Nikita Prishchepov et Egor Goriunov n'ont pas vu leur famille depuis 3 ans
MONTRÉAL – En débarquant, à 17 ans, à Victoriaville, Nikita Prishchepov et Egor Goriunov n'auraient jamais imaginé qu'ils ne retourneraient pas dans leur pays et ne verraient pas leur famille pendant près de 3 ans!
En quittant la Russie, à l'été 2021, Prishchepov et Goriunov se lançaient dans une grande aventure qui nécessitait des sacrifices. Mais ils n'auraient jamais pu imaginer que la COVID-19, durant la première année, et le déclenchement de la guerre contre l'Ukraine les priveraient d'un câlin de leur mère, d'une soirée en famille ou d'une activité avec leurs amis pendant trois longues années.
« C'est quand même difficile et un peu triste [d'être éloignés de nos proches], mais on peut profiter de notre temps ensemble. Ça reste que ce n'est pas évident d'être ici sans notre famille », a convenu Goriunov, le plus sérieux du duo russe des Tigres.
S'habituer à la vie dans la région de la poutine et du sirop d'érable aurait pu avoir un goût amer en solitaire. Leur situation identique a forgé une relation qui dépasse désormais l'amitié.
« On ne se connaissait pas avant d'arriver au Canada, on est devenus des amis ici. Ça fait déjà trois ans qu'on est tout le temps ensemble et qu'on n'a pas été ailleurs; on est comme des frères! », a lancé Prishchepov avec un sourire illuminant le visage de son compatriote.
Au moment de s'expatrier, Goriunov était celui qui partait en mission et qui parlait quelque peu anglais. Prishchepov était le farceur, mais surtout celui qui était « zéro, zéro » en anglais, de son propre aveu.
En suivant des cours d'anglais depuis leur arrivée à Victo, ils ont fait des pas de géant. Ils ont également assimilé du français. Et ce répertoire grandissant de mots aide au quotidien dans les parages du Colisée Desjardins.
« Les gens ont toujours l'air heureux en nous reconnaissant. On ne comprend pas tout ce qu'ils disent, mais on échange des sourires », a évoqué Goriunov.
L'environnement de Victoriaville a été une belle terre d'accueil pour eux. Ça n'empêche pas qu'ils auraient voulu retourner en Russie, en dépit de la guerre, pendant quelques semaines.
« Bien sûr que j'y ai pensé, on veut voir notre famille. J'espérais pouvoir y aller malgré cela », a mentionné Prishchepov qui a choisi la prudence après discussion avec son entourage, son agent et le directeur général Kevin Cloutier.
« On a eu des occasions de rencontrer notre famille dans d'autres pays comme à Cuba. Moi et Egor, on devait aller rencontrer nos familles là-bas, mais on a seulement reçu nos visas à la fin du camp d'entraînement. On a fini par se dire que c'était correct, qu'on allait être patients. On sait pour quelle raison on fait ces sacrifices », a-t-il ajouté avec sagesse.
Pour Prishchepov, cette déception a été le moment le plus difficile et la peine se lit dans son visage via Zoom. Quant à Goriunov, sa mère devait venir le visiter, mais le conflit retarde le processus de son visa.
Présentement, les Tigres mènent 2-0 leur série de première ronde contre les Cataractes de Shawinigan. Si tout se passe comme prévu, les deux copains devraient, enfin, pouvoir visiter leur pays et leur famille.
« On espère, cet été, après les séries, qu'on pourra aller voir nos familles pour quelques semaines. Mais, bien sûr, on ne sait jamais avec ce qui se passe là-bas », a noté Goriunov.
On ne peut que leur souhaiter.
Pour l'instant, la seule certitude, c'est que les deux jeunes hommes ont énormément grandi depuis leur première journée en sol québécois.
« On a choisi d'être ici et de faire le sacrifice de ne pas voir notre famille pour jouer au Canada. Je ne sais pas si j'ai tant grandi, mais quand j'appelle mon frère, il est maintenant bien plus grand. Quand je vais le revoir, j'espère qu'il ne sera pas plus grand que moi », a été capable de dire Prishchepov en souriant.
« Je suis convaincu qu'on a grandi, on avait 17 ans à notre arrivée. On est heureux d'être ici, mais c'est juste un peu triste de voir que tes parents vieillissent et que des proches ont eu des enfants », a décrit Goriunov.
Au hockey junior majeur, les familles de pension jouent un rôle crucial dans le bien-être des joueurs. Mais cette responsabilité a décuplé dans leur cas.
« Je suis très reconnaissant, car ils ont vraiment bien pris soin de moi et ils ont tout fait pour que je me sente à l'aise. Habituellement, les joueurs retournent à leur maison durant l'été, mais je devais rester. Je vis avec eux depuis trois ans et je suis très heureux. Je ne parlais pas anglais à mon arrivée et ça ne devait pas être évident pour eux. Ils sont ma deuxième famille », a remercié Prishchepov.
« Je suis vraiment dans une belle famille, j'étais un enfant en arrivant ici. Ils m'ont aidé avec tout ce dont j'avais besoin et leur nourriture est excellente. Ils vont me reconduire et ils rendent ma vie plus heureuse », a enchaîné Goriunov.
« Ils n'ont jamais montré signe de faiblesse »
Mallette regarde ce portrait, après trois ans, et voici les mots qui l'animent.
« L'évolution de l'être humain, pour les deux, est incroyable. C'est l'une de mes fiertés », a cerné l'entraîneur sur deux piliers de son club.
Au fil des ans, l'entraîneur des Tigres, Carl Mallette, s'était attaché à d'autres Russes comme Vitaly Abramov, Egor Serdyuk et Mikhail Abramov.
« Ces deux joueurs, je les aime autant. Ça fait trois ans que je passe avec eux et je vois tous les sacrifices effectués. Ils comprennent mon sérieux et on peut aussi lâcher notre fou », a-t-il poursuivi.
Étant donné que leurs atouts sont également complémentaires sur la glace, Mallette les a souvent réunis sur le même trio et il a trouvé une manière amusante de surnommer celui qui complète leur unité.
« Je fais toujours la blague que s'ils jouent avec (Maxime) Pellerin, il devient Pellerinov ou Larosov s'ils sont avec (Justin) Larose. Ils ont ce sens de l'humour et ils comprennent aussi que je ne veux pas qu'ils parlent uniquement dans leur langue pour que l'autre se sente bien », a raconté Mallette.
Tout ce bagage a cultivé une belle maturité.
« C'est clair et c'est bien de le dire, il faut que ça serve d'exemple pour les autres. Quand ça va mal, on est tous pareils, on s'apitoie sur notre sort. Eux, ils n'ont jamais montré signe de faiblesse.
« Ils sont comme des enfants adoptés pour nous et moi, ils fittent et c'est beau à voir », a conclu Mallette alors que, autre preuve à l'appui, Goriunov et Prishchepov ont trouvé une copine en sol canadien.
*Avec la collaboration de Stéphane Leroux pour l'idée