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Le parcours fulgurant d'Antoine Bujold-Roux

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Cinquante mille km de route par année. L'équivalent de compléter onze fois le trajet entre le Centre Bell et le Rogers Arena, domicile des Canucks de Vancouver. C'est aussi la distance parcourue par le juge de lignes Antoine Bujold-Roux durant la saison de hockey. 

L'horaire du Québécois compte environ 90 matchs partagés entre la Ligue américaine (AHL), la ECHL et depuis peu, la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF). La feuille de route du jeune homme de 23 ans se garnit à une vitesse folle, depuis ses premiers pas dans l'arbitrage vers l'âge de 16 ans. 

« Je suis un passionné de hockey, mais je ne pensais jamais être de ce côté là », raconte le natif de Saint-Augustin-de-Desmaures, dans la région de Québec. Le paternel étant membre des Forces armées canadiennes, la famille a multiplié les déménagements. Antoine a passé son enfance à Saguenay, puis son adolescence dans la région de Washington D.C. et celle d'Ottawa. 

C'est là qu'il a eu la piqûre pour la profession d'officiel. « Chaque partie est différente, ça m'a accroché dès le départ. L'adrénaline qu'un match peut nous apporter, même dans les jeunes niveaux, c'est ce qui m'a poussé à continuer. »

Il gravit les échelons sur les patinoires ontariennes. Sa progression vers le Midget AAA, le Junior A (l'équivalent du Junior AAA au Québec) et au hockey universitaire se fait en parallèle de son baccalauréat en communications et médias à l'Université Carleton, située dans la capitale fédérale.

Assez rapidement, le rôle de juge de lignes s'impose comme la voie à suivre. Au-delà des hors-jeux et dégagements refusés, c'est le rôle de médiateur dans le feu de l'action qui intéresse Bujold-Roux. « On doit essayer de gérer la température du match. Un bon juge de lignes va essayer d'avoir des conversations un peu difficiles avec des joueurs pour rendre l'emploi de l'arbitre plus facile. Il faut être un bon communicateur et essayer de faire voir notre côté des choses. »

Pour y arriver, une grande partie du travail se fait avant de sauter sur la glace, alors qu'il s'assure de connaitre les formations et les joueurs sur le bout de ses doigts. « Évidemment, une équipe qui a gagné trois matchs de suite va être d'une humeur différente que celle qui en a perdu cinq. Parler aux joueurs avec leurs prénoms, et non leurs numéros ou leurs noms de famille, c'est quelque chose que je pense qu'ils apprécient aussi. »

Une entrée rapide chez les professionnels

En 2021, le jeune homme se sent prêt à faire le saut dans le junior majeur en Ontario, mais les choses se bousculent. « Je travaillais dans un camp d'été et j'ai reçu un appel du New Jersey. C'était mon futur patron de la ECHL qui m'offrait un contrat » se remémore-t-il en souriant.

La ECHL est composée de vingt-huit équipes, affiliées à des clubs de la LNH, majoritairement établies aux États-Unis. Les Lions de Trois-Rivières et les Growlers de Terre-Neuve sont les exceptions canadiennes. Le circuit possède des appartements dans quatre régions américaines, où des officiels sont logés pour s'assurer d'une répartition adéquate des ressources. Antoine s'installe à Greenville, en Caroline du Sud, à l'automne 2021. Contrairement aux arbitres qui voyagent en avion, les juges de lignes se déplacent en voiture. La valse des kilomètres s'amorce, principalement vers Atlanta, Orlando et Jacksonville.

« J'avais 21 ans. C''était la première fois que je déménageais de chez moi et que j'habitais avec un co-chambreur. J'ai grandi très rapidement. On apprend vite quand on est sur la route, puisque ça prend de la discipline pour tout planifier. »

Le rythme et les enjeux de chaque partie sont bien différents que dans les rangs mineurs. « Dans le hockey professionnel, les joueurs gagnent leur vie. Ils nourrissent leur famille avec l'argent qu'ils font là-dedans. Tout le monde joue pour un contrat. C'est aussi très demandant parce qu'il faut que tu sois à 100% chaque soir. Parfois, avec le voyage, c'est dur sur le corps, surtout quand tu fais trois matchs en trois soirs » illustre le passionné, en soulignant l'importance d'écouter les conseils des superviseurs et officiels plus expérimentés. 

Sa rigueur est rapidement payante. En janvier 2022, à peine quelques mois après ses débuts dans la ECHL, son téléphone sonne à nouveau. Son patron l'informe qu'il a été engagé dans la AHL et que sa charge de travail sera désormais partagée entre les deux ligues.  « Je vais toujours me rappeler de cet appel et d'où j'étais quand je l'ai reçu. C'était un but que j'avais envers moi-même. J'ai appelé mes parents et mon frère pour leur annoncer. C'était un beau moment. »

La famille d'Antoine suit d'ailleurs sa carrière d'aussi près que s'il était un joueur aux portes de la LNH. « Ça me fait vraiment chaud au coeur. Mes parents et mon grand-père regardent chacune de mes parties. Il n'en manque pas une. Après chaque match, j'ai droit à un texto qui récapitule comment ils m'ont trouvé, mais c'est toujours positif! Je suis vraiment chanceux d'avoir leur support, peu importe où j'habite. »

L'arbitrage: des expériences et des rencontres

Après Greenville, le Québécois est passé par le Kentucky avant de déposer ses valises à Albany, dans l'état de New York pour se rapprocher de plusieurs marchés de la AHL, le circuit occupant désormais 70% de son temps.

Depuis quelques semaines, il gravite également dans l'univers du hockey féminin avec l'arrivée de la LPHF. Il était d'ailleurs en fonction lors du match inaugural de la saison qui s'est déroulé le 1er janvier à Toronto, un moment historique qu'il n'oubliera pas de sitôt. « Quand Jayna Hefford et Billy Jean King ont marché sur la glace pour la mise en jeu protocolaire, l'ovation, les visages des joueuses et de ces deux pionnières... On en parlait entre officiels après et on avait la chair de poule! »

Alors que les exemples de dérapages d'entraineurs et de parents à l'endroit d'officiels mineurs font souvent les manchettes, Bujold-Roux encourage les jeunes à tenter l'expérience. « Je trouve toujours que c'est un des meilleurs emplois étudiants à avoir, peu importe le niveau. » Selon lui, il est possible d'avoir beaucoup de plaisir et de faire des rencontres enrichissantes. « Mon cercle d'amis proches vient majoritairement de l'arbitrage. Il y a beaucoup de bonnes personnes dans ce monde-là. »

Le juge de lignes en fait assurément partie. Passionné, rigoureux, fonceur, il semble posséder tous les atouts nécessaires pour accéder au rêve ultime, soit la LNH. Antoine Bujold-Roux est assurément un nom à retenir.