Le baptême précoce de Lysianne Proulx
MONTRÉAL – Ça va vite ces jours-ci pour Lysianne Proulx.
Sur le terrain, la jeune gardienne de but s'efforce de retrouver ses repères après de longs mois d'inactivité. Ce genre de remise à niveau nécessite toujours une certaine période d'adaptation. Lorsqu'elle survient dans un calibre de jeu encore jamais exploré, le degré de difficulté s'en retrouve magnifié.
Et quand ce calibre de jeu est celui produit par l'une des meilleures équipes nationales au monde, il y a de ces matins où on a intérêt à être bien réveillée.
« Ça a été un choc assez fort... mais dans le bon sens! », s'empresse de spécifier la portière de 23 ans.
Une habituée de l'Unifolié, qu'elle a représenté à plusieurs occasions depuis le niveau U15, Proulx porte le maillot rouge pour la première fois au niveau senior. Le mois dernier, elle a été l'une des quatre gardiennes convoquées par Canada Soccer pour un camp préparatoire en vue du Championnat féminin de la CONCACAF, un tournoi qui offre à l'enjeu une qualification pour la Coupe du monde de 2023 et pour les Jeux olympiques de Paris l'année suivante. En fin de semaine, elle était à bord de l'avion qui a transporté le groupe au Mexique, où se déroulera la compétition.
Le Canada disputera son premier match de la phase de groupes mardi contre Trinidad et Tobago. En l'absence de Stéphane Labbé, nouvellement retraitée, et de l'expérimentée Erin McLoed, Proulx occupera le poste de troisième gardienne derrière Kailen Sheridan et Sabrina D'Angelo.
« Je voudrais jouer, c'est sûr, mais je sais que c'est l'occasion pour moi d'apprendre le plus possible, de tirer profit de toutes les ressources qui sont à ma disposition ici, dit celle qui a grandi à Boucherville. Les entraîneuses, les joueuses, toutes les séances d'entraînement. J'essaye d'apprendre le plus possible et d'appliquer ce que j'apprends. Et à partir de ça, le but éventuellement sera de faire mon chemin jusqu'en haut. »
« Je suis rentrée. L'étape suivante, c'était de rester. Maintenant, c'est de me battre pour la première place. »
Une remise en forme en accéléré
Si elle est présentement plus qu'à l'aise avec le rôle de troisième violon, c'est que Lysianne Proulx ne s'attendait pas à ce qu'on lui fasse une place dans l'orchestre en 2022.
« Ça a toujours été dans les plans, mai je pensais que j'allais jouer une année ou deux chez les professionnelles et que l'équipe nationale allait venir après. C'est venu beaucoup plus tôt que je pensais », admet celle qui vient de terminer un parcours de cinq ans à l'Université de Syracuse.
Le scénario est d'autant plus improbable que la Québécoise se remet à peine d'une importante blessure à un poignet. Opérée à la fin janvier, son bras était encore immobilisé dans un plâtre lorsqu'elle a été mise en contact pour la première fois avec la nouvelle entraîneuse des gardiennes de l'équipe nationale. Elle lui a tout dit de sa situation, lui a expliqué où, avec qui et comment elle s'entraînait pour ne pas trop perdre la main.
Les deux femmes se sont laissées sans promesses, mais Proulx venait de se trouver un nouvel objectif.
« Quand le calendrier pour la CONCACAF est sorti, début avril, ça faisait peut-être une semaine que je m'étais fait enlever mon plâtre. Je l'ai envoyé à mon entraîneur en lui disant "I wanna go!". Alors sans vraiment savoir si j'aurais l'opportunité d'y aller, on travaillait pour ça. »
À la fin du mois, elle a reçu un nouveau message de l'entraîneuse canadienne, qui voulait prendre des nouvelles. Avec Vincent Tuffier, son ostéopathe et entraîneur personnel, « on a commencé à planifier ce qu'on allait faire, comment on voulait progresser ». À la mi-mai, une invitation officielle avec la sélection lui était transmise.
« Ça a été un processus en accéléré pour que je revienne à 100%. »
Partir pour mieux revenir?
Dans les prochains jours, la nouvelle recrue de la sélectionneuse Bev Priestman s'attend à avoir une autre bonne nouvelle à communiquer. Ses agents seraient en effet en négociation pour la faire entrer dans un club professionnel « en Europe, ou peut-être au Mexique ».
Il s'agirait là d'un autre dénouement positif découlant au départ d'un scénario décevant. En décembre dernier, Proulx s'était déclarée admissible au repêchage 2022 de la National Women's Soccer League (NWSL). Le jour venu, elle a été ignorée par les douze clubs du circuit.
« Je me suis fait dire que j'étais trop petite, que j'étais jeune et que j'étais Canadienne, donc je prenais une place internationale. Et puis je venais d'un programme comme Syracuse qui n'est pas reconnu pour produire des joueuses de la NWSL. Tout ça ne m'a pas trop affecté parce qu'il n'y avait rien là-dedans qui était de mon contrôle. Je me disais si une équipe m'avait vraiment voulu, rien de tout ça n'aurait eu d'importance. »
Ce détour dans sa route, Proulx décide aujourd'hui de le voir comme une bénédiction. Il lui a notamment permis de résoudre son dilemme au moment où elle hésitait à passer sous le bistouri. Qui sait si elle aurait été en état d'accepter l'invitation de son pays si elle s'était engagée dans une autre voie à l'intersection.
« Dans un sens, je crois que la bonne chose est arrivée. J'aimerais jouer dans la NWSL un jour. C'est une belle ligue, une grosse ligue. Ce n'est peut-être juste pas pour maintenant. »