Alistair Johnston, le visage d'une défense solidifiée
MONTRÉAL – Victor Wanyama s'est levé aussitôt qu'il a entendu son nom et a fait un pas en direction des marches qui menaient à l'estrade où devait être remis le titre de joueur défensif de l'année chez le CF Montréal.
Le problème? Wanyama n'avait rien gagné du tout. Le joueur désigné venait seulement d'être identifié comme l'un des trois nommés en lice pour l'obtention de cette distinction maison.
Évidemment, ses coéquipiers se sont immédiatement payé sa gueule sans retenue aucune, n'accordant pas la moindre importance à la possibilité que le grand Kenyan avait simplement compris quelque chose de travers durant le discours bilingue du maître de cérémonie. L'occasion de se moquer était trop belle.
Mais sérieusement, personne n'aurait froncé les sourcils si Wanyama avait, comme il le croyait, hérité du trophée. On n'aurait pas non plus crié au scandale si Joel Waterman, l'autre nom sur les bulletins de vote, s'était attiré la faveur des électeurs. Et bien franchement, Kamal Miller et Rudy Camacho auraient légitimement pu être inclus dans la discussion.
C'est le signe d'un effectif bien nanti, mais aussi d'une équipe qui, après un début de saison sous le signe de la générosité, s'est drôlement ressaisie dans le secteur défensif.
Le CF Montréal a accordé au moins deux buts dans chacun de ses cinq premiers matchs de la saison. De cette séquence, on retient notamment une dégelée contre New York City FC, un nul difficile à avaler à Atlanta et une victoire complètement dingue contre Cincinnati.
Le reste du chemin n'a pas été lisse, mais les choses se sont drôlement replacées. Montréal a concédé plus d'un but dans seulement neuf de ses 29 parties suivantes. N'eut été du but contre son camp de Joel Waterman dimanche dernier contre l'Inter Miami, la troupe de Wilfried Nancy aurait terminé l'année sur trois jeux blancs consécutifs.
Au classement final, les chiffres ne sont pas nécessairement reluisants. Dans l'Est, trois équipes qui ne se sont pas qualifiées pour les éliminatoires ont accordé moins de buts que le Bleu et Noir, qui a concédé six buts de plus en 2022 qu'en 2021.
Un regard sur d'autres registres statistiques permettent toutefois de poser un regard plus indulgent sur le rendement défensif du CFM. Sur WhoScored, par exemple, on apprend que Montréal n'a concédé que 9,3 tirs par match sur l'ensemble de sa saison. Seuls les Red Bulls de New York ont fait mieux à l'échelle de la Ligue.
Selon Footystats, l'Impact a aussi maintenu une moyenne de 1,28 but contre attendu (expected goals against) par rencontre, n'étant devancé ici aussi que par les Red Bulls. À domicile, cette estimation descend à 1,08, une référence en MLS. Il faut ici comprendre que l'équipe donnait très peu de chances qui devaient, selon les probabilités, finir dans le fond de son but.
« Je suis juste content de constater le progrès qu'on a accompli tout au long de l'année, a retenu Alistair Johnston après avoir vanté le mérite de ses coéquipiers. Si on remonte au tout début de la saison et qu'on regarde où on est aujourd'hui, je trouve que défensivement c'est le jour et la nuit. »
Ce progrès évoqué par Johnston peut en partie s'expliquer par la stabilité acquise en cours de route à la position de gardien. Plombé en début de saison par les largesses occasionnelles de Sebastian Breza, le CF Montréal s'est montré plus étanche à partir du moment où James Pantemis a été réinséré dans l'équation. L'international canadien n'a pas été sans faute, mais il a néanmoins affiché un taux d'efficacité de onze points de pourcentage supérieur à celui de son partenaire. Il a aussi réussi un blanchissage même s'il a disputé deux fois moins de matchs.
Mais Johnston a aussi parlé de la période d'adaptation qui a été nécessaire en début d'année afin que ses confrères et lui assimilent toutes les subtilités de la vision de jeu de Nancy, qui demande notamment à ses défenseurs de garder patiemment la possession du ballon dans le but d'aimanter les adversaires qui doivent appliquer de la pression et ainsi ouvrir les espaces derrière.
Pour lui particulièrement, qui s'est amené avec l'équipe durant l'entre-saison, la transition a été « difficile ».
« Le personnel d'entraîneurs nous avait prévenus d'emblée, il allait pratiquement falloir oublier tout ce qui nous avait été enseigné sur la façon de jouer au soccer. En tant que défenseur, on nous apprend à faire circuler le ballon vers l'avant le plus vite possible. Ici, on nous demandait d'attendre qu'un attaquant vienne nous écraser les orteils avant de faire une passe. Il a fallu effacer plusieurs automatismes qui étaient installés dans notre subconscient. »
Comme preuve de la réussite de ce projet personnel, Johnston s'est vu remettre un beau trophée jeudi. Sur l'estrade, il l'a soulevé à bout de bras, sans doute pour ajouter une couche aux moqueries dont Wanyama était encore la cible.
Mais il n'avait pas besoin de cette marque de reconnaissance pour savoir que le travail avait porté fruits.
« Je pense que notre position au classement dit tout ce qu'il y a à savoir sur l'état de notre défense. »