Les beautés du sport
MONTRÉAL - Rien ou pas grand-chose ne favorisait le Canadien à l'aube du duel bien inégal qui l'attendait face aux Oilers d'Edmonton.
Martin St-Louis et ses joueurs avaient déjà fait plaisir à leurs partisans et sauvé la face avec la spectaculaire victoire de samedi – arrachée en prolongation – aux dépens des Islanders.
Partisans et journalistes étaient donc prêts à accepter de voir les Oilers et leur dangereux monstre à deux têtes ne faire qu'une bouchée du Tricolore.
Tout favorisait les Oilers :
- Ils n'avaient pas perdu en temps réglementaire (9-0-1-1) à leurs 11 derniers matchs;
- Meilleur marqueur de la LNH avec 42 buts, Connor McDavid était à trois petits points du plateau des 100 qui tentait d'atteindre dès sa 54e rencontre de la saison;
- McDavid surfait sur une séquence de 15 matchs consécutifs avec au moins un point. Sa deuxième de la saison; sa quatrième en carrière. Une séquence au cours de laquelle il avait marqué 10 buts et ajouté 15 mentions d'aide.
- Meilleure attaque de la LNH avec 3,76 buts marqués par match en moyenne, les Oilers comptaient aussi sur la meilleure attaque massive de la Ligue. Une attaque massive qui a enfilé 58 buts, qui frappait pour 31,5 % et qui était même meilleure sur la route avec une efficacité de 32,3 %;
Défavorisé sur plusieurs fronts, le Canadien a fait une fois encore la preuve que le sport est bien plus une affaire d'émotion, de conviction, de travail et d'un brin de chance, bien plus qu'une simple affaire de talent, de statistiques ou de tendances.
D'ailleurs, le Canadien n'a pas seulement renversé les Oilers 6-2 pour compléter un week-end du Super Bowl parfait, mais il a fait mentir toutes les données qui favorisaient les Oilers.
Il a blanchi Connor McDavid. Ce qui n'était arrivé que cinq fois jusqu'ici cette saison...
Il a limité la puissante attaque massive des Oilers à un petit but en six occasions. Dont 88 secondes passées à cinq contre trois. Six occasions au cours desquelles ils se sont heurtés à Jake Allen qui a stoppé 11 de leurs 12 tirs...
Le Canadien s'est quant à lui permis de marquer deux fois en trois attaques massives.
En prime, c'est pendant la sixième attaque à cinq des Oilers que Kirby Dach a réalisé un jeu parfait en échec avant, qu'il a fait très mal paraître le défenseur Evan Bouchard en lui volant la rondelle pour ensuite la refiler à Christian Dvorak qui a ajouté un sixième but à une victoire déjà acquise.
Belzile, RHP, Desharnais
C'est beau le sport quand la logique prend le bord. Quand il rappelle à quel point il est périlleux et peut devenir dangereux de se laisser attirer par le chant des sirènes qui les invitent à parier sur un tout et un rien.
C'est plus beau encore quand il nous offre des histoires sensationnelles comme celles qu'ont vécues Alex Belzile, Rafaël Harvey-Pinard et Vincent Desharnais dans le cadre du match de dimanche.
Alex Belzile a disputé 590 matchs dans les rangs professionnels avant de marquer, dimanche, à l'âge vénérable de 31 ans, son premier but dans la LNH.
Une belle récompense pour tout le travail accompli au cours de toutes ses années dans les rangs mineurs. Pour la détermination affichée au cours de toutes ces années pas toujours évidentes alors qu'il allait de petites villes en petites villes, d'un petit club à un autre petit club pour vivre du sport qu'il a toujours aimé.
Ce but récompense Belzile. Mais la plus belle récompense viendra de son entraîneur-chef Martin St-Louis qui continuera à l'utiliser pour lui donner, comme il l'a souligné dans son point de presse de dimanche, la chance d'en marquer un deuxième et d'autres ensuite.
Combien?
Peu importe. En se revenant dans la LNH cette année et en prolongeant son séjour avec le grand club, Alex Belzile a déjà accompli un exploit qui vaut beaucoup plus que tous les buts qu'il pourrait ajouter.
Même chose pour Vincent Desharnais qui, à 26 ans, a finalement atteint la LNH et qui disputait finalement un premier match – son 12e en carrière – au Centre Bell.
Et que dire que Rafaël Harvey-Pinard?
Après avoir gagné le plein droit d'évoluer au sein du premier trio, RHP prend les moyens pour obliger son coach à le garder là.
Il a enfilé son sixième but et récolté son huitième point en neuf matchs disputés cette saison avec le grand club.
Avec 30 arrêts, Jake Allen a fait plus que sa part pour aider le Canadien à battre Connor McDavid et les Oilers dimanche.
Mais le but marqué par Rafaël Harvey-Pinard en fin de période médiane a été le point tournant de la rencontre.
Après les trois buts sans riposte du Canadien qui s'est offert une avance de 3-0, les Oilers se sont rapprochés à un but du Tricolore en deuxième. RHP a redonné un coussin de deux buts en faisant dévier un puissant tir de Mike Matheson.
Comme Alex Belzile, Rafaël Harvey-Pinard n'a qu'une façon de jouer au hockey : la bonne! Il se défonce, il va dans les zones dangereuses, là où il faut encaisser des coups pour se tenir debout, mais où courage et ténacité sont souvent récompensés.
En ajoutant des buts comme il le fait, en contribuant aux succès offensifs du Canadien, RHP se donne la chance de se placer dans une position dont il n'a encore jamais pu profiter depuis sa sélection par le Tricolore en septième ronde (201e sélection) du repêchage de 2019: celle d'avoir une place à perdre lors du prochain camp d'entraînement au lieu d'avoir une place à gagner.
L'éveil offensif de la défense
Les beautés du sport c'est aussi l'éveil offensif de la jeune brigade défensive du Canadien.
Les deux buts de Jordan Harris qui vient de signer une prolongation de contrat et qui s'installe au sein de cette équipe alors qu'il a pris la relève de son jeune coéquipier Kaiden Guhle lorsqu'il est tombé au combat.
Avant le week-end du Super Bowl, le Canadien n'avait obtenu que 12 buts de ses défenseurs depuis le début de la saison.
Le plus faible total de toute la LNH.
Le Canadien est toujours dernier. Mais les quatre buts ajoutés en fin de semaine – deux par Harris dimanche en plus des buts de Justin Barron (son 1er avec le CH) et de Mike Matheson samedi – permettent de regarder l'avenir avec optimisme.
Harris, Barron, Kovacevic, Guhle qui est blessé et Xhekaj qui pourrait le rejoindre pour un bout de temps – il s'est blessé à l'épaule droite lors d'une altercation avec Vincent Desharnais – prennent les bouchées doubles cette année.
Les blessures les obligent à jouer beaucoup plus que les plans établis le prévoyaient.
Cela explique sans doute un brin ou deux leur production timide – exception de Xhekaj qui a marqué cinq des 16 buts provenant de la ligne bleue – jusqu'ici.
La prise de confiance de Harris et de ses jeunes coéquipiers et aussi la confiance que semble donner Mike Matheson – il donne sur le plan offensif, ce que David Savard donne sur l'aspect défensif du jeu – depuis son retour au jeu sont en voie de changer la donne dans le cadre de cette saison de transition; de reconstruction!
Il se passe de belles choses en ce moment chez le Canadien. Ça ne se traduira pas toujours par des victoires d'ici la fin de la saison et encore l'an prochain.
Mais ça permet d'avoir confiance en l'avenir.
Là : c'est le temps du Super Bowl.
S'ils arrivent à rejoindre Patrick Mahomes derrière la ligne de mêlée aussi souvent que je crois qu'ils seront en mesure de le faire, les joueurs du front défensif aideront les Eagles à gagner le match par 10 points.
Bon match!