MONTRÉAL –  Trevor Timmins marchait en direction du vestiaire des Blue Jackets quelques minutes après que Cole Caufield eut soulevé la foule et propulsé le Canadien vers une victoire de 4-3 en prolongation.

Il suivait de quelques pas le directeur général Jarmo Kekäläinen, son nouveau patron avec les Jackets, lorsqu’il s’est retourné pour me lancer : «Je dois bien être responsable de cette défaite», que l’ancien directeur du recrutement du Canadien a lancé avec un sourire en coin.

Car oui, c’est Timmins qui a sélectionné Cole Caufield au 15e rang de la première ronde du repêchage de 2019.

Congédié il y a près de deux ans en même temps que son ancien patron Marc Bergevin, Trevor Timmins visitait le Centre Bell pour la première fois depuis son départ en novembre 2021.

Cole Caufield a eu un très gros mot à dire dans la quatrième victoire du Canadien en sept matchs disputés jusqu’ici cette saison. La deuxième en prolongation.

Car en plus d’avoir marqué avec son redoutable tir – son huitième cadré dans un match au cours duquel il en a décoché 12 – Caufield s’est aussi fait complice de deux autres buts. Des buts importants : le premier marqué par Mike Matheson avec 17 secondes à écouler en deuxième; le deuxième marqué par Sean Monahan en milieu de troisième qui a fait dévier un tir de Caufield derrière le gardien Elvis Merzlikins.

Ces deux buts, marqués en avantage numérique en prime, ont permis au Canadien de niveler les chances et de pousser la rencontre en prolongation. Une prolongation endiablée au cours de laquelle le Canadien a dû se défendre à trois contre quatre pendant 66 secondes avant que Brendan Gallagher ne puisse sortir du cachot.

«On devait mettre fin au match en début de prolongation», que l’entraîneur-chef Pascal Vincent a convenue après un revers qui est venu ombrager son premier match en carrière au Centre Bell à titre d’entraîneur-chef dans la Ligue nationale.

Et ce n’est pas comme si les Jackets n’avaient pas eu d’excellentes occasions pour y arriver. Ils ont mis Samuel Montembeault à l’épreuve trois fois plutôt qu’une. Mike Matheson a aidé la cause de son gardien et de son équipe en s’allongeant sur la patinoire pour bloquer son cinquième tir du match.

Oui! Les Jackets ont passé proche, mais ils ont dû se contenter du point de consolation. Un point qui semblait bien insuffisant considérant la domination totale des Jackets en première période et les deux avances de deux buts qu’ils se sont données au cours de la rencontre.

«Des avances de deux buts n’ont plus la même signification qu’avant dans la Ligue nationale. Mais on avait le contrôle du match», a renchéri Pascal Vincent.

Est-ce son équipe qui l’a perdu de contrôle? Est-ce le Canadien qui est venu lui ravir des mains?

«Un peu des deux. Le Canadien est rapide. C’est un club qui travaille. C’était prévisible qu’il prendrait des moyens pour revenir et les joueurs de l’autre côté l’ont fait. En même temps, des études démontrent que les équipes qui profitent d’avances ont parfois tendance à modifier leur manière de jouer pour protéger ces avances au lieu de maintenir le niveau d’intensité qui a permis de les obtenir. C’est un peu ce que j’ai vu de notre côté ce soir», a poursuivi l’entraîneur-chef des Jackets.

St-Louis secoue ses troupes

Ce que Pascal Vincent ne savait pas au moment de dresser son analyse du revirement de situation qui a coulé son club, c’est que son vis-à-vis Martin St-Louis a soulevé son équipe avec un discours enflammé après un premier tiers un brin désolant.

«On était têtu» que Martin St-Louis a plaidé pour justifier sa décision d’apostropher ses joueurs au cours du premier entracte.

Une manière très polie de dire que ses joueurs étaient au neutre. Qu’ils étaient même absents tant ils n’offraient pas la moindre opposition aux Jackets.

Le message a porté. Nick Suzuki qui semblait avoir encore oublié qu’il a le droit – et le talent nécessaire surtout – pour décocher de bons tirs en direction de la cage ennemie a finalement marqué son premier but de la saison dès la 27e seconde.

C’est toutefois en troisième période que le Canadien a pris le contrôle total du match. Avec un recul de 1-3 sur le bras, le Canadien a multiplié les assauts en zone ennemie. Il a multiplié les bonnes et les très bonnes occasions de marquer avec les résultats qu’on connaît.

C’est à cause de Cole Caufield que les Jackets ont finalement perdu ou grâce au petit Cole et à la puissance et la précision de son tir que le Canadien a gagné.

C’est aussi grâce à la performance impériale de Mike Matheson jeudi soir. En 27 présences totalisant 28 min 3 s de temps d’utilisation, Matheson a marqué un but, il s’est fait complice d’un autre et a été le quart-arrière qui a orchestré une majorité de poussées offensives du Canadien. Matheson a aussi perdu la rondelle deux fois à la ligne bleue des Jackets au cours d’attaque massive. C’est vrai. Mais il n’y a que ceux qui ne lavent jamais la vaisselle qui ne cassent pas d’assiettes de temps en temps.

En jouant comme il l’a fait, Matheson n’a pas seulement ramassé les morceaux d’assiettes qu’il a cassées en cours de match. Il les a recollés!

Samuel Montembeault a aussi fait du bon boulot devant une cage qu’il n’avait pas défendu depuis 10 jours. Bon! Il n’a pas très bien paru sur le deuxième but des Jackets, mais il s’est bien repris par la suite.

On pourrait ajouter que tous les joueurs du Canadien ont bien paru au cours d’une troisième période qui a sans doute été leur meilleure en sept matchs depuis le début de la saison.

Mais la victoire de jeudi est aussi grandement attribuable à la décision de Martin St-Louis de brasser ses joueurs comme il l’a fait. Des joueurs qui étaient d’ailleurs unanimes pour imputer à leur coach la grande responsabilité de la victoire.


Martin St-Louis l’a admis candidement après la rencontre. Il n’est pas du genre à sauter les plombs pour un tout ou un rien. Il ne veut pas «brûler ses munitions», comme il a dit. Des munitions qui peuvent sauter au visage des coachs qui jouent avec le feu et les émotions trop vite et trop souvent.

Dans la LNH d’hier et d’avant-hier, il y avait de la place, beaucoup de place, pour ce genre de coachs. Il y en a beaucoup moins aujourd’hui.

Martin St-Louis est le premier à le savoir.

Et en prenant la décision de «varloper» des joueurs qui avaient grand besoin de se faire servir un électrochoc, St-Louis a démontré qu’il se développer lui aussi comme entraîneur-chef au même titre que ses jeunes joueurs se développement sur et hors de la patinoire. Qu’ils apprennent à gagner. Qu’ils apprennent à être des leaders. Des bons coéquipiers. De bons joueurs de hockey… pendant que St-Louis apprend de son côté à devenir un très bon coach dans la LNH.