Alexis Lafrenière et Kaapo Kakko ont encore besoin de temps
COLLABORATION SPÉCIALE
Le 8 février 2018, la direction des Rangers de New York a envoyé une lettre à ses partisans pour leur annoncer qu'une reconstruction était à prévoir. Ils ont affirmé que des visages familiers allaient quitter et ils n'ont pas perdu de temps à tenir leur parole. Rick Nash, J.T. Miller, et Ryan McDonagh, qui était alors le capitaine des Blueshirts, ont tous été échangés dans les semaines suivantes et plusieurs autres ont suivi lors de la saison morte.
À première vue, le plan de reconstruction classique a été suivi à la lettre lors des saisons suivantes. Quelques années consécutives dans les bas-fonds de la ligue menant au 2e choix à l'encan de 2019 et à la première sélection en 2020, leur permettant de sélectionner deux joueurs qui seront le coeur et l'âme de l'organisation pour les années à venir.
C'est une histoire que l'on a vu à maintes reprises au cours des années, que ce soit Steven Stamkos-Victor Hedman pour le Lightning de Tampa Bay, Sidney Crosby-Evgeni Malkin pour les Penguins de Pittsburgh, ou tout autre duo du genre. Et avec une apparition en Finale de l'Est lors des dernières séries, cinq ans après la fameuse lettre aux partisans, le plan de New York semble fonctionner à merveille. Par contre, la route qui a mené a ce succès n'a rien d'habituel.
Des neuf meilleurs marqueurs des Rangers depuis ce 8 février 2018, aucun n'a été repêché par l'organisation depuis 2018. Il faut descendre jusqu'aux 10e et 11e rangs pour trouver Kaapo Kakko et Alexis Lafrenière, les deux choix auraient dû transformer l'organisation. Le duo marque présentement à un rythme de carrière similaire qui serait bon pour 30 à 35 points sur une saison. On est loin de Crosby-Malkin.
Qu'est-ce qui a pu mener à ces ratés pour deux joueurs qui sont clairement bourrés de talents?
Une reconstruction accélérée
Le plan des Rangers a été mis en accéléré le même été qu'ils ont acquis Kakko, alors qu'Artemi Panarin a décidé de jouer dans la Grosse Pomme. Dès sa première saison en 2019-2020, Panarin a terminé troisième pour le trophée Hart. Un an après l'arrivée de l'attaquant russe, Adam Fox s'est mérité le trophée Norris, tandis qu'Igor Shesterkin s'est emparé du Vézina la saison suivante. Avec trois des meilleurs joueurs à leurs positions respectives dans la LNH, les Rangers sont bâtis pour gagner maintenant.
Ce besoin de résultats immédiat fait mal à Kakko et Lafrenière, deux joueurs clairement bourrés de talent offensif, mais qui ont besoin d'un peu plus de temps pour maturer. Ce ne sont pas tous les choix élevés au repêchage qui sont capables de faire un impact immédiat comme les Connor McDavid et Auston Matthews de ce monde. Ils sont l'exception, plutôt que la règle.
La marge d'erreur d'un jeune joueur est beaucoup plus mince pour une formation compétitive. Les Rangers n'ont pas la liberté de faire jouer leurs deux jeunes dans le top-6 à travers leurs erreurs et apprentissages.
Résultat, ils se sont retrouvés plus souvent qu'autrement sur le troisième trio lors de leur jeune carrière, menant à du temps de jeu limité. En 377 matchs combinés en carrière, Kakko et Lafrenière n'ont que 5 parties où ils ont joué au moins 20 minutes (4 pour Kakko, 1 pour Lafrenière).
La production des deux jeunes souffre aussi en raison d'un manque d'opportunité en avantage numérique. Les Rangers ont une première vague claire : Panarin, Mika Zibanejad, Fox, Chris Kreider et Vincent Trocheck, et chacun de ces cinq joueurs jouent plus de 4 minutes par match en attaque massive. Ça laisse peu d'opportunités à la deuxième vague. Lafrenière et Kakko n'ont qu'un point chacun en supériorité numérique cette saison, jouant un peu plus d'une minute par match sur les unités spéciales.
Des signes encourageants
Pour Kakko, le mot clé doit être d'envoyer plus de rondelles vers l'enclave. Il montre cette saison qu'il est capable de bien manier la rondelle, avec 0:30 de possession en zone offensive par match à forces égales, troisième chez les Rangers derrière seulement Panarin et Fox. Il mène aussi l'équipe en feintes réussies, c'est-à-dire le nombre de fois qu'il a réussi à protéger la rondelle d'un harponnage de l'adversaire.
Malgré ses habiletés en maniement de rondelle, il ne semble pas capable de repérer ses coéquipiers dans la zone payante. Des 296 passes qu'il a complétées à égalité numérique en territoire offensif, seulement 17 ont trouvé quelqu'un dans l'enclave cette saison. Comme tireur, Kakko obtient ses chances, avec 63 tirs tentés de l'enclave, seulement six de moins que Kreider, qui mène l'équipe.
Pour Lafrenière, les opportunités sont également présentes. Il a un nez pour l'enclave, se classant 2e pour New York en passes reçues dans l'enclave à forces égales. Plus de 60 % de ses tirs tentés viennent de la zone payante, le plus haut taux chez les Rangers. Cinq buts est un total décevant après une performance de 19 buts l'an dernier, mais au moins, le processus nous pointe dans la bonne direction.
Par contre, l'ancien de la LHJMQ était principalement un fabricant de jeu lors de sa carrière junior et ces talents ne brillent pas jusqu'à présent chez les professionnels. Il a déjà établi un sommet personnel avec 13 aides, mais ce n'est pas exactement le total le plus impressionnant.
À 21 ans, il est encore bien trop tôt pour déclarer les deux joueurs comme des sélections ratées. Ils ont encore beaucoup de potentiel non réalisé et marquent à des rythmes qui établiraient de nouveaux sommets personnels pour chacun d'eux. La question est plutôt : pourront-ils progresser à temps pour être des contributeurs clés avant que la fenêtre des Rangers ne se ferme, ou ont-ils besoin d'un nouvel environnement pour atteindre leur plein potentiel?
Seul le temps nous le dira.