Dans la tête de Marc Denis
« Pis Marc, est-ce que les Canadiens vont faire les séries cette année? »
Malgré les défaites et la jeunesse qui caractérisent les récentes campagnes du Tricolore, Marc Denis s'est fait interpeler tout l'été. D'une saison morte à l'autre, les partisans veulent connaitre sa prédiction. « Parce qu'il y a eu autant de blessés chez les Canadiens la saison dernière, l'interrogation demeure. Est-ce que c'est une possibilité? Est-ce que ça se pourrait? » explique l'analyste.
Pour la première fois depuis plusieurs années, il s'est permis de ralentir durant l'été. Marc n'avait pas d'équipe de hockey junior à diriger, pas de comité à mettre en place, ni même de collaboration dans les médias.
« J'en ai profité, je suis allé au Saguenay, j'ai complètement déconnecté, tout en me tenant au courant de ce qui se passait dans le monde du hockey. Si je ne veux pas être dans le jus quand tout recommence, je dois me tenir informé. »
Au moment de l'entrevue, la machine est déjà repartie. Marc termine tout juste sa participation à l'émission On jase et se prépare à analyser la première rencontre préparatoire du Tricolore en soirée. Il est 13 heures et les Devils du New Jersey n'ont pas encore confirmé tous les numéros de chandails qu'ils utiliseront.
« La semaine du camp d'entrainement est la plus occupée. On va connaitre le matin même du match 20 joueurs de 70 d'une formation, certains qu'on ne reverra plus jamais, qui vont peut-être disputer leur seul match préparatoire dans la LNH. »
Chaque duel représente de trois à quatre heures de travail en amont pour s'assurer d'être en mesure de parler adéquatement de tous les hockeyeurs qui s'exécutent devant lui, en plus des différents systèmes de jeu.
L'ancien gardien brandit une simple feuille de papier noircie d'encre.
« Ce sont des notes écrites à la main pour moi. Je n'ai pas plus d'informations que ça parce que quand je suis entre les deux bancs, je n'ai pas d'espace pour l'ordinateur, internet et mon téléphone. Je peux en gérer seulement un minimum. »
À l'aube de sa 13e année comme analyste des matchs des Canadiens à RDS, Marc s'appuie sur son expérience et un bon réseau de contacts chez les professionnels. Même si sa compétence est reconnue de tous, une certaine nervosité demeure avant chaque début de saison.
« Je vais dévoiler une partie de vulnérabilité. Il n'y a pas de craintes, je sais que je suis capable de faire le travail, mais est-ce que je peux continuer à être encore pertinent avec toutes les évolutions de systèmes, tactiques, techniques, au niveau du hockey? Ça fait 4 mois qu'on n'a pas présenté un match du CH à la télévision. Il y a toujours le stress de dire : “ Est-ce que je vais encore tenir debout sur mon bicycle à deux roues?'' Il y a toujours cette nervosité-là qui s'estompe, mais chaque soir il n'y a rien d'acquis. »
« Le travail que je fais aujourd'hui ne définit pas l'homme que je suis. »
La reprise des activités dans la LNH signifie que Marc passera un nombre incalculable d'heures à l'étranger, aux côtés de son fidèle acolyte Pierre Houde, dans les prochains mois. Il connait la routine par coeur, lui qui écume les arénas depuis l'âge de 16 ans. Loin de s'en plaindre, il ne trépigne toutefois pas d'impatience à l'idée de boucler sa valise.
« En date d'aujourd'hui, aucun voyage de fait, je vais te répondre que c'est excitant. Reparle-moi dans 2 mois et demi quand, en plein milieu d'une tempête de neige, on n'aura pas la chance d'aller voir nos familles très longtemps à Noël, je risque d'avoir un discours différent. Si j'avais la chance de faire ce travail-là en dormant tous les soirs dans mon lit, je signerais un contrat à vie. »
Sa famille est, à la fois, la base et le coeur de tout ce qu'il a accompli depuis le début de sa carrière. Le clan formé de ses fils Thomas, 21 ans, et Olivier, 19 ans, ainsi que de sa femme Marie-Josée, est tissé serré. Marc s'émeut en évoquant son couple qui dure depuis 28 ans.
« Marie-Josée c'est le roc, le fort. Sa présence, sa force, c'est un vrai pilier pour notre famille. Ça vient me chercher, j'en parle pas souvent. Je suis quelqu'un d'assez pudique au niveau familial. »
Malgré son emploi du temps chargé, l'homme de 46 ans s'assure d'être le plus présent possible pour ses proches.
« Ma carrière de hockeyeur a été éphémère. Celle de communicateur le sera aussi. Je sais ce qui était là avant, ce qui est là pendant, ce qui le sera après. C'est Marie-Josée, Thomas, Olivier, Abby notre golden doodle de 11 ans, c'est de retourner au Saguenay l'été. C'est ça la constante, l'ancrage, les racines. »
Retourner au Saguenay l'été, oui, mais aussi dès que possible durant l'hiver. Le Montréalais a adopté la région durant ses années dans le junior majeur et le nid familial s'y trouve toujours. Une simple randonnée en raquettes dans l'immensité des Monts-Valin l'aide à mettre les choses en perspectives.
« Je prends mon travail au sérieux, mais ça me rappelle de ne pas prendre ça au sérieux. C'est toujours ben juste du hockey, du sport. C'est une passion pour les Québécois, mais c'est infiniment petit devant le reste », philosophe-t-il.
Le futur : faire partie de la solution
Marc Denis ne craint pas les années qui passent, ni la cinquantaine qui approche. Il affirme en riant qu'il s'assagit, plutôt qu'il vieillit.
Son nom ressort souvent comme candidat potentiel lorsqu'un poste de directeur général se libère dans la LNH, ce qu'il trouve plutôt flatteur.
« Les portes vont toujours être ouvertes, mais en même temps je suis très heureux. Tu sais quoi? Peut-être que d'être très heureux dans le poste où je suis m'aura nuit dans d'autres postes ailleurs. Si c'est le cas, être heureux, il y a des problèmes pires que ça dans la vie. »
L'analyste affirme qu'il se laisse porter par les signes de la vie, comme quand il a reçu l'appel de RDS il y a une dizaine d'années, ou quand le gouvernement du Québec lui a demandé de présider le comité sur le développement du hockey à l'automne 2021. Un an après la remise du rapport, l'homme au franc-parler ne s'est pas gêné pour exprimer sa déception face à la lenteur des différents acteurs du milieu à mettre en place les recommandations du groupe de travail. Trente minutes après sa sortie publique, il était convoqué à une rencontre avec la ministre responsable du Sport Isabelle Charest et le président de Hockey Québec Jocelyn Thibault.
« Ce n'est pas encore à mon goût », confirme Marc sans hésitation. « J'espère que personne au gouvernement et au ministère de madame Charest pense que je vais lâcher prise. Ce serait mal me connaitre. »
Il promet de continuer à jouer les chiens de garde dans ce dossier, avec tout le sérieux que lui connaissent les partisans du Tricolore lorsqu'il analyse les performances de leurs favoris.
« Marc, une dernière question: est-ce qu'ils vont les faire les séries? »
« Pas cette année, mais garde cette partie de l'entrevue et remets-moi la dans la face s'ils les font. Je serai le gars le plus content, parce que ça voudra dire qu'on aura eu une belle saison. »
C'est noté!
MARC DENIS EN RAFALE
Le joueur que tu aurais voulu affronter?
J'ai joué contre Mario Lemieux et Wayne Gretzky, mais j'aurais voulu les affronter quand ils étaient à leur apogée.
L'amphithéâtre où tu aimes le plus travailler?
J'adore aller au Madison Square Garden à New York. J'ai toujours aimé y jouer et je l'adore encore à ce jour.
L'équipe que tu as le plus hâte de voir cette saison?
Ottawa. Pour moi Tim Stüzle est une superstar dans la LNH. J'espère pour Michael Andlauer et Pierre Dorion que ça va fonctionner.
Ta ville préférée parmi les 32 de la LNH?
Je trouve Boston vraiment charmante. Chicago est aussi une ville que j'aime beaucoup.
L'entraineur qui attire le plus ton attention?
Ce que Martin St-Louis a été capable de faire sans jamais être sur les rangs pour un poste dans la LNH, ça m'impressionne!
Le joueur que tu le plus hâte de voir jouer?
C'est sûr que j'ai hâte de voir Connor Bedard. Il vient un samedi soir à Montréal et je veux être dans le Centre Bell, même si je ne travaille pas. J'ai hâte de voir ce qu'il va être capable d'accomplir. Je pense que c'est le prochain à prendre le flambeau de Crosby et McDavid.