Est-ce que l'argent peut acheter la crédibilité?
Depuis quelques années, le monde du sport est de plus en plus influencé par les investissements du monde arabe, en particulier ceux de l'Arabie Saoudite.
On peut penser, encore récemment, à toute la saga entourant la création de la LIV en opposition à la PGA au golf. Cette histoire, ultimement, a trouvé sa conclusion quand tout le monde s'est regardé dans le blanc des yeux afin de trouver un terrain d'entente, mais surtout, un arrangement monétaire qui ferait l'affaire de tout le monde. Ce qui a été une brève guerre est maintenant le début d'une nouvelle association avec, on présume, des tournois de la PGA en sols saoudiens plus tôt que tard.
Les fortunes sans fin du monde arabe investissent aussi, souvent sans compter, dans différentes organisations sportives. Pensons au soccer, par exemple, et aux grands clubs comme le Paris Saint-Germain, Manchester City et Newcastle, sans parler de Manchester United qui est très convoité par des investisseurs du Qatar.
Il y a aussi les grands événements commandés par le monde arabe pour que le regard du reste de la planète se tourne favorablement vers eux. Il y a eu la Coupe du monde au Qatar, par exemple, les événements périodiques de la WWE, les Grands Prix de F1 et plusieurs autres dans les cartons pour les prochaines années. Ce phénomène, dans le jargon, c'est le «sportswashing». En bref, c'est une façon de mettre le sport à l'avant-plan afin de rétablir son image de marque auprès du reste du monde.
C'est une vieille pratique qui trouve une filiation jusqu'à l'Allemagne nazie et les Jeux olympiques de Berlin en 1936, sauf que le décloisonnement du monde arabe se fait avec d'énormes ressources financières et des tentacules qui s'étendent jusqu'en Amérique depuis la fusion de la LIV et de la PGA. Ce n'est qu'une question de temps avant que des intérêts saoudiens ou qataris achètent des parts, ou la totalité, d'une équipe sportive nord-américaine.
En attendant ce moment, on peut retourner dans le monde du soccer pour voir l'émergence du Championnat d'Arabie saoudite.
Créer une nouvelle puissance avec des chèques en blanc
Pour la plupart des amateurs de soccer, le Championnat arabe n'est pas une compétition sur leur radar. Surtout que la ligue fait partie de la Confédération asiatique de football, donc, de ce fait, elle n'envoie pas son équipe championne en Ligue des champions de L'UEFA contre les puissances d'Europe. On parle plutôt de la Ligue des champions asiatique où Al-Hilal a remporté quatre trophées en plus de cinq participations sans succès à la finale.
Mais la réalité du Championnat saoudien a changé drastiquement quand, après sa deuxième rupture avec Manchester United, Cristiano Ronaldo a signé une entente monstre afin de rejoindre Al-Nassr en janvier dernier.
Depuis, quand un joueur d'importance en Europe parle de changer d'équipe, les rumeurs l'envoient en Arabie Saoudite avec une offre mirobolante. C'était le cas, notamment, avec Lionel Messi avant qu'il ne rejoigne Miami en MLS.
Cet été, donc, quelques mois après la grande secousse Ronaldo, le marché des joueurs autonomes s'est activé sur la planète soccer et la valse des changements s'est invitée en Arabie Saoudite.
Parmi les grosses prises estivales, on compte le récipiendaire du Ballon d'or Karim Benzema (Al Ittihad), N'Golo Kanté (Al Ittihad), Kalidou Koulibaly (Al Hilal), Edouard Mendy (Al Ahli), Marcelo Brozovic (Al Nassr) et Ruben Neves (Al Hilal).
On peut aussi ajouter les nombreuses rumeurs qui envoient d'autres gros noms de la scène mondiale comme Hakim Ziyech et Pierre-Emerick Aubameyang en Arabie pour la prochaine saison.
En l'espace de quelques semaines, le championnat saoudien a ajouté plusieurs joueurs de gros calibre en provenance de la Premier League et de La Liga, par exemple, et on parle de trois formations (Al Ittihad, Al Nassr et Al Hilal) qui dépensent presque sans compter. Maintenant, le haut du championnat sera disputé lors des affrontements entre Karim Benzema et Cristiano Ronaldo, pour ne nommer que ceux-là.
Est-ce que le Championnat saoudien pourra s'inviter dans la cour des grands dans un avenir rapproché ?
C'est un peu le défi que se lancent les investisseurs des équipes. Créer une destination de choix pour les grandes vedettes du soccer mondiales et offrir une compétition crédible aux grands championnats d'Europe.
Mais, parce qu'il y a un mais, est-ce que la crédibilité va suivre la piste des gros chèques ?
La question se pose puisque d'autres championnats en Europe, comme La Liga et la Bundesliga, par exemple, se positionnent avec des équipes très riches au sommet et un milieu de peloton moins influent sur l'échiquier mondial. Les joueurs de talents vont regarder le FC Bayern d'un bon œil, mais ne voudront pas forcément signer une offre avec un club de milieu de classement comme Wolfsburg.
Il y a aussi le spectre indélogeable de la Premier League anglaise qui domine, d'une année à l'autre, le monde du soccer. Ça se voit dans les droits de diffusion, l'intérêt médiatique et le regard des partisans tourné vers les activités anglaises.
On peut donc se demander si tout ça n'est pas qu'un gros coup d'épée dans l'eau pour, finalement, vendre quelques billets dans les luxueux stades de l'Arabie saoudite. Ce n'est pas si mal, remarque, dans la mesure où les partisans de ces clubs seront choyés avec les nouvelles vedettes en visite.
Mais ça prend plus que quelques gros noms pour faire une grande ligue, la MLS en sait quelque chose alors qu'elle peine encore à percer à l'extérieur de l'Amérique.
On surveille donc le Championnat d'Arabie saoudite du coin de l'œil, sauf que nos attentes seront modérées. Après tout, Cristiano Ronaldo est sur le chemin de la retraite et Karim Benzema, à 35 ans, a probablement son meilleur soccer dans le rétroviseur déjà.