TAMPA - Si l’on doit se fier à l’un des trop nombreux clichés du hockey, il n’y a rien de pire qu’une avance de deux buts dans une rencontre. Est-ce à dire que l’avance de 2-0 dont profite le Lightning de Tampa Bay aux dépens du Canadien soit un cadeau empoisonné?

« J’aime mieux être en avant 2-0 que tirer de l’arrière 2-0 comme c’était le cas l’an dernier contre Montréal », a répondu Alex Killorn avec un sourire accroché au visage.

L’attaquant montréalais reconnaît que lui et ses coéquipiers devront trimer dur mercredi soir pour contenir une équipe qui sortira avec l’énergie du désespoir. « Mais c’est le genre de pression que j’aime. On sera de retour devant nos fans. Ils savent qu’on est en avant 2-0. Ils seront dans le coup dès le début de la rencontre et j’espère que l’énergie qui viendra des gradins nous permettra d’amorcer le match bien mieux que nous l’avons fait lors des deux premières parties. Car si le match sera important pour nous, il le sera plus encore pour le Canadien. »

« Ce sera notre match le plus important jusqu’ici cette saison. Il n’y a pas de doute là-dessus », a d’ailleurs reconnu le gardien Carey Price dans le vestiaire du Canadien. En plus d’avoir un recul de 0-2 à combler, le Canadien débarque au Amalie Arena où le Lightning a maintenu la meilleure fiche à domicile (32-8-1) de la LNH. Rien pour faciliter sa tâche.

Croisé dans le vestiaire du Lightning, le vétéran défenseur Braydon Coburn assurait qu’il se ferait un devoir de répéter à tous ses coéquipiers que cette fiche du Lightning à la maison tout comme le fait que sa nouvelle équipe soit invaincue en sept rencontres face au Canadien cette année ne comptent pas du tout. Malgré le fait qu’il n’ait que 30 ans, Coburn est l’un des aînés du Lightning. Et il entend mettre son expérience au service de ses jeunes coéquipiers.

« La pire chose qui puisse nous arriver est de croire que la série soit déjà terminée. On a réalisé un grand coup avec nos deux victoires à Montréal. Et comme nous revenons à la maison, plusieurs amateurs croient que ce sera maintenant facile d’éliminer le Canadien. Ce ne le sera pas du tout. La prochaine victoire sera plus difficile à aller chercher que les deux premières. C’est certain. Il y a une bonne équipe à l’autre bout du corridor. Ces gars-là savent très bien qu’avec une victoire demain, ils relanceront la série. Il faudra s’en rappeler. On ne doit surtout aborder le match de demain en se disant que la défaite serait sans importance en raison de notre coussin de deux gains. Ce serait la pire attitude possible à afficher. En séries, tu dois vouloir en finir au plus vite. Tu dois jouer tous les matchs comme s’il s’agissait d’un septième », martelait le très loquace défenseur que la direction du Lightning a justement acquis à la date limite des transactions pour solidifier sa ligne bleue et justement ajouter de l’expérience au sein de cette très jeune équipe.

Sur les traces de Scotty Bowman

Si Braydon Coburn est l’un des aînés dans le vestiaire, l’entraîneur adjoint Rick Bowness est le patriarche du Lightning.

Le 6 février dernier, Bowness a atteint le plateau des 2000 matchs dans la LNH. Comme entraîneur-chef et entraîneur adjoint, on s’entend.

Car en tant que joueur, Bowness, qui a défendu les couleurs des Remparts de Québec et du Bleu-Blanc-Rouge de Montréal dans la LHJMQ, n’a disputé que 173 matchs à Atlanta, Detroit, St.Louis et Winnipeg marquant 18 buts et récoltant 56 points.

S’il parle d’une façon détachée de ses 173 matchs en tant que joueur, Bowness accorde une grande importance au fait qu’il ait fracassé le cap des 2000 parties derrière le banc d’un club de la LNH. Rien de plus normal. Car selon les relevés de la LNH, il est seulement le deuxième entraîneur de l’histoire à atteindre ce plateau. L’autre étant bien sûr l’illustre Scotty Bowman qui l’a fait comme entraîneur-chef.

Rick Bowness n’avait pas encore terminé sa carrière de joueur lorsqu’il a amorcé celle d’entraîneur en 1982. Il a d’abord été joueur-entraîneur avec les Jets de Sherbrooke alors le club-école des Jets de Winnipeg. Bowness a ensuite dirigé les Jets et les Bruins de Boston avant d’être le premier entraîneur-chef des Sénateurs d’Ottawa lors de leur retour dans la LNH en 1992. Congédié à Ottawa, il a poursuivi sa carrière à Uniondale et Phoenix où il a d’abord été adjoint avant d’obtenir le poste d’entraîneur-chef.

Il a suivi Alain Vigneault, qui était son adjoint à Ottawa avec les Sénateurs, à Vancouver lorsque le Québécois a obtenu le poste d’entraîneur-chef des Canucks. Il a toutefois préféré l’offre du Lightning plutôt que de suivre son complice à New York avec les Rangers après leur aventure à Vancouver.

Bowness a « googlé » Cooper

Malgré ses 2000 parties d’expérience, Rick Bowness n’a rien perdu de son enthousiasme. Mardi matin, l’associé de Jon Cooper a haussé le ton à quelques reprises histoire de réveiller les jeunes joueurs du Lightning avec qui il riait de bon cœur quelques minutes plus tôt. Une fois l’entraînement terminé, « Bones » a profité de la période d’étirements pour distribuer des messages à quelques joueurs. Pas seulement à ses défenseurs et spécialistes du désavantage numérique dont il a le plein contrôle, mais aussi à l’attaquant Alex Killorn.

« Rick est une mine d’informations. Il connaît tout de la Ligue. Il est toujours de bon conseil pour nous aider, peu importe la situation dans laquelle on se retrouve. Il est venu me voir tantôt pour me parler d’un mauvais jeu que j’ai effectué lors du dernier match. Rien ne lui échappe sur la patinoire et il s’assure de nous transmettre ses observations pour que nous soyons toujours en mesure d’offrir les meilleures performances possible », a expliqué Alex Killorn.

Rick Bowness n’est pas seulement de bon conseil pour les joueurs. Il l’est aussi pour son patron Jon Cooper. Un patron dont il ne connaissait pas même le nom lorsqu’il l’a appelé la première fois pour lui demander s’il serait intéressé de le suivre à Tampa Bay.

Jon Cooper venait de succéder à Guy Boucher. Rick Bowness venait d’être congédié avec son ami et complice de toujours Alain Vigneault lorsque l’offre est tombée sur la table.

« Quand j’ai raccroché, je me suis tourné vers Judy – sa première blonde rencontrée à 16 ans avec qui il partage sa vie depuis – et on s’est rendu à l’ordinateur. Je n’avais pas la moindre idée de qui était Jon Cooper. J’ai dû «googler» son nom pour savoir qui venait de m’appeler », me racontait Bowness hier.

Pourquoi Jon Cooper s’est-il tourné vers un entraîneur-associé qui ne le connaissait pas plus qu’il le connaissait lui même ?

« Parce qu’une fois nommé entraîneur-chef, le nom de Bowness m’a été suggéré par plusieurs personnes », a expliqué Cooper en justifiant cette sélection improbable.

Entouré des autres membres de l’état-major du Lightning, Cooper a étudié plusieurs candidatures et il a fait part de ses sentiments après les entrevues accordées aux candidats potentiels. Son choix s’est arrêté sur Bowness. « Ce choix était judicieux si l’on considère que personne au sein du groupe d’entraîneurs n’avait d’expérience dans la LNH. Il fallait un ancrage », a expliqué un membre de l’état-major du club.

Depuis son embauche, Bowness agit donc à titre de paratonnerre derrière le banc, dans le vestiaire et dans les bureaux des coachs du Lightning. Parce qu’il a vécu plus que sa part d’épreuves, de déceptions, mais aussi de bons moments dans la LNH, Bowness sait composer avec les fluctuations importantes qui se succèdent en saison régulière comme en séries éliminatoires. Quand les choses vont mal, c’est souvent à sa porte qu’on vient cogner. Quand elles vont bien, il s’assure que tout le monde puisse apprécier les bons moments sans pour autant se laisser aveugler. Et à la voir aller, il apprécie chaque minute de ce travail qui le garde jeune malgré ses 60 ans.

« C’est impossible de ne pas aimer ce travail. Je fais partie d’une très bonne organisation. Nous comptons sur des jeunes exceptionnels, des jeunes qui veulent apprendre, qui se donnent à fond et qui veulent gagner. J’ai le plaisir de travailler pour un gars (Jon Cooper) qui est toute une tête de hockey et qui me laisse assumer pleinement mes responsabilités dans la gestion des défenseurs et du désavantage numérique. Et quand je connais une journée plus moche, ce qui n’arrive pas souvent, j’ai le soleil qui me frappe dans les yeux en sortant de l’aréna. Ça fait 40 ans que je vis de et pour le hockey. C’est ma vie. Et j’adore encore chaque minute que cette vie m’apporte », m’expliquait Bowness croisé dans le vestiaire du Lightning mardi matin.

À 60 ans, Rick Bowness ne rêve plus d’un job d’entraîneur-chef dans la LNH. Mais il rêve encore du jour où il pourra enlacer la coupe Stanley. Un rêve qu’il a presque réalisé 2011. Un rêve que les Bruins de Boston ont anéanti en soulevant la coupe sous les yeux de Bowness, des Canucks et de leurs fans en remportant la septième et décisive partie de la grande finale à Vancouver.

Est-ce que ce rêve se transformera en réalité avec le Lightning cette année ou dans les années à venir ?

Rick Bowness a refusé de répondre à cette question. Il s’est contenté de sourire…