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La NCAA au Vermont : la grande séduction de Todd Woodcroft

Todd Woodcroft Todd Woodcroft - Courtoisie - Université du Vermont
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BURLINGTON, Vermont – Au Gutterson Fieldhouse, les traces les plus tangibles de succès sont accrochées au plafond et témoignent des réussites d'une autre époque.

À côté du tableau indicateur, une grande bannière commémore les douze joueurs formant l'équipe étoile du temps où l'équipe masculine des Catamounts de l'Université du Vermont évoluait dans la Eastern College Athletic Conference (1974-2005). Les noms de Martin St-Louis, Éric Perrin et Tim Thomas, qui ont quitté le programme en 1997, sont les plus récents à y avoir été ajoutés.

Les Catamounts ont célébré leur dernier titre de champion de leur conférence en 1996. Leur dernière participation au tournoi de fin d'année de la NCAA date de 2014. Ils n'ont pas terminé une saison avec une fiche gagnante depuis 2017. Leur fiche de 9-16-5 avec quatre matchs à disputer à la saison 2022-2023 les place au 11e et dernier rang du classement de leur section.

La lourde mission de renverser la vapeur revient à Todd Woodcroft, qui a occupé divers postes – notamment ceux de responsable du recrutement et d'entraîneur-adjoint – pour cinq organisations de la Ligue nationale durant deux décennies. L'homme de 50 ans a pris la relève de Kevin Sneddon il y a trois ans. « Mais on est dans la deuxième année de notre plan! », précise-t-il, rappelant les circonstances atténuantes de son embauche dans un contexte de pandémie.

La tâche à laquelle il s'est attaquée n'est pas mince. L'Université du Vermont évolue maintenant dans la conférence Hockey East, l'une des plus relevées du réseau universitaire américain. Les Catamounts sont en compétition directe avec des équipes qui comptent jusqu'à douze joueurs repêchés par des équipes de la Ligue nationale et qui, en raison du succès qui en découle, ont plus de facilité à attirer des joueurs de talent.

Cet engrenage était au point mort au Vermont lorsque Woodcroft y est arrivé après avoir décroché son premier job d'entraîneur-chef. Pour le mettre en marche, il n'a eu d'autre choix que de se montrer créatif.

« Le recrutement, c'est littéralement une guerre, expliquait l'énergique entraîneur lors du passage de RDS dans les installations du Vert et Or la fin de semaine dernière. Nos journées sont une succession de petites batailles. Et présentement, il faut être réaliste : on ne remportera pas beaucoup de batailles dans la région de Boston. »

À court d'arguments pour convaincre les plus beaux espoirs locaux, Woodcroft a pris la décision non-conventionnelle de se tourner vers l'Europe. L'initiative est née d'une contrainte, soit l'incapacité des entraîneurs universitaires de se déplacer pour recruter en personne au plus fort de la crise sanitaire. Mais elle a pris de l'ampleur grâce aux nombreuses relations qu'avait soignées Woodcroft au cours de sa carrière au niveau professionnel.

En plus de ses mandats dans la LNH, le diplômé de l'Université McGill a déjà été gestionnaire dans la KHL en plus de diriger au sein des sélections du Bélarus, de la Suisse et de la Suède aux championnats du monde et au Mondial junior.

« J'ai des contacts partout. Alors on est partis à la "chasse" – j'imagine que c'est le mot que j'utiliserais – pour trouver des jeunes qui voulaient devenir des professionnels, qui aspiraient à jouer dans la LNH. On a donc ciblé les équipes nationales des moins de 20 ans. »

Stratégiquement, Woodcroft a aussi travaillé pour placer ses adjoints au sein de certaines sélections nationales. L'un d'eux s'est joint à l'équipe slovaque, un autre avec la Norvège, un autre avec la Lettonie. « Tout ça, c'était calculé. Je sais qu'un joueur qui sort de ces pays risque de ne pas être familier avec le hockey de la NCAA. Mais au moins, il connaitra notre programme grâce à ces liens qu'on aura bâtis. »

Plusieurs clubs européens voyant d'un mauvais œil la possibilité de perdre sans dédommagement un jeune qu'ils ont formé, Woodcroft s'est buté à une certaine résistance dans ses démarches. « C'est une guerre là-bas aussi! », constate-t-il. Mais son travail a porté fruits.

Cette saison, neuf des 28 joueurs composant l'effectif des Catamounts sont Européens : deux Finlandais, deux Suédois, un Kazakh, un Russe, un Allemand, un Slovaque et un Letton. Dans la Hockey East, seuls les programmes de Merrimack (8) et Mass-Lowell (7) ont pris le même engagement envers la filière européenne. Northeastern ne compte aucun patineur d'outre-mer dans ses rangs, Boston University un seul.

Pour vendre le rêve américain à ses prospects européens, Woodcroft leur explique que 38% des joueurs de la LNH ont fait leurs classes dans la NCAA. Il est aussi fier de dire que près de la moitié de ses gars ont reçu une invitation dans un camp de développement d'une équipe de la LNH l'été dernier. « Et un autre truc cool, c'est que 100% de nos diplômés qui ont exprimé le souhait de jouer professionnellement depuis que je suis arrivé ont obtenu un contrat en sortant. »

Les Catamounts comptent présentement cinq joueurs qui ont été repêchés par une équipe de la LNH, quatre de plus que lors de l'arrivée de Woodcroft sur le campus. Les quatre sont des Euros qu'il a dénichés.

Reconquérir le Québec

Par temps doux, si on peut éviter l'attente aux douanes, il faut moins de deux heures pour relier Montréal et Burlington. Historiquement, la province voisine a longtemps été un terreau fertile pour les Catamounts. Les passages de St-Louis, Perrin et Dominique Ducharme ont été bien documentés, mais de nombreux autres Québécois ont connu une carrière universitaire fructueuse dans le Green Mountain State.

Louis Côté y a assez bien fait à la fin des années 1970 pour être aujourd'hui le quatrième Québécois dans l'équipe d'étoiles de l'institution. Roger Mallette, de Vaudreuil, est le septième meilleur compteur de son histoire. L'édition 1993-94, dont St-Louis était la vedette, comptait sept Québécois, dont le capitaine Nicolas Perreault de Warwick. Torrey Mitchell, de Greenfield Park, y a excellé après avoir été repêché par les Sharks de San Jose en 2004.

Aujourd'hui, le Vermont n'est plus la destination de choix des jeunes du Québec qui décident de s'exiler aux États-Unis. William Lemay, de Marieville, et le Montréalais Massimo Lombardi sont présentement les seuls représentants de la Belle Province dans le vestiaire des Catamounts.

« Les écoles n'ont plus le bénéfice d'aller piger allègrement dans leur cour arrière comme c'était possible dans les années 1990 et au début des années 2000, constate Woodcroft. Auparavant, une équipe avait son territoire et y dénichait la plupart de ses joueurs. Ça ne fonctionne plus comme ça. »

Ça ne veut pas dire que Woodcroft, qui se débrouille plutôt bien en français, n'ambitionne pas de rallier davantage de Québécois à son projet. Déjà, il y a deux ans, il nous faisait part de son intention de s'interposer dans le canal qui permet depuis des années à l'Université Northeastern de s'alimenter dans la région du Lac-St-Louis, dans l'ouest de Montréal.

Mais il faut être fait fort pour rivaliser sur ce terrain. Le gardien vedette Devon Levi s'était engagé envers les Catamounts avant de faire volte-face et d'accepter l'offre de Northeastern. L'attaquant Lucas Mercuri, qui évolue à l'Université du Massachusetts, a fait la même chose. Le Montréalais Dovar Tinling, qui était débarqué au Vermont à l'âge de 17 ans, a fini par retourner au niveau junior et sera de retour dans la NCAA avec RPI la saison prochaine.

Malgré ces déceptions, Woodcroft n'a pas l'intention de lâcher le morceau. Le gardien Daniel Héroux, qui joue présentement dans une école préparatoire du New Hampshire, s'est engagé à arriver au Vermont pour la saison 2024-2025. « Et on travaille présentement sur un autre bon joueur. Un très bon joueur », promet l'entraîneur.

« Mais ces joueurs, les autres équipes les veulent aussi. La meilleure chose qu'on peut faire pour les convaincre, c'est de commencer à gagner. On s'est amélioré en deux ans, mais on n'est pas encore une équipe qui peut aspirer à un championnat. Je pense qu'on y sera d'ici deux ans. C'est comme ceux qui ont investi dans Apple avant que ça ne devienne la grosse affaire. On veut des joueurs qui veulent faire partie de ce plan. »