Slafkovsky attise les espoirs
MONTRÉAL – Un premier tour du chapeau en carrière ne propulse pas nécessairement celui qui le complète vers une carrière faste.
Il est loin de l'assurer d'une place parmi les meilleurs marqueurs de la LNH. Pas même parmi les meilleurs marqueurs de son équipe.
Rappelez-vous Ryan Poehling!
Il y a tout juste cinq ans, le 6 avril 2019, l'ancien premier choix – 25e sélection de la cuvée 2017 – du Canadien a réalisé un tour du chapeau lors de son tout premier match en carrière dans l'uniforme du Tricolore. Il avait même ajouté le but décisif en tir de barrage pour donner une victoire de 6-5 du Canadien aux dépens des Maple Leafs venus de Toronto.
Cet exploit réalisé lors du tout dernier match de la saison avait un brin apaisé la déception des partisans qui voyaient leurs favoris rater les séries malgré une récolte de 96 points.
La performance de Poehling avait aussi et surtout gonflé les attentes à son endroit pour la saison suivante. Des attentes qu'il n'a jamais été en mesure de combler. Il s'était d'ailleurs contenté de marquer une seule fois en 27 rencontres la saison suivante. Le Canadien l'a finalement échangé – aux Penguins – après trois saisons au cours desquelles il n'a marqué que 13 fois et disputé seulement 85 rencontres.
Ryan Poehling a marqué deux buts dans la dégelée infligée aux Flyers par le Canadien. Et s'il connaît les meilleurs moments de sa carrière à « Philly » où il s'est retrouvé à titre de joueur autonome l'automne dernier, Poehling n'est jamais devenu le franc-tireur que plusieurs partisans du Tricolore croyaient avoir découvert après son premier match.
Il n'avait pas le talent et l'étoffe pour y arriver. Ses 32 buts en 212 matchs dans la LNH le confirment d'ailleurs amplement.
Bien plus qu'un fait saillant anecdotique
Mardi soir, à 20 ans et neuf jours, dans le cadre de son 117e match avec le Canadien, Juraj Slafkovsky a réalisé son tout premier tour du chapeau en carrière.
Pas question ici de minimiser l'exploit réalisé par le jeune Slovaque. Encore moins de le comparer à celui, bien anecdotique, de Ryan Poehling. Ou de souligner que Joel Armia en a réalisé deux depuis le début de sa carrière, que Rafaël Harvey-Pinard, Christian Dvorak et Josh Anderson pour ne nommer qu'eux en ont un chacun à leur actif et qu'ils sont loin d'avoir une place réservée parmi les tireurs élites dans la LNH.
Car le premier tour du chapeau en carrière de Juraj Slafkovsky confirme que celui vers qui le Canadien s'est tourné à titre de tout premier choix de l'encan amateur qui se déroulait à Montréal il y a à peine deux ans mérite l'honneur qu'on lui a réservé.
Après un début de saison timide – une passe à ses 10 premiers matchs, deux buts et six points après ses 31 premiers matchs – Slafkovsky s'est ensuite mis en marche.
Propulsé par des séquences de 15 buts et 33 points à ses 36 dernières rencontres, Slafkovsky revendique 17 points (six buts) à ses 14 derniers matchs.
Oui! Le tour du chapeau réalisé mardi aux dépens des Flyers attise sa production. Mais ce tour du chapeau est plus qu'un cadeau – empoisonné – offert par les Dieux du hockey comme dans le cas de Ryan Poehling et de bien d'autres joueurs autour de la LNH et du vestiaire du Canadien.
Il confirme l'éclosion offensive du jeune joueur qui revendique maintenant 19 buts et 48 points en 74 matchs. Avec encore quatre parties à disputer avant la fin du calendrier, Slafkovsky pourrait fracasser les plateaux des 20 buts et des 50 points.
En prime, Slafkovsky occupe le troisième rang chez le Tricolore avec neuf matchs de trois points depuis le début de la saison. Il suit Nick Suzuki qui mène avec 19 et Mike Matheson qui est deuxième avec 13. Mais Slafkovsky compte un match de trois points de plus que son autre compagnon de trio Cole Caufield jusqu'ici cette année.
Ce n'est pas rien!
Comme quoi Slafkovsky a su s'extirper de la guigne de la deuxième année qui semblait l'emprisonner en début de saison.
Analyse, compréhension, exécution
Les récents succès de Juraj Slafkovsky ne tombent pas du ciel, assure Martin St-Louis.
« C'est le résultat de tout ce qu'il fait pour assimiler la bonne manière de jouer. Il travaille son match. Il comprend plus maintenant les actions qui se déroulent sur la patinoire. Quand tu vas aux bonnes places, la game te trouve. C'est ça qui est arrivé sur ses buts ce soir », que Martin St-Louis a souligné après la victoire.
Le premier a été le fruit d'une déviation effectuée devant la cage des Flyers alors que tout le monde croyait que Mike Matheson avait marqué à l'aide d'un puissant tir frappé de l'enclave.
La deuxième a été le résultat d'un tir sur réception d'une passe savante servie par Nick Suzuki.
Le troisième a été marqué sur une échappée dont Slafkovsky a donné tout le crédit à Rafaël Harvey-Pinard qui lui a ouvert la voie en assénant une mise en échec au vétéran défenseur Erik Johnson qui s'est retrouvé les quatre fers en l'air et n'a pas eu le temps de venir compliquer le travail du Slovaque qui a ainsi pu obtenir son tour du chapeau.
« Slaf comprend maintenant mieux les actions sous-estimées qui se font sur la glace. On a pris notre temps avec lui. On l'a placé dans des situations plus faciles – deuxième vague d'attaque à cinq – en début de saison pour qu'il gagne en confiance, qu'il s'ajuste. Je l'ai dit tantôt. Ce qui lui arrive est le résultat de tout le travail qu'il a accompli », a conclu St-Louis.
S'il est évident que Slafkovsky a non seulement échappé à la guigne de la deuxième année, mais qu'il a atteint un deuxième niveau d'excellence cette saison, il lui restera à démontrer l'an prochain et au fil des saisons qui suivront, combien de niveaux d'excellence il pourra gravir avant d'atteindre son plein potentiel.
Son premier tour du chapeau et les performances des 36 derniers matchs qu'il a auréolées permettent toutefois d'attiser les espoirs les plus optimistes et de voir grand, peut-être même très grand, en matière de projections pour Slafkovsky qui a célébré son 20e anniversaire le 30 mars dernier.
Il ne faudrait pas l'oublier!
Flyers : dignité à retrouver
Si un peu tout le monde voyait la vie en rose dans le vestiaire du Canadien, ça broyait du noir dans celui des Flyers après la rencontre.
Pour une très rare fois en près de 35 ans de couvertures des activités de la LNH, c'est devant des joueurs des Flyers avec leur équipement sur le dos, les patins aux pieds et tous bien assis devant leur casier que je me suis retrouvé en entrant dans le vestiaire des perdants.
« Une décision de l'organisation », que le capitaine Sean Couturier a assuré.
« C'est frustrant, c'est décevant. Nos erreurs nous ont coûté très cher ce soir. On doit essayer de s'appuyer les uns sur les autres. On l'a fait toute l'année et on doit le faire devant l'adversité », que Couturier a ajouté.
Après des revers de 9-3 contre le Canadien et de 6-2 contre les Blue Jackets, les Flyers qui viennent d'encaisser huit défaites de suite (0-6-2-0) sont pratiquement largués de la course aux séries.
« Il nous reste trois matchs à disputer et peu importe qu'on termine hors des séries ou que nous arrivions à y retourner, le plus important pour nous est de regagner notre dignité sur la patinoire. De jouer le genre de hockey qui nous a permis d'avoir du succès toute la saison. Les gars doivent répondre à vos questions après un match comme celui de ce soir. Mais ils forment un bon groupe. Ce sont de bons joueurs. De bons gars. Je ne remets pas en question l'effort ou leur volonté de gagner. Mais on a frappé le fond du baril ce soir. On doit panser les blessures et il n'en tient qu'à nous de finir la saison de la bonne façon », a plaidé un John Tortorella qui est demeuré calme, posé, presque serein dans le cadre du point de presse accordé après le cuisant revers de son équipe.
Entre les lignes
- Le tour du chapeau de Juraj Slafkovsky était le premier du Canadien cette saison...
- Le Tricolore a été victime de quatre : Auston Matthews, le 11 octobre dans le cadre d'un revers de 6-5 en tirs de barrage à Toronto; Tyler Toffoli, le 24 octobre dans un revers de 5-2 aux mains des Devils; Danton Heinen, le 20 janvier, à Boston, dans un revers de 9-4; Chris Kreider, le 15 février, à New York, dans un revers de 7-4...
- Michael Matheson a récolté deux passes dans un troisième match de suite. Il s'est approché à une mention d'aide du plateau des 50 et à un point du plateau des 60 cette saison.
- Ses 49 aides et 59 points représentent déjà des sommets personnels – il a terminé la dernière saison avec 26 passes et 34 points – pour l'arrière québécois qui est à un but de son sommet (11) en carrière établi en 2020-2021 avec les Penguins de Pittsburgh...
- Le CH a atteint le plateau de 30 victoires cette saison : 20 en temps réglementaire, six en prolongation et quatre en tirs de barrage...
- C'était le 16e gain du Tricolore au Centre Bell : 11 en temps réglementaire, trois en prolongation et deux en tirs de barrage...
- L'an dernier, le Canadien a terminé la saison avec un total de 31 victoires, dont 17 devant ses partisans...
- C'était la quatrième fois cette saison que le Canadien n'obtenait pas le moindre avantage numérique dans le cadre d'un match. Il a gagné trois fois : 9-3 aux dépens des Flyers mardi; 4-2 en Arizona le 27 février; 4-2 à Columbus, le 29 novembre; il a perdu une fois : revers de 4-3 au New Jersey aux mains des Devils...
- C'est congé mercredi pour le Canadien qui mettra à nouveau le cap sur New York où il croisera les Islanders de Patrick Roy jeudi. Des Islanders qui ont battu les Rangers 4-2, mardi, et qui semblent vouloir s'installer au troisième rang de la section Atlantique; là où les Flyers ont passé une bonne partie de la saison avant d'amorcer une glissade qui sera difficile à freiner...