Hernan Losada défend ses idées et prône la patience
MONTRÉAL – Avant ou après les entraînements, il n'est pas rare de voir Hernan Losada s'emparer d'un ballon pour tuer le temps.
Il peut rester seul pendant de longues minutes, l'air pensif, à le faire rebondir sur ses pieds et ses genoux. Parfois, il inclut ses adjoints dans ses petits jeux. Mercredi matin, Laurent Ciman, Sebastian Setti et lui ont attendu leurs joueurs en s'envoyant de longues transversales qu'ils réceptionnaient de la poitrine et se renvoyaient à la volée.
Deux heures plus tard, Losada pouvait être aperçu dans une surface de réparation en train de mettre au défi les jeunes Sea Rea, Nathan Saliba, Rida Zouhir et Mathieu Choinière dans une compétition de tirs au but.
Si on ne savait pas qu'il s'agit de l'entraîneur, on conseillerait au CF Montréal de lui offrir un contrat sans attendre. Le gars, pour vrai, donne l'impression qu'il pourrait donner un bon coup de main à son équipe s'il décidait d'accrocher son sifflet et de rechausser les crampons. Surtout en ces temps où les buts se font rares et où le onze montréalais serait bien malavisé de refuser un peu d'expérience et de créativité au milieu de terrain.
« Non, non, non, s'est interposé Losada quand cette possibilité est arrivée à ses oreilles cette semaine. J'ai arrêté il y a quatre ans et je ne suis plus là physiquement. J'adorerais ça, mais ce n'est plus possible. Ça me manque encore, par contre. C'est pourquoi je répète continuellement à mes joueurs qu'il n'y pas de plus beau métier et qu'il ne devrait rien prendre pour acquis parce que le temps passe si vite. »
Cette question étant réglée, où devrait-on regarder pour trouver des solutions?
Vous pouvez toujours nous compter dans le camp de ceux qui croient que la patience, cette précieuse vertu qu'on a souvent le réflexe de remiser quand les résultats se font attendre, apaisera éventuellement bien des inquiétudes. L'adaptation à un nouveau projet de jeu, l'intégration de nombreux jeunes joueurs et la difficulté du calendrier – dans les kilomètres voyagés comme dans l'identité des adversaires – sont autant de circonstances qui peuvent justifier l'aridité des résultats obtenus jusqu'ici. Même si certaines d'entre elles sont le fruit de décisions organisationnelles qui méritent d'être débattues, nous décidons pour l'instant de laisser la chance aux coureurs.
Ça ne veut pas dire qu'on doive attendre sans se poser de questions.
Après la défaite de samedi à Nashville, Losada s'est fait demander s'il pourrait être tenté de modifier son schéma tactique dans l'espoir de secouer une équipe qui est toujours à la recherche d'un premier but. Sa réponse, paraphrasée : l'effectif à sa disposition est construit pour jouer avec trois défenseurs centraux, notamment parce qu'on n'y trouve pas de latéral gauche naturel, et c'est ainsi qu'il continuera à déployer ses hommes.
L'entraîneur a été relancé à ce sujet mercredi sur la prémisse que Kamal Miller – qui est présentement blessé et sera indisponible pour le prochain match – a déjà été déployé à l'extrémité gauche d'une défense à quatre en début de carrière avec Orlando City SC.
« Je sais qu'il peut faire ça, mais ils étaient aussi beaucoup meilleurs [quand il jouait] comme défenseur central, a-t-il répondu en ne fermant toutefois aucune porte. On verra. Pourquoi pas? C'est aussi une option si les choses marchent moins bien et qu'on a vraiment besoin de voir d'autres formations. Mais à mon avis, le système avec deux attaquants et deux latéraux qui appuient l'attaque, ça fait bien avec des joueurs du profil qu'on a sur l'équipe. »
Dans un contexte où le CF Montréal compte sur peu de joueurs ayant prouvé leur valeur offensive en MLS, une réorganisation des forces en présence pourrait avoir comme effet d'offrir plus de liberté à Lassi Lappalainen, qui avait été un redoutable buteur à son arrivée à Montréal.
Comme ailier dans le 4-4-2 de Rémi Garde, Lappalainen avait marqué quatre buts en seulement 250 minutes. Il en avait ajouté un, dans un rôle d'attaquant, pendant le bref règne de Wilmer Cabrera. Son rôle avait commencé à changer à travers les nombreuses expérimentations de Thierry Henry, mais toujours avec un certain succès offensif. À sa deuxième saison en MLS, le Finlandais a mis quatre buts en 680 minutes. C'est sous Wilfried Nancy qu'il a définitivement été encastré dans ses fonctions actuelles.
Le temps ne serait-il pas bien choisi pour aller voir si une partie de la solution se trouverait dans cette direction?
« J'ai parlé avec lui et je lui ai posé la même question. Comment est-ce que tu joues avec l'équipe nationale? Il m'a dit ‘avec trois derrière comme latéral à gauche', comme ici. L'année dernière, la même chose. Il y a deux ans, même chose. Il a déjà joué comme ailier gauche, ce qui est plus ou moins la même position, mais je suis d'accord que peut-être on peut exploiter toutes les qualités de Lassi s'il joue un peu plus devant, où il aurait moins de responsabilités pour défendre. Ça, je suis d'accord. Mais ça, c'est la meilleure position pour lui. »
Losada protège de la même façon ses idées quand on lui pose une question au sujet de Sunusi Ibrahim, peu visible depuis le début de la campagne.
« On ne va pas oublier que Sunusi, il a 20 ans. Il est très jeune. Je pense qu'on a 13 ou 14 joueurs dans l'effectif qui ont 18, 20, 22 ans. Donc on va être patients », prévient Losada.
Et nous donnerons la chance au coureur. Autant il est trop tard pour que Losada ressuscite sa carrière de joueur, autant il serait prémédité de porter des jugements trop acérés sur ce qu'il veut implanter comme entraîneur à Montréal.