montre intéressé à miser sur Sean Monahan pour s'offrir de la profondeur en vue des séries, Hughes doit écouter.
Et il écoutera a-t-il assuré mercredi dans le cadre de son bilan de première année à la tête de l'équipe.
Ce qui est vrai pour Edmundson, pour Anderson, pour Monahan, l'est aussi pour David Savard à moins que le Canadien décide de garder le vétéran québécois comme parrain pour développer les jeunes défenseurs qui font déjà beaucoup mieux que prévu depuis le début de la saison.
Mais si un club décidait d'être aussi généreux que le Lightning l'a été il y a deux ans pour obtenir David Savard – un choix de première ronde et un autre de troisième sont passés aux Blue Jackets de Columbus – il faudrait sérieusement jongler avec cette possibilité.
Kent Hughes a assuré avoir parlé avec ses vétérans pour les rassurer plus tôt cette saison lorsque des rumeurs de transaction les chassaient de Montréal. Il s'assurera de les garder informés quant aux développements susceptibles de survenir lorsque le marché des transactions se mettra à bouillonner plus qu'il ne bouillonne présentement.
Le directeur général a toutefois été clair sur un point : Samuel Montembeault est à Montréal pour y rester. La direction ne sait pas encore s'il a l'étoffe pour devenir un solide numéro un, mais elle est convaincue qu'il est nécessaire de le garder pour lui offrir la chance de le prouver. Et s'il n'y arrive pas, il pourrait certainement remplir un rôle de solide numéro deux pour des années.
Slafkovsky sur la touche
Comme agent, Kent Hughes était très préoccupé par les meilleurs moyens à prendre pour améliorer le développement de ses jeunes clients. Il l'est tout autant à titre de directeur général du Canadien.
C'est pour cette raison qu'il a gardé Juraj Slafkovsky avec le grand club alors que plusieurs – ajoutez mon nom à la liste – souhaitaient le voir aller prendre confiance et dominer dans la Ligue américaine.
« Chaque joueur est différent. Slafkovsky est un gars confiant. Ça ne m'inquiète pas de le garder avec nous même s'il ne produit pas. Car ce n'est pas la production qui me préoccupe, mais la prise de conscience qu'il doit effectuer pour devenir le joueur qu'il peut devenir dans la Ligue nationale. S'il va dans la Ligue américaine, qu'il y amasse des points, mais ne développe pas les qualités qui feront de lui un très bon joueur dans la LNH, l'expérience ne vaut pas le coup», expliquait le directeur général qui a, sans l'ombre d'un doute débattu de la situation de son premier choix avec le reste de l'état-major.
Maintenant que Slafkovsky est sur la touche pour trois mois en raison de la blessure au genou qu'il a subie dimanche, à New York, les débats seront reportés à l'an prochain.
Autant sur la place publique qu'au sein de l'état-major que Hughes consulte et utilise avant de prendre les décisions.
« On a bâti une solide équipe responsable des opérations hockey. Nous gérons en coopération. Tout le monde a droit de parole. Nous avons tous assez confiance en nos moyens pour nous mettre au défi tout en nous respectant. En fin de compte, il faut prendre des décisions et elles sont prises. Des fois, Martin (St-Louis) peut donner un avis sur un joueur qui est susceptible d'être échangé. Mais si on décide qu'on doit faire cette transaction pour le bien du club. Inversement, nous pouvons tous formuler nos opinions sur certains joueurs et y aller avec nos manières de les utiliser, mais c'est Martin qui décide de sa formation, des rôles qu'il donne à ses joueurs et qui détermine leur temps d'utilisation. »
Les plans de Kent Hughes, des membres de son état-major, de Martin St-Louis et son équipe d'entraîneurs ont été contrecarrés par les blessures qui se multiplient depuis le début de la saison.
Des blessures qui forceront la direction à étudier ce dossier une fois la saison terminée. Il sera alors important de déterminer si les blessures sont le fruit d'une malchance chronique ou attribuables à des lacunes en matière d'entraînement ou de traitements.
L'équilibre entre victoires et défaites
Tout ça s'ajoute à la longue liste des défis qui se dressent devant Kent Hughes pour sa deuxième année à titre de directeur général du Canadien.
Une deuxième année qui s'amorce aujourd'hui et qui ne sera pas plus facile que la première.
Une deuxième année au cours de laquelle les partisans devront encore faire preuve de patience et accepter que leurs favoris perdent sans doute plus souvent qu'ils ne gagneront.
Ça ne veut pas dire pour autant que le patron souhaite que son équipe perde le plus souvent possible pour maximiser ses chances de gagner la loto-repêchage.
« Les joueurs doivent embarquer sur la patinoire pour gagner le match. Je ne crois pas à un club qui ne peut pas gagner. Car c'est dans ces circonstances que des gars deviennent trop individualistes. Ce n'est pas le genre de culture qu'on veut établir au sein de notre organisation. Car quand tu as des joueurs trop individualistes dans ton équipe tu ne peux pas gagner », que Kent Hugues a assuré.
Cela dit, Hughes a clairement reconnu que dans la situation de son équipe, il n'y a pas que du bon dans les victoires et que du mauvais dans les défaites : « J'ai dit à Martin plus tôt cette année que les victoires sont bonnes jusqu'à un certain point et que les défaites ne sont pas bonnes jusqu'à un certain point. »
Le petit rire échappé après cette phrase sportivement philosophique en dit long sur l'équilibre précaire que tend à trouver le Canadien dans le cadre de sa reconstruction.
Une reconstruction qui est sans l'ombre d'un doute entre bonnes mains.