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RÉSULTATS

Victoire aussi éclatante que surprenante

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MONTRÉAL - Quand Mitch Marner a pris le contrôle de la rondelle derrière Jake Allen en milieu de première période avant de rejoindre Michael Bunting oublié dans l'enclave qui a lancé les Maple Leafs en avant 1-0, je me suis dit que c'était le commencement de la fin.

 

Je me suis dit que ce premier but, marqué aux dépens du premier trio et du premier duo d'arrières du CH, serait suivi de plusieurs.

 

Je me suis dit que les joueurs des Leafs avaient simplement eu besoin d'une dizaine de minutes pour se réveiller après l'interminable présentation des joueurs du Tricolore donnant le coup d'envoi à la saison 2022-2023.

 

C'est tout le contraire qui est arrivé alors que la performance du Canadien s'est traduite par une victoire bien plus éclatante que les cérémonies d'avant-match. Une victoire surprenante sans l'ombre d'un doute, surtout pour les Leafs et leurs partisans, mais une victoire pleinement méritée.

 

Une victoire qui servira de référence pour les 81 matchs encore à disputer. Car s'il est clair que le Canadien perdra quand même bien plus souvent qu'il ne gagnera au fil des 81 prochaines parties, personne ne reprochera à cette formation en reconstruction les revers qui s'accumuleront si les joueurs du Tricolore offrent un effort et un spectacle aussi satisfaisants qu'ils l'ont fait en lever de rideau de la saison.

 

Pourquoi le Canadien a eu le dessus sur des Maple Leafs pourtant bien plus forts?

 

  • Grâce aux mains de Cole Caufield;
  • Grâce à l'exceptionnelle qualité de jeu du jeune Kaiden Guhle et du vétéran David Savard;
  • Grâce au fait que tous les jeunes envoyés dans la mêlée mercredi n'ont pas cassé sous la pression;
  • Grâce à une décision prudente de Martin St-Louis;
  • Grâce aux 29 arrêts de Jake Allen dont l'un sur un tir de pénalité;
  • Grâce à la foule qui a joué un rôle important dans la victoire;

 

Caufield parmi les meilleurs

 

Cole Caufield a marqué le premier but de la saison pour le Canadien. Il a aussi marqué le deuxième. Deux buts qui ont fait la preuve par 1000 que le petit Américain occupe déjà une place au sein des tireurs d'élite de la LNH.

 

Ceux ou celles qui en doutent encore devraient aller demander à Matt Murray de commenter les deux buts que Caufield a marqués à ses dépens en lui passant la rondelle au-dessus de l'épaule gauche.

 

Mon collègue Chris Stevenson, qui suit les activités des Sénateurs depuis leur entrée dans la LNH, a souligné sur Twitter que les deux buts de Caufield rappelaient aux partisans des « Sens » que Murray avait des lacunes avec sa mitaine.

 

C'est peut-être vrai que Murray peine à capter des tirs avec sa mitaine. Sans doute même. Mais sur les deux tirs de Caufield, Andreï Vasilevskiy et Igor Shesterkin auraient eux aussi peiné à empêcher la rondelle d'aller se loger dans la lucarne.

 

Et le plus beau de l'affaire pour Caufield, c'est qu'il a marqué ces deux buts à forces égales, confirmant ainsi qu'il est en mesure de se démarquer et de contribuer autrement que simplement en attaque massive.

 

Pas question de placer tout de suite Cole Caufield dans la course pour le trophée Maurice-Richard. Pas question non plus, d'assurer qu'il deviendra dès cette année le premier joueur du Canadien à marquer 50 buts dans une saison depuis Stéphane Richer qui l'a fait deux fois dont la dernière en 1989-1990.

 

Mais quand on réalise que depuis le 10 février dernier, depuis le premier match dirigé par Martin St-Louis, Cole Caufield a marqué 24 buts en 38 rencontres, il est facile de prétendre qu'il pourra un jour atteindre le plateau des 50 buts et être dans la course au trophée du Rocket.

 

Tenez : depuis le 10 février dernier, seuls Auston Matthews (29 buts en 34 matchs), Kirill Kaprisov (28 buts en 40 matchs) et Elias Lindholm (26 buts en 39 matchs) ont marqué plus souvent que Caufield.

 

Avec ses 24 buts en 38 matchs, dont cinq seulement en avantage numérique, le franc-tireur du Canadien est sur un pied d'égalité avec Connor McDavid (24 en 39) et Tage Thompson (24 en 37). Caufield devance même Leon Draisaitl et Nathan MacKinnon qui revendiquent tous deux 23 buts en 37 et 35 matchs respectivement.

 

Ce n'est pas rien!

 

Guhle et Savard plus que solides

 

Employés au sein d'un premier duo et envoyés en pâture contre l'un des meilleurs trios de la LNH, David Savard et Kaiden Guhle auraient facilement pu être hachés finement par le trio Matthews-Marner-Bunting.

 

Il l'a d'ailleurs été sur le premier but.

 

Mais au terme du match, ce sont Savard et Guhle qui ont eu le dessus sur le premier trio des Leafs. Au fil des plus de 22 minutes qu'ils ont passées sur la patinoire, Guhle n'a jamais, ou presque, semblé en être à un premier vrai match dans la LNH. Et Savard n'a jamais, ou presque, démontré que c'est au sein du troisième duo et non d'un premier qu'il devrait évoluer.

 

De tout ce que Savard et Guhle ont fait de bien, un jeu me vient particulièrement en tête.

 

En deuxième période, alors que les Leafs effectuaient un bon échec avant, Kaiden Guhle a pris une bien mauvaise décision. Pressé dans son jeu, il a poussé la rondelle en direction de son partenaire derrière le but de Jake Allen. Savard était couvert. Il a été incapable de récupérer la passe. Avant que les Leafs n'aient le temps de profiter de la gaffe de Guhle, le jeune défenseur a replongé dans l'action pour venir corriger l'erreur qu'il venait de commettre.

 

Un jeu banal que vous dites?

 

Peut-être pour un Victor Hedman ou un autre vétéran qui reste de marbre quand il commet une bévue et qui sait qu'il est toujours possible de la racheter.

 

Mais pour une recrue, une recrue qui sort des rangs juniors, lors de son tout premier match en carrière, lors d'une soirée spéciale d'ouverture de la saison, c'est loin d'être banal.

 

« Le hockey est un sport d'erreurs. Ça arrive. Quand on en commet, il faut prendre les moyens pour les corriger », que Guhle a simplement expliqué.

 

Ce gars-là est non seulement excellent. Il a la qualité première requise pour être meilleur encore : il sait rester de marbre sur la glace.

 

Ce n'est pas seulement moi qui le dit. David Savard en a convenu lui aussi après la rencontre dans les commentaires élogieux à l'endroit de son partenaire.

 

« Il s'est excusé dès notre retour au banc. Il m'a dit qu'il a réalisé trop tard que j'avais un gars sur le dos. Mais il s'est bien repris. Il est très solide. Il est confiant. On se parle beaucoup et on se complète bien. Surtout, il ne se laisse pas déranger par ce qui arrive pendant le jeu », que Savard a commenté.

 

En passant, David Savard a bloqué neuf des 24 rondelles que les joueurs du Canadien ont stoppées sur des tirs des Leafs. Ce n'est pas seulement beaucoup, c'est énorme!

 

Slafkovsky, Harris, Xhekaj, Kovacevic

 

À l'image de Kaiden Guhle, les autres jeunes du Canadien ont bien fait dans le cadre du match d'ouverture.

 

Juraj Slafkovsky n'a rien cassé, mais il a été impliqué dans quelques belles poussées offensives et il s'est distingué à quelques reprises en zone défensive.

 

Un bon premier match pour le premier choix. Un premier match qu'il a amorcé avec un brin de retard. « Je suis entré en collision avec Kaiden [Guhle] en zone défensive en première période. On dirait que c'est là que je me suis réveillé. Je suis très content de la victoire. On n'avait pas encore gagné. Ça fait du bien. Ça change le courant dans le vestiaire », a indiqué Slafkovsky qui a reçu la visite d'un compatriote et ancien joueur du Canadien après la rencontre, alors que Richard Zednik est venu lui faire une accolade.

 

« C'est une grande vedette en Slovaquie. Je ne le connais pas personnellement, mais avec tout ce qu'il a fait avec notre équipe nationale lors des derniers Jeux olympiques, je suis convaincu qu'il réussira à s'imposer dans la LNH également. Il est tellement fort et solide bien qu'il soit encore très jeune », a souligné un Zednik grandement motivé par son retour dans le vestiaire du Tricolore où il a croisé le docteur David Mulder et le personnel de soutien qui était en place lors de son séjour avec le Tricolore.

 

« J'ai troqué les patins pour des raquettes de tennis, mais c'était tellement électrique dans le Centre Bell ce soir et c'était tellement plaisant de voir le Canadien gagner que j'aurais le goût de rechausser les patins et d'aller sauter sur la glace », que l'ancien ailier du Tricolore a lancé avec enthousiasme.

 

Si Guhle a été, et de loin, le meilleur chez les recrues du Canadien et que Slafkovsky a beaucoup retenu l'attention, il est important de dire que Jordan Harris, Arber Xhekaj et Johnathan Kovacevic ont aussi bien fait lors du premier match.

 

Harris a été solide dans tous les aspects du jeu. Il a cadré quatre des six tirs qu'il a décochés. Arber Xhekaj a été débordé à quelques reprises. Il s'est même rendu coupable d'un accrochage qui a coûté un tir de pénalité. Mais dans l'ensemble il a bien fait. Le jeune et imposant défenseur a distribué quatre mises en échec, mais c'est le nouveau venu Johnathan Kovacevic qui a été le plus généreux à ce chapitre avec six coups d'épaule.

 

Désavantage numérique efficace

 

Plus encore que les huit revers consécutifs, c'est la piètre efficacité du travail en désavantage numérique qui soulevait le plus d'inquiétude au fil des huit matchs préparatoires.

 

Mercredi, contre des Maple Leafs qui ont marqué 63 buts en 231 attaques massives l'an dernier, contre des Leafs qui ont terminé au premier rang de la LNH avec une efficacité de 27,3 %, le Canadien a été parfait en quatre désavantages.

 

Surprenant? Ô que oui! Comme lancerait M.C. Gilles…

 

Kaiden Guhle (3 min 43 s) et David Savard (3 min 40 s) ont bien sûr été grandement sollicités. Ils ont aussi été grandement efficaces. Mais il est impératif ici d'ajouter que Christian Dvorak (4 min), Johnathan Kovacevic (3 min), Evgeni Dadonov (2 min 49 s), Jake Evans (2 min 11 s) et Jordan Harris (2 min 8 s) ont aussi mis l'épaule à la roue.

 

Tout comme Jake Allen qui a réalisé quatre de ses 27 arrêts lors de désavantages numériques. Allen a été solide lors du premier match. On peut lui accorder une part de blâme sur le deuxième but alors qu'il a été généreux avec un retour, mais Nick Suzuki se devait de couvrir Denis Malgin au lieu de le laisser seul devant le filet où il a hérité de la rondelle pour ensuite la pousser dans le fond du filet sans être ennuyé.

 

La sagesse de Martin St-Louis

 

Bien que son équipe venait d'écouler quatre pénalités sans accorder de but, Martin St-Louis a affiché un brin de sagesse qui a peut-être contribué à la victoire de son équipe.

 

Lorsque William Nylander a nivelé les chances 3-3, 40 secondes seulement après que Sean Monahan eut marqué un but qui aurait pu devenir celui de la victoire avec seulement 150 secondes à faire au match, les reprises laissaient croire que les Leafs s'étaient rendus coupables d'un hors-jeu.

 

C'était serré, mais les reprises invitaient le Canadien à contester le but.

 

Mais Martin St-Louis s'est retenu.

 

« Les gars avaient été parfaits en désavantage jusque-là. Mais après quatre désavantages sans accorder de but, j'ai aussi pensé à la loi de la moyenne. Si je perdais [la contestation], non seulement le but était bon, mais je redonnais une attaque à cinq en fin de match aux Leafs. J'ai joué de prudence », que Martin St-Louis a plaidé après le match.

 

Sa décision a été la bonne. Car avec 19 secondes à faire, Josh Anderson a déjoué Matt Murray, encore du côté de la mitaine, et cette fois les Leafs n'ont pas eu le temps de revenir de l'arrière.

 

L'effet de la foule

 

Des nombreux facteurs expliquant la victoire du Canadien lors de son premier match, il serait bête de balayer du revers de la main l'impact de l'appui de ses partisans.

 

Et pas seulement pour souligner l'ovation que la foule a réservée à Carey Price lors de la présentation des joueurs avant le match. Une belle ovation. Une très belle ovation au cours de laquelle il semblait clair que les amateurs remerciaient leur gardien pour tout ce qu'il a accompli au fil des dernières années et que le grand gardien les remerciait en retour alors que la retraite forcée semble inévitable.

 

Mais en troisième période, quand il est devenu possible de vraiment croire à la victoire, la foule a vraiment poussé dans le dos de ses favoris.

 

C'était particulièrement évident lors du quatrième désavantage numérique alors que les partisans travaillaient aussi fort dans les gradins que les quatre joueurs du Canadien sur la glace.

 

« Je n'avais jamais entendu ce genre d'appui. Je n'avais encore jamais rien entendu d'aussi fort. Normalement, je suis capable de mettre de côté tout ce qui touche à l'ambiance. Je suis capable de rester concentré. Mais là, j'étais vraiment emporté par le mouvement de la foule. Ça me confirme une chose : Montréal, c'est vraiment spécial », que le jeune Arber Xhekaj m'a candidement avoué après la victoire.

 

J'aurais pu lui ajouter que Montréal, c'est très spécial en effet. Autant dans la frénésie de la victoire que dans l'agonie des défaites. Mais il aurait été bête de gâcher un aussi beau moment pour la recrue. Surtout qu'il risque d'apprendre bien assez vite, l'autre côté de la médaille.