Eagles : « Est-ce qu'ils sont corrects? »
MONTRÉAL – Jon Goyens a d'abord pensé aux parents de chacun de ses 23 joueurs. À ces 23 familles sans nouvelles de leurs garçons qui commençaient peut-être à paniquer.
« Est-ce qu'ils sont corrects? », s'est inquiété le nouvel entraîneur-chef des Eagles du Cap-Breton dans les heures qui ont suivi le passage de l'ouragan Fiona à Sydney en Nouvelle-Écosse, le 23 septembre dernier.
Du sous-sol de la résidence occupée par son patron Sylvain Couturier, où il avait trouvé refuge plutôt que de s'exposer aux puissants vents du haut de sa chambre du septième étage d'un hôtel érigé en bordure de l'eau, Goyens a également craint pour sa sécurité au plus fort des intempéries.
« Il y a quelque chose qui m'a réveillé vers 5 h du matin. C'est là que j'ai réalisé qu'on n'avait plus d'électricité. On était vraiment dans le noir et j'entendais le vent comme je ne l'ai jamais entendu avant. Et là, toutes les idées ont commencé à me passer par la tête. Qu'est-ce qu'il va nous arriver? Est-ce qu'on va être corrects? Est-ce que le toit va s'envoler? Est-ce qu'un arbre va tomber sur nous autres? »
De temps à autre en matinée, Goyens a jeté un coup d'œil à l'extérieur pour s'assurer qu'aucun danger imminent ne les guettait, qu'aucun arbre à proximité ne menaçait de leur tomber dessus.
« Je n'ai jamais vu des arbres brassés comme ça ou bougés comme ça. Jamais, jamais, jamais, jamais... C'était violent. »
À sa sortie de la maison pour une promenade le dimanche suivant en après-midi, Goyens a pu constater l'ampleur des dégâts. Si certaines parties de l'île du Cap-Breton ont été épargnées, d'autres y ont goûté.
Un arbre déraciné par l'ouragan Fiona à Sydney en Nouvelle-Écosse.« Les arbres n'étaient pas juste tombés, ils étaient complètement déracinés. [L'amas] de terre et de gazon arraché était tellement gros que si je me mettais à côté, il était plus grand que moi. »
« Dans certaines rues, il y avait des câbles électriques par terre et sur les trottoirs. On recevait des alertes semblables à une alerte Amber qui nous avisaient d'éviter certains secteurs de la ville parce qu'il y avait des câbles partout par terre et que c'était dangereux de s'y promener. »
De quoi compliquer encore plus la tâche de Goyens et Couturier qui, sans électricité et malgré un réseau cellulaire défaillant, tentaient de confirmer que chacun de leurs protégés était sain et sauf dans leur famille de pension respective.
« C'était vraiment difficile de savoir si tout le monde recevait nos messages textes. On essayait d'appeler du monde, mais ce n'était pas clair ou ça ne marchait même pas. Ça, c'était difficile, parce qu'on était dans une situation où on n'était pas vraiment supposé de se promener, mais on ne connaissant pas la situation de tout le monde », a raconté Goyens, indiquant au passage que le réseau cellulaire connaît encore des ratés près de deux semaines plus tard.
« Ç'a pris du temps avant d'avoir la réponse de tout le monde. Même ma femme et certains de mes amis ont tenté de me joindre, mais ils n'y parvenaient pas. Je ne pouvais pas répondre à personne. Quand l'électricité est revenue à l'hôtel, puis le Wi-Fi trois ou quatre jours plus tard, j'avais 50 textes et 20 appels manqués, mais je ne savais pas quand ils avaient été envoyés. »
Une équipe sans domicile
Une fois assuré que tous les membres de son équipe étaient en sécurité et qu'aucun d'entre eux n'avait été blessé durant l'ouragan, Goyens a pu renouer avec ceux-ci en les conviant à une activité d'équipe pour le moins inattendue, trois jours après le passage de Fiona.
La patinoire des Eagles étant complètement fondue en raison de la panne d'électricité au Centre 200, l'équipe devait transporter son équipement dans l'aréna de la Première Nation de Membertou, située à proximité et épargnée par les pannes de courant.
« On a été capable de joindre tous les joueurs pour leur dire de venir nous rejoindre à notre aréna, dans le noir. On est allé chercher notre équipement et on a fait ça en équipe, avec toutes nos autos. »
Bien installés dans leurs nouveaux quartiers pourvus de deux patinoires, les Eagles n'ont toutefois pas chaussé immédiatement les patins. Là n'était pas la priorité.
« On n'était pas là pour pratiquer ou embarquer sur la glace. On voulait d'abord savoir comment tout le monde allait. Qui a besoin de quoi? Qui est dans le noir? Qui n'a pas d'électricité? Qui n'a pas Internet? Qui n'a pas communiqué avec ses parents? C'est là que les gars nous ont demandé : "Hey coach, est-ce que je peux prendre ma douche? Je sais qu'on n'a pas pratiqué, mais est-ce que je peux rester ici un peu, je n'ai pas d'Internet?" »
Le club de Goyens s'est finalement entraîné pour une première fois le 27 septembre, quatre jours après la visite de Fiona.
« Ils ont vraiment fait abstraction de tout ça. Ils sont arrivés à l'aréna et pendant la pratique, l'enthousiasme, l'éthique de travail, le niveau de compétition, le fun... c'était incroyable à voir. »
Plutôt que de retraiter ensuite chacun de leur côté et de se tourner les pouces dans le noir de leur pension, les joueurs des Eagles ont dans les jours suivants été invités par l'entraîneur adjoint Nick MacNeil, un ancien joueur des Eagles originaire de la région, à prêter mains fortes à la communauté éprouvée en préparant des repas.
« Quand on leur a proposé ça, il n'y a pas eu de : "Ah non, come on!" Ç'a plutôt été : "Oui. Où? Quand? Combien ici et combien là?" On a fait quatre places en deux jours. La participation et l'enthousiasme des gars, ç'a été bien apprécié par tout le monde. »
Après avoir vu leurs trois premiers matchs de la campagne être reportés, les Eagles ont finalement lancé leur saison samedi dernier sur la patinoire des Mooseheads d'Halifax, à l'occasion de l'ouverture locale de ceux-ci. Énergique, la troupe de Goyens n'a rien laissé paraître de la fatigue dont elle aurait été en droit d'être affligée après une semaine aussi mouvementée. Prenant les devants trois fois dans la rencontre, les Eagles se sont finalement inclinés 5-4 en prolongation devant la puissance des Maritimes.
« Une des choses dont on a discuté, c'est de ne pas laisser les circonstances nous marquer ou nous donner des excuses, parce que ce serait trop facile. [...] Il y avait à peu près 10 000 personnes pour le match d'ouverture d'Halifax. On s'est donné la meilleure chance de gagner. On a perdu en prolongation, mais je peux dire qu'au moins, quand ils étaient déçus d'avoir perdu, ils avaient mérité d'être déçus parce qu'ils ont tout fait pour gagner. »
Un quatrième match des Eagles, devant être disputé mercredi au Centre 200 contre les Tigres de Victoriaville, a été reporté cette semaine, si bien que l'équipe jouera ses deux prochains matchs face au Titan à Bathurst vendredi et samedi. Ils devraient enfin retrouver leur domicile le 13 octobre pour la visite des Islanders de Charlottetown.