On attendait des surprises. Des déceptions aussi. Steve Yzerman et les responsables de la sélection des 25 joueurs qui défendront les couleurs du Canada au tournoi de hockey des Jeux de Sotchi nous en ont réservé plusieurs mardi lors du dévoilement de leur formation de rêve.

Capitaine du Lightning de Tampa Bay, une équipe qu’il tient à bout de bras en l’absence de son phénoménal coéquipier Steven Stamkos, Martin St-Louis a été laissé de côté.

Il suivra donc les Jeux de Sotchi comme il a suivi ceux de Vancouver en 2010. De loin, ou de très loin. Comme spectateur et non comme acteur principal. À moins qu’il décide de ne pas les suivre…

St-Louis n’est pas le seul joueur de qualité à avoir été écarté. Que non! Claude Giroux des Flyers de Philadelphie, Joe Thornton et Logan Couture – sa blessure n’a rien à voir avec son retrait – des Sharks de San Jose, Tyler Seguin, des Stars de Dallas, James Neal des Penguins de Pittsburgh et tous les jeunes attaquants de premier plan des Oilers d’Edmonton ont subi pareil traitement.

Peut-on parler d’affronts dans le cas de St-Louis et des autres?

Non!

Le bassin de joueurs vedettes susceptibles de défendre avec succès le titre de champion olympique que le Canada mettra en jeu à Sotchi est tellement imposant qu’il serait présomptueux de prétendre que St-Louis, ou les autres oubliés méritent davantage que l’un ou l’autre des joueurs sélectionnés leur présence aux Jeux.

À mes yeux et à ceux de ses nombreux partisans, Martin St-Louis méritait une place au sein d’Équipe Canada. C’est évident. Mais ceux qui la lui ont ravie la méritent autant.

À la lumière des discussions qui ont suivi l’annonce officielle, il est clair que la vitesse et la taille ont prévalu à titre de critères les plus importants dans le cadre des discussions finales.

Bien sûr que le talent a été au cœur des discussions. Mais pour être considérés, tous les candidats devaient afficher le talent suffisant. Le talent que seuls les surdoués peuvent afficher.

Mais au-delà du talent et surtout des statistiques accumulées depuis le début de la saison, la vitesse et la taille ont prévalu.

« Nous n’avons pas nécessairement sélectionné les meilleurs joueurs, mais les bons joueurs pour composer notre équipe », a nuancé le directeur général Steve Yzerman.

Un directeur général qui a dû aller contre son gré et se rallier à l’ensemble de son équipe en écartant Martin St-Louis qui est aussi le capitaine de son équipe dans la LNH.

C’est d’ailleurs Yzerman qui a eu la délicate et désagréable tâche de téléphoner son capitaine pour lui annoncer la nouvelle.

« Ce fut un appel difficile. Autant pour Marty que pour moi. Il était très déçu. C’est normal. J’aurai d’autres discussions avec lui dès que je rejoindrai le Lightning. Mais je suis à la tête de l’équipe canadienne. Le pays passe avant mon équipe dans la LNH. J’avais le devoir de composer la meilleure équipe possible. Celle qui maximisera nos chances de remporter une autre médaille d’or. Je me devais donc de prendre les décisions en conséquence », a ajouté Yzerman.

Entraîneur-chef qui héritera des 25 joueurs sélectionnés, 25 joueurs sur lesquels il a eu plus que son mot à dire dans le cadre du processus de sélection, Mike Babcock a modifié un brin ou deux la réponse donnée par Yzerman quant à la qualité des joueurs et de l’équipe.

« Nous avons sélectionné les bons joueurs, c’est vrai. Mais les bons joueurs peuvent aussi être considérés comme les meilleurs », a mentionné l’entraîneur-chef des Red Wings.

Spectre de Turin

Les souvenirs malheureux des Jeux de Turin alors que le manque de vitesse sur une surface de grande dimension a non seulement chassé Équipe Canada du podium, mais l’a fait glisser au 7e rang, derrière la Suisse, ont pesé lourd dans la balance.

Le manque de rapidité constaté lors du dernier championnat du monde de hockey junior à Malmö en Suède a accentué cette volonté de vitesse de la part de l’entraîneur-chef Mike Babcock et de ses adjoints dans leur quête de pouvoir compter sur du talent, bien sûr, mais aussi, mais surtout, sur de la vitesse et de forts gabarits.

C’est pour cette raison qu’on ne doit pas trop se surprendre de la sélection d’un joueur comme Patrick Marleau des Sharks. L’un des meilleurs patineurs de son équipe, Marleau a devancé son coéquipier, complice et extraordinaire passeur Joe Thornton qui est moins rapide.

La vitesse a aussi favorisé un joueur comme Jeff Carter des Kings au détriment d’un autre marqueur prolifique comme James Neal des Penguins.

« Nous avons discuté jusqu’à 1 h la nuit dernière pour nous assurer de prendre les meilleures décisions possible. Pour être convaincu de nos choix et être certains d’avoir pris tous les critères en considération », a indiqué Kevin Lowe des Oilers d’Edmonton.

Outre les Marleau et Carter dont les sélections représentent pour certains des surprises, Rick Nash et Jamie Benn ont su se faufiler au sein de la formation au cours des dernières semaines.

Pas même invité au camp d’évaluation, l’été dernier, à Calgary, Jamie Benn a prouvé par l’excellence de son jeu avec les Stars de Dallas qu’il méritait une place parmi les meilleurs hockeyeurs canadiens. Une première pour le gros attaquant que le défenseur Stéphane Robidas m’a déjà comparé à Vincent Lecavalier alors que le gros centre québécois trônait parmi les meilleurs joueurs de la LNH au grand complet.

Quant à Nash, disons que ses succès passés avec Équipe Canada – il évoluait en compagnie de Jonathan Toews aux Jeux de Vancouver – sa vitesse, sa taille et sa réputation ont fait contrepoids aux déceptions des deux dernières années alors que les blessures ont contribué à une baisse de ses statistiques personnelles avec les Rangers à New York.

Autre surprise : la sélection de Chris Kunitz.

Plusieurs dénonceront cette sélection en l’associant au fait que l’ailier gauche des Penguins a la chance, voire le privilège, d’évoluer en compagnie de Sidney Crosby.

C’est certainement un avantage.

Mais dans les coulisses du Mastercard Centre, le centre d’entraînement des Maple Leafs, de leur club-école les Marlies et surtout le centre administratif de Hockey Canada, on assurait que l’estime des responsables d’Équipe Canada à l’endroit de Kunitz dépassait de beaucoup le simple fait qu’il évolue au sein du même trio que le meilleur joueur de hockey au monde.

En passant : oui, Sidney Crosby a été sélectionné.

Et si on peut s’attendre à ce que Kunitz amorce le tournoi à la gauche de Crosby, avec Steven Stamkos sur le flanc droit s’il est rétabli à temps pour les Jeux, il ne faudrait pas se surprendre de le voir rapidement avec Ryan Getzlaf et Corey Perry, ses deux anciens coéquipiers avec les Ducks d’Anaheim.

« Chris Kunitz est un excellent joueur de hockey qui a plusieurs facettes à son jeu et qui peut s’imposer au sein de n’importe quel de nos trios », m’a d’ailleurs mentionné Peter Chiarelli, le directeur général des Bruins, mais aussi conseiller de Steve Yzerman tout comme Doug Armstrong, des Blues, Ken Holland, des Red Wings et Kevin Lowe des Oilers.

Quatre défenseurs gauchers

Quand on fait le tour des autres élus au sein d’Équipe Canada, il est difficile de parler de surprises.

Sidney Crosby, Jonathan Toews, Duncan Keith et Shea Weber constituent le noyau dur de la formation. « Ils étaient peut-être les seuls à être assurés d’une place au sein de notre équipe », a d’ailleurs reconnu l’entraîneur-chef Mike Babcock, des Red Wings de Detroit.

Parce qu’il est blessé, Steven Stamkos représente peut-être une petite surprise. Mais comme il se remet à la vitesse grand V de sa double fracture du tibia et du péroné de la jambe droite, Stamkos a des chances, de bonnes chances même, de chausser les patins à Sotchi.

Selon les règles du tournoi, Équipe Canada, comme toutes les équipes d’ailleurs, pourra remplacer un blessé jusqu’à la dernière minute. En fait non! Les changements seront permis jusqu’à deux heures avant le premier match du tournoi.

Mais pour écarter un nom de la liste des 25 élus, il fallait d’abord l’inscrire. C’est la saison pour laquelle on a inscrit celui de Stamkos.

C’est la raison aussi pourquoi les St-Louis, Giroux, Thornton et autres joueurs laissés de côté lors de l’annonce officielle, devront patienter avant de planifier un voyage durant la trêve olympique. Car ils pourraient être appelés en renfort sans grand préavis.

Outre le noyau dur et Steven Stamkos, les autres candidats élus n’étaient pas loin derrière. Autant à l’attaque, à la ligne bleue, que devant le filet.

Parlant des gardiens, il appert que les sélections de Roberto Luongo, Carey Price et Mike Smith ont été parmi les plus faciles à effectuer.

Malgré les exploits de Marc-André Fleury à Pittsburgh cette année, la coupe Stanley remportée par Cory Crawford et l’extraordinaire histoire de courage de Josh Harding qui compose avec la sclérose en plaques, Luongo, Price et Smith étaient de l’équipe depuis un bon moment.

Il ne restera qu’à déterminer celui qui gardera le fort lorsque les matchs cruciaux s’amorceront. Pour l’instant, le job est à Luongo. Et c’est normal. Mais au moindre doute, Mike Babcock donnera à Carey Price l’occasion de s’imposer et de ravir ce poste. Comme Luongo l’a fait à Martin Brodeur à Vancouver il y a quatre ans. Comme Brodeur l’avait fait à Curtis Joseph à Salt Lake City en 2002.

C’est comme ça.

Derrière les gardiens, les vétérans et les choix incontournables, Équipe Canada s’est assurée de préparer l’avenir en faisant des places aux P.K. Subban, John Tavares, Matt Duchene et autres jeunes joueurs qui ont un impact positif au sein de leur club respectif.

L’exclusion de Tyler Seguin, étoile offensive des Stars de Dallas et des jeunes surdoués peut-être, mais contre-productifs attaquants des Oilers d’Edmonton ne devrait donc ne surprendre personne.

Seule surprise à la ligne bleue, Équipe Canada a préféré Dan Hamhuis à Brent Seabrook pour compléter le groupe de huit arrières.

À plusieurs égards, dont l’expérience et la complicité avec Duncan Keith, Seabrook semblait avoir une longueur d’avance.

Mais le souci déjà clairement énoncé par Mike Babcock de compter sur un nombre égal d’arrières gauchers et droitiers a pesé dans la balance.

« Tu ne peux pas amorcer un tournoi avec deux ou trois gauchers et prendre le risque de te retrouver dans le pétrin si l’un d’eux se blesse. Nos droitiers sont excellents, mais n’ont jamais joué à gauche. Ce n’est pas dans le cadre d’un tournoi aussi important, alors que chaque match est sans lendemain une fois en ronde finale, que tu peux leur demander de relever ce genre de défi », a plaidé Babcock dont l’influence sur l’alignement final a été très importante.

Et c’est normal. Car lors des dernières discussions, l’entraîneur-chef pouvait toujours s’opposer à une candidature qu’il n’endossait pas à 100 % en assurant qu’il lui serait difficile de faire appel aux services de ce joueur si on décidait de le lui imposer.

On peut donc conclure que Babcock a sous la main l’équipe qu’il voulait. Le club qu’il tenait à diriger. À lui maintenant de prendre les moyens pour le faire gagner.

Un grand défi. Un beau défi.