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RÉSULTATS

La famille de Chris Simon mérite des réponses

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PALM BEACH - La Ligue nationale de hockey oblige tout joueur qui perd son casque dans le feu de l'action à le remettre immédiatement ou à retraiter au banc sans quoi il écopera une pénalité mineure.

Bravo! Cette quête de sécurité sur les patinoires et ce souci à l'égard des blessures à la tête méritent d'être soulignés.

Pourquoi alors, la même Ligue nationale de hockey accepte que deux bagarreurs qui perdent leurs casques au cours d'un combat, ou pis encore qui les enlèvent avant de se battre, puissent se frapper à répétition sur le crâne sans que les officiels n'interviennent?

Impossible d'avoir une réponse qui aiderait à expliquer cette absurdité. Ou au moins de tenter de l'expliquer. Car il semble bien difficile d'expliquer pareille incongruité. Encore plus de l'accepter.

Une chose est certaine : Chris Simon, dont le nom vient de s'ajouter à la liste trop longue d'anciens bagarreurs décédés trop rapidement par suicide, par surdoses de drogues et autres formes de morts violentes, mérite une réponse à cette question.

La fierté de Wawa, la municipalité du Nord de l'Ontario où il est né, a grandi et est décédé, mérite plus, beaucoup plus, que les mots « triste », « désolant », « insensé », « tragique » et le concert de sympathies lus et entendus aux quatre coins de la planète hockey depuis l'annonce de son décès mardi.

Chris Simon n'avait que 52 ans.

Il était aux prises avec des problèmes personnels que sa famille endeuillée impute à de l'encéphalopathie chronique post-traumatique, mieux connue sous l'acronyme CTE. Une maladie qui a frappé plusieurs anciens bagarreurs de la LNH qui se sont eux aussi enlevé la vie ou sont décédés des suites de morts violentes au cours des dernières années : pensons à Derek Boogard, John Kordic, Rick Rypien, Wade Belak, Steve Montador pour ne nommer qu'eux.

Selon le site « Hockey Fights » qui documente tous les combats livrés comme s'ils étaient plus importants que les buts, les passes, les points et les beaux jeux défensifs, Chris Simon s'est battu 121 fois au cours de sa carrière de 15 saisons dans la LNH.

Bien qu'il soit impossible d'assurer que son suicide soit directement associé à la mitraille de coups de poing encaissés au fil de ces 121 combats, il semble évident qu'il y ait une forme de cause à effet.

Une étude publiée en mai 2023 par des chercheurs de l'Université Columbia, à New York, stipulait d'ailleurs que sur les 6039 joueurs ayant évolué dans la LNH entre 1967 et avril 2023 répertorié dans l'étude, les hommes forts mouraient 10 ans plus tôt que leurs coéquipiers.

Sur les 331 bagarreurs inclus dans l'étude, deux étaient décédés des suites d'une maladie neurologiques, deux de surdoses de drogue, trois de suicide – on peut ajouter ici le nom de Chris Simon – et quatre des suites de blessures subies dans le cadre de tragédies routières.

Une seule mort violente – tragédie routière – avait été relevée au sein des autres joueurs associés à l'étude.

Grand spécialiste des commotions cérébrales et de leurs conséquences, le docteur Dave Ellemberg a effectué plusieurs sorties publiques au fil des dernières années pour souligner que ces décès qui peuvent être associés au CTE justifiaient l'abolition des bagarres au hockey.

Bettman doit agir

Mercredi midi en Floride, au terme de la réunion des directeurs généraux de la LNH, le commissaire Gary Bettman a bien sûr ajouté ses sympathies à toutes celles offertes aux membres de la famille de Chris Simon depuis l'annonce de son décès.

C'est trop peu.

Gary Bettman refuse toujours d'associer les décès tragiques de Simon et des autres hommes forts partis trop vite au fil des dernières années aux bagarres qu'ils ont livrées et/ou aux coups encaissés et aux commotions cérébrales subies sur les patinoires de la LNH.

Il refuse même d'associer les diagnostics confirmés de CTE – un examen qui peut seulement être pratiqué post-mortem – à des conséquences directes des carrières des joueurs dans la LNH.

Mercredi midi, en plus d'offrir ses sympathies et de parler lui aussi d'un décès triste et tragique, Gary Bettman s'est assuré de renforcer les positions de la LNH qui a adopté au fil des dernières années des mesures pour améliorer la sécurité des joueurs.

Les prétentions de Bettman sont véridiques.

Comme il est tout aussi vrai que les bagarres sont moins nombreuses qu'elles ne l'étaient alors que Chris Simon évoluait dans la LNH. Que ce soit avec les Nordiques de Québec, l'Avalanche du Colorado avec qui il a gagné la coupe Stanley en 1996, les Capitals de Washington avec qui il a marqué 29 buts et récolté 49 points en 1999-2000 – un sommet en carrière – ou l'une ou l'autre des cinq formations avec lesquelles il a également joué au cours de sa carrière de 15 ans dans la LNH.

Bettman a aussi ajouté qu'il attendrait les conclusions de l'autopsie qui sera pratiquée sur le cerveau de Chris Simon – à la demande de sa famille – avant de faire quelque commentaire supplémentaire. Si commentaire il y a.

Protéger les hommes forts, pas juste les vedettes

Le commissaire a sans l'ombre d'un doute une responsabilité à l'égard des 32 propriétaires de la Ligue.

Il est d'ailleurs important ici de rappeler que la Ligue a versé des compensations totalisant 18,5 millions $ en 2019 à la centaine de joueurs qui avaient intenté une poursuite reprochant à la Ligue de ne pas les avoir suffisamment informés des conséquences néfastes des commotions cérébrales. Une procédure judiciaire de deux ans au cours de laquelle la LNH avait engouffré plus de 70 millions $ selon des informations publiées par nos collègues de The Athletic en 2021.

Il est normal de protéger les comptes en banque des propriétaires.

Mais voilà : il serait tout aussi normal de protéger la santé des joueurs qui leur permettent d'encaisser des milliards $ de revenus annuellement. Et pas juste les grandes vedettes. Mais aussi ceux qui jettent les gants, avec les conséquences que cela entraîne, pour donner un semblant de protection aux vedettes.

Je sais! Ce ne sont pas tous les bagarreurs qui sont aux prises avec des problèmes cérébraux qui minent leurs vies depuis leurs retraites. Grand bien leur fasse si la vie a été plus clémente à leur endroit qu'à celui de Chris Simon et des autres comme lui qui sont morts trop jeunes.

Mais pour honorer Simon et les autres qui comme lui n'ont pas survécu aux blessures subies sur les patinoires, il est plus que temps que la LNH interdise les bagarres. Du moins c'est la prétention que je partage avec des millions d'amateurs depuis des années.

Si la LNH tient tant à assouvir les besoins des millions d'autres qui eux tiennent encore et toujours à assister à des combats? Il  serait tout simple d'ordonner aux juges de lignes d'intervenir dès que l'un des bagarreurs perd son casque. Et aussi, et surtout, d'interdire que les «pugilistes» les enlèvent avant de se battre.

De cette façon, les hommes forts se casseraient peut-être doigts et jointures en se frappant à qui mieux mieux sur les casques, mais ils minimiseraient les risques de transformer leurs cerveaux en JELL-O.

Ça permettrait de réduire, à défaut de les éliminer totalement, les cas d'encéphalopathie chronique post-traumatique et surtout leurs conséquences tragiques qui ont malheureusement écourté les vies de Chris Simon et de trop d'autres bagarreurs au fil des dernières années; des conséquences qui minent toujours celles de nombreux autres anciens hockeyeurs qui composent quotidiennement depuis leurs retraites avec les contrecoups de commotions cérébrales qui auraient pu être évitées en éliminant les bagarres du hockey.