Fin annoncée pour Serena Williams
COLLABORATION SPÉCIALE
Il fallait bien que cela arrive à un moment donné alors Serena nous apprend en ce jour qu'elle mettra fin à sa carrière de joueuse dans un avenir rapproché. Le tout est annoncé dans un majestueux coup d'éclat aujourd'hui grâce à un magnifique dossier dans le magazine Vogue. Comme tout ce qui implique les grandes stars est d'abord et avant tout un grand coup de marketing, on peut facilement s'imaginer que la grande championne fera ses adieux de la compétition au US Open. Après tout, c'est bien là que la cadette prouve en 1999 qu'elle est prête à dépasser tout le monde sur le circuit, y compris sa sœur et idole Venus en remportant son premier Grand Chelem en simple.
Serena est une championne hors norme, pour qui le sujet de la retraite est tabou, voire même malaisant à évoquer. Pourtant, elle ne se gêne pas pour avouer qu'elle admire Ashley Barty qui prend sa retraite en pleine gloire après avoir glané le titre à Melbourne cette année, bien installée à la première place mondiale. Williams aimerait bien aussi imiter sa grande copine Caroline Wozniacki, qui avait hâte de mettre fin à sa carrière de compétitrice alors qu'elle ne ressent que bonheur et soulagement depuis qu'elle a rangé les raquettes.
On comprend aussi dans un sens les grandes hésitations de Serena à mettre fin à sa carrière de joueuse. Elle aime trop faire le spectacle, partager cet immense désir d'aller au bout de ses rêves, peu importe le chemin à emprunter pour parvenir à ses fins. Combien de fois, lorsque menacée, Serena tente de gérer un trop-plein d'émotions pour prouver que la petite fille de Compton est la meilleure! J'ai rarement vu un compétiteur (trice) exercer son métier avec autant de rage au cœur. Quelques fois cela lui permettait de créer des revirements spectaculaires en sa faveur. D'autres fois, comme lors de ses quatre dernières finales Grand Chelem pour d'abord égaler les 24 titres de la grande Margaret Court et éventuellement la dépasser, cet excès, surabondance d'énergie mal gérée, l'amènera à vivre de grandes douleurs. Disqualification, crises de nerfs gigantesques, menaces de mort proférées à une juge de ligne, attitude limite du « fair play », rien pour l'aider à être suffisamment sereine pour exceller et juste bien jouer quand la pression est omniprésente.
Vous vous imaginez comme sa vie est compliquée depuis sa 4e finale perdue de suite de suite à New York en 2019 devant notre Bianca Andreescu? Le fichu virus met un stop à toute forme d'élan qu'elle avait, les blessures la ralentissent, elle veut revenir, mais ne se sent pas à la hauteur. Finalement, son coach Patrick Mouratoglou, avec qui elle glane dix couronnes Grand Chelem, lui lance un ultimatum: « Je te vois lundi prochain sur le court d'entrainement ou je suis libre de toute entente avec toi. » On connait la suite: Patrick entraine maintenant Simona Halep tandis que comme par magie, revoilà Serena à Eastbourne pour jouer en double avec Ons Jabeur et finalement tenter sa chance à Wimbledon. Elle s'incline d'entrée devant Harmony Tan, dans un match un peu fou, qui nous prouve que la grande championne qu'elle fut est bien loin d'un niveau décent et...que la fin approche.
La bonne nouvelle c'est que Serena a fait le point avec sa thérapeute. Elle a toujours le mot « retraite » en horreur, mais elle est dorénavant fière de ses 23 Grands Chelem, 73 titres au total en simple et ses quatre médailles d'or aux Olympiques. Pendant trois décennies à se battre comme une mort de faim l'amène aussi à la 1e place mondiale pendant 186 semaines consécutives à égalité avec Steffi Graf, une autre grande dame du tennis. Au-delà de tout, elle amasse une fortune colossale qui lui permet d'investir dans toutes les causes qui lui tiennent à cœur. Elle rajoute ceci: « Les hommes millionnaires et milliardaires s'encouragent entre eux, alors pourquoi je ne serais pas celle qui pousse pour l'avancement de la femme d'affaires qui commence, celle qui souffre de pauvreté ou qui peine à développer le talent de ses petits par manque de ressources? » Et bien voilà notre Serena prête à vivre de belles choses à la hauteur de ses nouveaux rêves. Soit dit en passant, elle essaie aussi d'avoir un autre enfant puisqu'Alexia voudrait bien une sœur...
Petite anecdote en terminant: la dernière fois que j'ai interviewée Serena, c'était sur le central du Parc Jarry il y a quelques années. Elle vient de gagner son match et se présente à mes côtés souriante et bien dans sa peau. Je lui glisse ceci à l'oreille alors que je sais qu'elle suit des cours de français, car la langue de Molière la passionne. « Serena, faisons l'entrevue au micro du central et en direct à la télé en français. Fais-moi confiance, les gens vont t'adorer ». Elle est d'accord et se prête au jeu. Dès ses premières paroles, la foule explose de joie alors que Serena a les yeux remplis d'étoiles, tout simplement heureuse d'être porteuse de bonheur. Chaque fois que je la croise durant la semaine, elle me pointe du doigt, grand sourire aux lèvres et regards intenses.
Selon Sophie Dorgan de l'Équipe, Serena passe toute sa carrière prise dans un étau de ses oppositions: celle qui tue sur le court et celle qui materne en dehors. Je suis bien d'accord qu'elle a longtemps trouvé sa force dans la colère. Espérons pour cette nouvelle étape de sa vie qui aura un impact encore plus grand sur la société que toutes les dernières expériences vécues, même si difficiles, lui auront permis de se façonner un équilibre. Je cite en terminant Eleanor Roosevelt, femme du président des États-Unis Franklin, dans les années 30 et 40: « L'avenir appartient à ceux qui croient en la beauté de leurs rêves »...Des rêves, Serena a en plein la tête maintenant...