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L'opération séduction de Marinette Pichon

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MONTRÉAL – Marinette Pichon revient tout juste de France, mais il ne s'agissait pas d'un voyage de plaisance. Pendant que les amateurs de soccer montréalais attendent impatiemment le dévoilement du nom et des couleurs de la prochaine équipe qui s'installera dans la métropole, son architecte travaille discrètement à l'érection de son effectif.

Nommée directrice sportive du club québécois de la Super Ligue du Nord (SLN) en juin dernier, Pichon avait déjà commencé à pointer son radar sur quelques pistes à saveur locale. En se rendant à Paris pour assister au tournoi olympique, elle a pu « élargir la vision » qu'elle a de l'équipe qui prendra forme en 2025.

« Le niveau, je le connaissais pour avoir été internationale pendant 14 ans, raconte en entrevue à RDS l'ancienne as buteuse de l'équipe de France. Je sais quel est le niveau requis pour avancer dans un groupe professionnel, même un groupe qui va être nouveau. Ça a été intéressant d'établir un premier contact avec des joueuses internationales. J'ai eu la chance de pouvoir me présenter, de pouvoir discuter avec les entraîneurs aussi, de parler de la ligue, de parler de ses objectifs et de ceux du club. »

Le travail en est un de longue haleine et ne fait que commencer. Le prochain événement sur la liste de Pichon – elle suivra celui-là à distance – est la Coupe du monde des moins de 20 ans qui débutera le 31 août en Colombie. Mais elle gardera aussi un œil sur les joueuses qui évoluent dans les réseaux universitaires américain et canadien. « Tous les contacts et les réseaux sont actifs », dit celle qui est épaulée par un adjoint dont l'identité n'a pas encore été dévoilée.  

Les six entités originales de la SLN pourront être composées d'un maximum de 23 joueuses, dont sept « internationales ». Chaque équipe pourra compter sur une joueuse désignée dont le salaire ne sera pas comptabilisé sous le plafond salarial fixé à 1,5 M$. Quatre joueuses canadiennes de moins de 18 ans seront aussi intégrées dans le projet de chaque marché.

Aucun contrat ne peut être signé avant le début de la prochaine année, mais des ententes de principe peuvent être conclues d'ici là.   

Pour Pichon, le défi est « stimulant, galvanisant ». La première Française de l'histoire à signer un contrat de joueuse professionnelle a déjà été directrice générale d'un club dans son pays natal. Un club qui a participé à la Ligue des champions, précise-t-elle. « Mais j'étais toujours dans un processus où j'arrivais et je prenais le relais de quelqu'un, c'est-à-dire que les joueuses étaient là, le coach était là, l'équipe était là. Je devais juste y apporter quelques changements, apporte-t-elle comme nuances. Là ce qui est différent, c'est qu'il y a tout à écrire. »

Alors quels mots choisit-elle pour vendre à une recrue potentielle une ligue qui n'existe pas dans un marché où tout reste à construire? Notre interlocutrice attendait cette question. Sans attendre, elle décline les six piliers sur lesquels elle souhaite asseoir sa vision. Elle explique vouloir mettre l'accent sur les valeurs recherchées par son organisation, l'importance qu'elle accordera au développement de chaque joueuse, la philosophie de jeu qu'elle veut mettre de l'avant, les caractéristiques recherchées chez un futur entraîneur, les éléments tactiques qui lui sont chers et la beauté du milieu de vie où elle s'est elle-même enracinée il y a cinq ans.  

« Je suis toujours très transparente avec les joueuses, avec les agents. On vend un projet dans lequel on croit à 200%, mais on ne le vend pas à tout prix. On garde les deux pieds sur terre. Les conséquences quand on s'engage à quelque chose et qu'on sait qu'on ne tiendra pas ses promesses, c'est aussi une perte de crédit. Pour l'avoir vécu dans ma carrière de haut niveau, aujourd'hui ces joueuses méritent le respect et méritent la transparence. »  

« Il va nous falloir des joueuses de renom »

Le mandat que s'est vu confier Marinette Pichon est grandiose, mais peut aussi être étourdissant, intimidant.

Ses homologues de la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin, qui a vu le jour en 2023, ont bâti leur effectif en pigeant dans un bassin limité de joueuses qui s'étaient déclarées admissibles à un repêchage. La tâche n'était pas sans enjeu, mais les règles du jeu étaient claires, la marge d'erreur relativement grande. Pichon a du temps devant elle, mais un territoire immensément vaste à couvrir et est dans le néant quant à ce que ses semblables de Halifax à Vancouver mijotent.

Quel sera le niveau de jeu offert par la SLN lors de sa saison inaugurale? Quel est le profil des joueuses qui accepteront de tenter l'aventure dès l'An 1 de ce circuit embryonnaire?

Pichon confirme qu'elle voudra offrir des maillots au plus grand nombre possible de joueuses québécoises. Mais a-t-elle les arguments nécessaires pour convaincre des vedettes internationales comme Vanessa Gilles (Lyon), Évelyne Viens (AS Roma), Gabrielle Carle (Washington) ou Marie-Yasmine Alidou (Benfica), par exemple, de rentrer au bercail?

« Notre championnat est décalé par rapport aux championnats européens. Notre saison va commencer en avril tandis que les autres commencent en septembre et vont se terminer en juin. Donc il y a cette première difficulté », évoque-t-elle en introduction.

« Ensuite, il faut être capable de se dire que c'est un projet naissant, un projet qui ne risque pas de répondre dans un premier temps à un certain niveau de compétitivité comparé aux autres championnats qui existent depuis plusieurs années. Mais pour commencer quelque part, il va nous falloir des joueuses de talent et de renom pour venir apporter leur pierre à l'édifice et amener leur héritage. Donc c'est évidemment un vrai challenge, une vraie période de séduction entre le club, la directrice sportive et les joueuses pour leur faire comprendre que non, ce n'est pas du rêve, non ça ne va pas se faire en une seule année, mais que grâce à ces talents-là, on sera capable d'atteindre ce niveau vers lequel on veut tendre d'ici deux ou trois années. »

Celle qui était auparavant directrice générale du Club de soccer de Lasalle parle de « discussions qui s'établissent avec plein de joueuses de talent », mais note que plusieurs de ces joueuses ont des ententes à respecter avec leurs clubs respectifs. Elle est ambitieuse, mais prône la patience.

« Les termes pour séduire sont là, on a ce qu'il faut. C'est juste qu'il nous faut peut-être débuter cette première année pour aller chercher la validation du niveau de jeu et du fonctionnement de la ligue pour s'assurer qu'on est fiables. C'est comme tout, les joueuses ont besoin de stabilité. On ne quitte pas un projet stable avec un contrat de plusieurs années pour venir dans une ligue qui n'a pas encore fait ses preuves. Mais on va leur montrer que cette ligue est viable sur le long terme. »

« Aujourd'hui je n'ai pas d'inquiétude sur le fait que ces jeunes filles et jeunes femmes de notoriété vont venir sur notre territoire. Quand? Ça devient une question de timing. »