Le nouveau « pourquoi » de Maxim Noreau
Après 17 ans à gagner sa vie comme hockeyeur professionnel, dont 11 saisons dans la Ligue nationale suisse, Maxim Noreau rentre à la maison.
Étonnamment, la retraite n'est pas le résultat d'une longue et déchirante réflexion. Au contraire, rien ne laissait présager cette décision avant décembre dernier, alors que le défenseur de 36 ans se retrouve sur la touche quelques semaines en raison d'une fracture à un doigt nécessitant une opération.
« J'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir à ce que j'allais faire après ma carrière. Je voulais être préparé. Je suis quelqu'un qui aime bouger et qui aime être occupé. J'ai commencé à faire des appels pour savoir où commencer et les offres se sont enchainées. Le but ultime a toujours été de revenir au Québec », raconte-t-il en pleine organisation du déménagement qui le ramènera prochainement sur la Rive-Sud de Montréal avec sa femme et ses deux fils de cinq et sept ans.
L'athlète conclut son ultime campagne avec le club de Rapperswill-Jona, basé en banlieue de Zurich, au début du mois de mars. L'organisation lui réserve un traitement royal pour son dernier match à domicile.
« Je ne m'attendais pas à ça! L'équipe a fait venir ma famille dans la chambre. Mes deux petits garçons ont lu la formation partante. C'était dur en émotions avant le match. On a gagné. Les partisans sont restés dans l'aréna après pour me dire au revoir. Ça a été un des tours de glace les plus durs de ma carrière. »
Deux jours plus tard, lors de la dernière partie de la saison à Lugano, ses coéquipiers arborent des t-shirts à son effigie. Après la rencontre, il accorde une entrevue émotive sur la patinoire. Les yeux dans l'eau, il exprime son amour pour ses coéquipiers et son pays d'adoption. « La Suisse était notre chez-nous », déclare Noreau la voix nouée.
C'est dans ce pays qu'il a fondé sa famille avec sa femme Karine qui l'encourage depuis les rangs juniors. C'est aussi en Suisse qu'il s'est forgé une brillante carrière, loin du rêve nord-américain. Il y a défendu les couleurs de quatre équipes, dont Berne avec qui il a remporté un championnat. Il a également représenté le Canada dans différents événements incluant six tournois de la Coupe Spengler, quatre couronnés d'or, et deux Jeux olympiques, dont Pyeongchang où le pays a récolté la médaille de bronze. Un tableau de chasse étincelant pour un défenseur qui n'a jamais été repêché dans la LNH. L'ancienne gloire des Tigres de Victoriaville a disputé 300 matchs dans la Ligue américaine pour le Wild et l'Avalanche, mais seulement six matchs dans le circuit Bettman pour le compte du Minnesota.
Trouve ton pourquoi
« Il y a eu beaucoup de moments où j'aurais pu lâcher ou dire que c'était la faute des autres. Ça aurait été la façon facile de faire parce qu'il y a beaucoup de monde qui l'a pensé pour moi. »
Parmi ceux-ci, on compte l'éminent Sean Burke, directeur général de l'équipe canadienne aux Olympiques de 2018.
« Il a dit qu'il ne pouvait pas croire qu'une équipe de la LNH ne m'ait pas donné une plus grande chance. »
Le Montréalais admet que cette déclaration lui a fait un petit velours, mais rien pour le faire dévier de sa trajectoire.
Maxim a forgé chaque étape de sa carrière avec une motivation bien définie, ce qu'il appelle son « pourquoi ». La publication soulignant sa retraite sur les réseaux sociaux détaille son parcours:
« Au départ, c'était pour me rendre à la LNH. Ensuite c'était pour le salaire. Puis, pour la fierté et l'héritage. Finalement, c'était pour ma famille et la stabilité. »
Dans les dernières années, il a souvent partagé cette philosophie auprès de ses plus jeunes coéquipiers, insistant sur le fait qu'il n'y a pas de honte à jouer pour le chèque de paye.
« Pourvu que tu viennes à l'aréna, que tu ne joues pas pour toi, mais pour l'équipe, que tu m'amènes le meilleur de toi-même, je me fous de pourquoi tu es là», déclare le vétéran.
Son parcours en montagnes russes jumelé à ses qualités de leader semblent avoir forgé le prochain «pourquoi », soit aider la nouvelle génération de hockeyeur.
La suite déjà en branle
Le jeune retraité revient au Québec avec la ferme intention de développer sa plateforme Noreau Hockey. Ce qui a débuté avec des capsules web se transposera bientôt sur la patinoire.
« Il y a quelque chose de profond dans mon coeur qui veut aller chercher des joueurs que j'appelle le pourcentage de 20 à 50. Ils ne sont pas dans le top-20% et on leur prête moins d'attention. Ça leur prend peut-être juste quelqu'un qui va trouver quelque chose en eux. Au début de ma carrière, j'ai été sous-estimé. Je veux revenir au Québec et faire le maximum pour développer, surtout des défenseurs et des techniques de lancers. »
En juin, il se rendra à Calgary pour obtenir une certification de Hockey Canada destiné aux entraîneurs de niveau élite. Seulement une dizaine de personnes ont été sélectionnées pour participer au programme. Il espère œuvrer auprès de différentes organisations, dont Hockey Québec et la LHJMQ. Pourrait-on le voir derrière un banc éventuellement?
« Absolument. J'ai eu plusieurs offres en Europe. J'ai d'ailleurs dit à ma femme “Je pense qu'il est temps d'arrêter quand tu te fais offrir plus de jobs de coachs que de joueurs.” Il y a peut-être un message! », lance-t-il en riant.
En plus de l'emballer, ses nombreux projets l'aident à clore le chapitre du hockey professionnel. Il avoue être moins affecté que ce qu'il appréhendait.
« Le fait que j'ai des opportunités dans le hockey, où je peux encore mettre mes patins, être sur la glace avec des joueurs, surtout des plus jeunes, les entourer à l'âge où moi j'aurais aimé avoir plus de suivi pour me préparer pour les professionnels, ça rend le deuil un peu plus facile. »
David Reinbacher : un avenir prometteur
Maxim a eu l'occasion d'affronter David Reinbacher lors du dernier match entre Rapperswil-Jona et Kloten cette saison. Il rappelle d'emblée que le défenseur évoluait pour une des pires équipes de la ligue, dans un environnement loin d'être idéal.
« De ce que j'ai vu, il a le sens du jeu. Il jouait déjà sur le premier avantage numérique et bougeait bien la rondelle. Venir en Amérique du Nord, être mieux encadré, jouer avec de meilleurs joueurs autour de lui, ça aide beaucoup au développement. S'il veut être un étudiant et une éponge, il n'aura pas besoin d'un coach dans son oreille pour toujours lui parler. De ce que je vois, il a assez de compétences côté sens du hockey pour que son niveau de jeu s'améliore rapidement. »
Son premier conseil pour la recrue est de trouver son fameux « pourquoi » afin de limiter tout ce qui pourrait le distraire de son objectif.
« Si son but ultime est de jouer dans la LNH, les seules personnes qu'il devrait écouter sont les coachs et les dirigeants des Canadiens. »
En bon vétéran, il conseille également à Reinbacher d'avoir la mémoire courte.
« À la fin de la journée, personne ne va s'en rappeler. Dans les milliers d'erreurs que j'ai faites dans mes matchs, je prends ma retraite et personne n'en parle. Pourquoi se concentrer sur ces affaires-là? Joue au hockey, amuse-toi, trouve ta raison d'être là. »