Les succès de Patrick Roy à la barre de l'Avalanche du Colorado ne me surprennent absolument pas. Il est arrivé dans la LNH avec un excellent bagage comme joueur après avoir été assez intelligent pour aller se chercher un bagage d'entraîneur à un niveau inférieur.

Roy a oeuvré pendant dix ans dans la LHJMQ et j'ai toujours cru qu'il accepterait de gravir les échelons pour apprendre son métier. Il a pris un détour nécessaire pour voir si c'était un métier qu'il aimait. Il faut le féliciter pour son approche. Quand il a fait le saut dans la LNH, il avait déjà beaucoup d'expérience derrière un banc et il savait dans quoi il embarquait.

Devenir entraîneur, ça ne s'apprend pas en une journée. Le fait d'avoir été un grand joueur ne vous donne pas non plus le don d'être un grand entraîneur. Il suffit de citer l'exemple de Wayne Gretzky à Phoenix pour s'en convaincre. Son échec comme pilote des Coyotes ne lui enlève rien à ses qualités de joueur ou à ses qualités d'homme, mais il est passé de joueur à entraîneur sans même évaluer s'il était capable de faire ce travail. Si la Merveille avait décidé d'être un entraîneur de carrière, il aurait pris le temps de faire ses classes.

Plusieurs anciens croient qu'ils ont les connaissances pour diriger parce qu'ils ont joué la game pour se rendre compte une fois dedans que ce n'est pas un métier qui s'improvise et que comme le reste, ça s'apprend. Vues de l'extérieur, les choses semblent faisables, mais de l'intérieur, c'est autre chose. Certains ont réussi directement la transition. D'autres choisiront de commencer comme assistant avant de devenir entraîneur en chef. Ainsi, avant de faire le grand saut, ils auront vécu le quotidien d'un entraîneur et ils sauront à quoi s'attendre.

Patrick Roy a été respectueux envers le métier d'entraîneur en refusant de sauter tout de suite dans l'arène et de « se la péter » comme l'ont fait tant d'autres avant lui. Avant de se lancer aussi, il s'est dit : « Je vais aller vérifier si je préfère être entraîneur au hockey ou jouer au golf », parce qu’il a la sécurité financière pour faire bien d'autres choses de sa vie. S'il avait préféré jouer au golf que de relever des défis, il ne serait pas là où il se trouve actuellement. Visiblement, il ne carbure pas qu'au golf!

Roy est un gars d'action et ça paraît. Quand il met son action de l'avant, il veut que ça marche à 100 %. Quand il est arrivé à la barre de l'Avalanche, il avait une expérience gagnante comme joueur et comme entraîneur. Je ne dis pas qu'il va gagner la coupe Stanley, mais je n'ai pas de mal à croire à ses succès.

Roy s'est pointé à Denver dans un climat de partenariat en disant aux joueurs qu'il n'était pas leur patron, mais leur allié. Il a compris dans les rangs juniors qu'il était préférable d'être un communicateur plutôt qu'un pilote avec une main de fer. Il n'avait pas à agir comme s'il était au-dessus des autres parce qu'il l'était déjà. Les joueurs le regardaient déjà de haut avec ses quatre conquêtes de la coupe Stanley.

Il a dit aux gars qu'ils étaient pour travailler ensemble. Son succès n'est pas le fruit du hasard, c'est parce que les joueurs ont accepté de suivre le plan qu'eux aussi ont bâti avec lui. Roy fait sentir les joueurs aussi importants que lui. Il a su rendre les joueurs responsables des succès de l'équipe en les mettant en évidence quand c'est le temps.

Avec un contrat non garanti, les joueurs se sont rendus compte qu'il était là parce qu'il voulait gagner et qu'il n'accepterait pas les demi-mesures. Il s'est présenté à ses joueurs avec son approche de partenariat et ç’a été gagnant pour tout le monde.

Roy est un homme qui a une grande confiance en lui. Il savait ce qu'il faisait en repêchant Nathan MacKinnon plutôt que Seth Jones au dernier encan amateur. Il avait vu MacKinnon jouer dans sa ligue et il avait confiance en lui. Cette confiance était tellement grande que les deux seront probablement primés en juin lorsque l'un gagnera le trophée Calder et l'autre le trophée Jack-Adams.

Roy est indiscutablement le candidat numéro un pour être nommé entraîneur de l'année. Tu ne peux pas passer d'un club de fond de grille à une équipe de tête si tu n'as pas un bon plan.

Quand je l'ai vu au niveau du junior majeur, je me suis dit qu'il était un vrai coach parce qu'il aimait ça. Se taper de longs voyages en autobus et des séjours dans des hôtels de deuxième ordre, ce n'est pas facile quand tu es habitué à la grande classe de la LNH. J'ai été entraîneur dans la LHJMQ et je sais c'est quoi manger du poulet dans une boîte pendant que l'autobus est en déplacement. Je l'ai admiré pour avoir accepté de descendre au niveau junior pour faire ses classes et avoir amené avec lui à Denver deux entraîneurs de la LHJMQ. Si ce n'était pas de lui, je ne pense pas qu'André Tourigny et Mario Duhamel seraient dans la LNH actuellement. J'aurais aimé diriger à la même époque et j'aurais aimé travailler avec lui parce qu'on se ressemble sur plusieurs facettes. Qui sait, je serais peut-être dans la LNH aujourd'hui. Je lui lève sincèrement mon chapeau.

Je pense qu'avec le temps, on apprend à connaître l'homme plus en profondeur. Nous avons une autre image du bonhomme qui affichait un gros ego comme joueur, mais qui affiche un portrait nettement plus humble comme entraîneur.

*Propos recueillis par Robert Latendresse