Qu'est-ce qui a changé chez Alexis Lafrenière?
COLLABORATION SPÉCIALE
À son arrivée dans la LNH, les attentes envers Alexis Lafrenière étaient très élevées. Un choix unanime au premier rang de sa cuvée après une saison de 112 points avec l'Océanic de Rimouski, il s'est joint à un noyau des Rangers qui comptait déjà notamment Artemi Panarin, Mika Zibanejad, Adam Fox, et Igor Shesterkin, en plus du 2e choix du repêchage précédent en Kaapo Kakko. Les fondations d'une dynastie semblaient en place au Madison Square Garden.
Trois ans plus tard, lorsque son contrat recrue est venu à échéance, les Rangers, leurs partisans, et le monde de la LNH avaient plus de questions que de réponses au sujet de Lafrenière. Quel salaire allait-il avoir après trois saisons décevantes où il n'a jamais atteint 20 buts ou 40 points? Est-ce que les Rangers allaient chercher à l'échanger pour épargner quelques dollars, alors qu'ils étaient déjà près du plafond salarial? Est-ce qu'il avait encore la chance de devenir une vedette, ou allait-il joindre les rangs des Alexandre Daigle et Nail Yakupov de ce monde? Comment allait-il s'adapter à un troisième entraîneur-chef en quatre saisons?
Lafrenière et New York se sont finalement entendus sur un contrat de deux ans d'une valeur de 2,325 millions $ par année. Une vingtaine de matchs plus tard, la trame narrative a complètement changé. Les Rangers trônent au sommet de la LNH avec une fiche de 15-3-1 après une victoire convaincante de 7-4 face aux Bruins.
Le natif de Saint-Eustache est une pièce clé dans le top-6 des BlueShirts et connaît de loin son meilleur début de saison en carrière. Il est troisième pour les buts marqués chez les Rangers avec huit, soit un rythme d'environ 35 buts sur une saison complète. Qu'est-ce qui a changé?
Un changement bénéfique derrière le banc
Lafrenière, à sa quatrième année dans la LNH, en est déjà à son troisième entraîneur-chef. Sous les ordres de David Quinn comme recrue, il a joué au moins 50 minutes avec neuf joueurs différents pendant la saison raccourcie à 56 matchs par la COVID. Et lors de chacune des deux saisons avec Gerard Gallant derrière le banc, il a passé 100 minutes ou plus avec six joueurs différents. Il a été utilisé à toutes les sauces, passant du 1er au 3e trio régulièrement. Difficile de bâtir en confiance et en rythme quand tes compagnons de trios et ton rôle changent de soir en soir.
Peter Laviolette prend une approche différente avec le 1er choix de l'encan de 2020 et ça porte fruit jusqu'à présent. Lafrenière a été utilisé presque exclusivement sur l'aile opposée d'Artemi Panarin, un des meilleurs fabricants de jeu de la LNH. Il reçoit du temps de jeu de première qualité, souvent lors de moments clés, et il répond avec brio. Sept de ses huit buts sont venus avec le pointage à égalité ou avec un écart d'un seul but, incluant deux buts gagnants.
Panarin a parlé de l'importance de cette confiance pour l'ailier de 22 ans.
« Je pense qu'il est très important de ressentir cette confiance de la part de l'entraîneur », a déclaré Panarin. « L'entraîneur s'attend à beaucoup de toi, pas seulement "Va sur la glace et ne perds pas la rondelle à la ligne bleue". Si c'est tout ce qu'il attend de toi, ce n'est pas un bon feeling. »
Lafrenière et Panarin : rapides et dangereux
Un aspect clé du succès de Lafrenière cette saison est qu'il utilise sa vitesse et sa vision du jeu pour attaquer agressivement en entrée de zone. Avec Panarin, ce ne sont pas les opportunités qui manquent, et il semble être sur la même page que l'ailier vedette.
Résultat : Lafrenière a 21 chances en entrée de zone cette saison et Panarin en a 20, si bien qu'ils forment un de seulement deux duos de coéquipiers à avoir au moins 20 chances chacun, l'autre étant celui de Valeri Nichushkin (24) et Nathan MacKinnon (23). Lafrenière est également à égalité au premier rang de la LNH avec 5 buts marqués sur ces chances. Le duo utilise cette vitesse pour contrôler 58,9 % des buts attendus lorsqu'ils sont sur la glace à forces égales, un net avantage sur leur compétition.
Pas d'avantage numérique, pas de problème
Un autre aspect encourageant est que sa production est majoritairement venue à forces égales, avec sept de ses huit buts et 10 de ses 12 points marqués à égalité numérique. La première vague des Rangers, qui emploie Panarin, Chris Kreider, Mika Zibanejad, Vincent Trocheck, et Adam Fox est l'une des plus efficaces de la LNH. Ils ont 10 buts, une de seulement six unités à atteindre ce plateau et ils l'ont fait en seulement 32 minutes de jeu. Aucune autre unité avec 10 buts ou plus ne l'a fait en moins de 43 minutes. Difficile de justifier briser une recette gagnante du genre, ce qui relègue Lafrenière à la deuxième vague et seulement 25 minutes de jeu avec l'avantage d'un homme, la 8e chez les Rangers.
Cela veut dire que Lafrenière marque à un rythme d'environ 30 buts à forces égales sur 82 matchs, un total qui l'aurait placé top-10 dans la LNH l'an dernier, à égalité avec des noms comme Clayton Keller, Nathan MacKinnon, et Mark Scheifele. Pas mal, non?
Lafrenière est un excellent exemple que ce ne sont pas tous les premiers choix qui peuvent dominer dès le premier jour comme Connor Bedard ou Sidney Crosby. Tous les joueurs se développent à leur rythme et même les meilleurs espoirs peuvent prendre quelques saisons avant de trouver leur rythme. C'est facile d'oublier qu'il n'a que 22 ans après tout. Ça fait à peine un an qu'il peut commander une bière légalement aux États-Unis. Il suffit parfois d'un peu de patience, quelque chose que les partisans du Canadien pourraient garder en tête avec un certain autre premier choix au total.