Texte tiré du site Bulletinsportif consacré au sport étudiant

Bon an, mal an, le volleyball est un des sports les plus pratiqués dans les écoles québécoises. Pourtant, on en parle trop peu. Mais lorsqu’il est joué par des athlètes d’élite, c’est certainement un des plus spectaculaires. La Sherbrookoise Emma Bergeron fait partie de ces athlètes d’élite qui méritent d’avoir plus de visibilité.

Ramenons-nous un samedi soir de février 2020 au Centre sportif Yvon-Lamarche de Sherbrooke. Le Vert et Or mène 14-10 au 5e et dernier set face aux favorites, les Carabins de l’Université de Montréal. Le 15e point pour la victoire est presqu’une formalité. Les matchs face aux Carabins ont été serrés toute l’année et c’est dans la suite logique des choses qu’un match ultime soit disputé le lendemain pour savoir qui ira en grande finale provinciale. Mais qui a dit que la logique doit toujours être respectée? Les filles de l’équipe menée par Olivier Trudel, entraîneur de l’année à 5 reprises au cours des 7 dernières saisons, n’ont pas dit leur dernier mot. Elles ont retroussé leurs manches et remonté la pente pour finalement l’emporter 16-14 et mettre fin à la saison d’Emma et sa bande.

Le Rouge et Or a le dessus sur le Vert & Or lors du match d'ouverture  locale - Volleyball - Université de Sherbrooke

Encore aujourd’hui, près de 9 mois plus tard, la douleur est vive pour la passeuse étoile du Vert et Or. Même son mentor sportif, Jean-Christophe Gagnon, n’a pas su la réconforter ce soir-là. Sauf que cette défaite n’est certainement pas ce qui définit l’étudiante en enseignement préscolaire et primaire.

Emma a toujours été sportive. Très jeune elle était une adepte du plongeon. Durant huit ans, elle a pratiqué ce sport exigeant. Vers la fin du primaire, elle a participé à des petites compétitions sportives organisées à Sherbrooke. Elle avait particulièrement aimé le basketball. Lorsqu’est venu le temps de choisir son école secondaire, Emma avait bien l’intention de trouver un endroit où y jouer. Pourtant, elle a fini par s’inscrire au Séminaire de Sherbrooke, qui n’avait pas d’équipe de basket. « Après plusieurs visites dans différentes écoles secondaires, je me suis tout de suite sentie à ma place. L’interaction avec les enseignants, la place accordée au sport aussi, tout était mis en place pour que je me sente bien. »

Après une année au secondaire, c’est le volleyball qui s’est imposé. Au point de remplacer le plongeon dans son coeur et dans son horaire. « J’en avais assez du sport individuel et il faut dire que je suis quelqu’un qui se met beaucoup de pression pour réussir alors c’était mieux pour moi de faire autre chose. Je faisais du plongeon les mardis et jeudis en plus d’aller un samedi sur deux au stade olympique. Avec le volleyball les lundis et mercredis, ça faisait beaucoup. Et puis, j’ai adoré l’ambiance du volleyball. »

C’est donc ainsi que s’amorce la fructueuse carrière d’Emma Bergeron dans le monde du volleyball. Joueuse polyvalente et assez grande pour son âge, elle a été utilisée à toutes les sauces par son entraîneur Jean-Christophe Gagnon. Celui-ci a rapidement vu son potentiel et a voulu tester les capacités de sa protégée. « Au début, ma relation avec Jean-Christophe n’était pas nécessairement très bonne. Je trouvais qu’il me chicanait trop souvent. En bonne petite ado égocentrique que j’étais, je ne voyais pas qu’il cherchait à me pousser à devenir meilleure. Un jour, on a eu une bonne discussion et j’ai alors compris qu’il voulait mon bien. »

Jean-Christophe Gagnon, qui a été son entraîneur durant sept ans aux niveaux secondaire et collégial nous décrit Emma. « Dès le début, elle était déjà dominante dans un groupe très hétérogène. Par contre, même si elle était très compétitive et qu’elle voulait s’améliorer, elle savait s’adapter à la situation et garder les choses agréables pour tout le monde. Cette capacité à s’adapter à son entourage est spéciale. Ce n’est pas toujours le cas pour les athlètes de haut niveau qui ne sont jamais complètement satisfaits. »

Emma évolue non seulement dans la concentration volleyball avec l’équipe de son école, les Barons, mais également au sein de l’équipe civile du club Envolley. À force de jouer, elle a su développer sa compréhension du jeu et à partir de secondaire 3, elle a commencé à être utilisée comme passeuse. Gagnon nous explique ce choix: « Emma exerce un leadership très fort par son grand dévouement sur le terrain. Elle a besoin de toucher au ballon, d’avoir un impact sur le jeu. Elle aime trouver la faille chez son adversaire et l’exploiter. En étant passeuse, elle a trouvé sa position pour canaliser son côté compétitif. »

Son développement s’est ensuite poursuivi jusqu’à faire partie de l’équipe Estrie en 2012, puis l’équipe du Québec élite à l’été 2014, où elle jouait avec des filles plus âgées qu’elle.

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Son entraîneur de l’époque a d’ailleurs un souvenir qui l’a particulièrement marqué. « Nous participions à un tournoi provincial junior (moins de 21 ans). J’avais plusieurs absentes et je n’avais pas d’autre choix que de faire appel à Emma pour agir comme passeuse. Elle n’avait que 14 ans et a joué tout le tournoi. En demi-finale, l’équipe a battu le Celtique de Montréal, une équipe puissante qui regroupait des joueuses qui provenaient du cégep Bois-de-Boulogne et des Carabins de l’Université de Montréal. Je me souviens d’un jeu où Emma, qui pesait à peine 100 livres, a réussi un bloc percutant contre Vicky Savard, leur joueuse étoile. J’en ai encore des frissons quand je le raconte. »

Après ses années à l’école secondaire, Emma n’a pas hésité et a choisi de poursuivre sa carrière chez elle avec les Volontaires de Sherbrooke. L’arrivée de Jean-Christophe au poste d’entraîneur-chef des Volontaires la même année ne nuisait certainement pas quand est venu le moment de décider.

C’est aussi lors de l’été précédant son entrée au cégep de Sherbrooke, qu’Emma commence à jouer au volleyball de plage. Ses succès y sont d’ailleurs presque instantanés puisque pendant cinq années, elle fera partie du programme d’Équipe Québec. Les trois premières dans le programme Relève et les deux suivantes au sein de l’Équipe Élite.

En 2017, Anne-Sophie Tanguay, qu’elle avait connue au sein des équipes du Québec en volley intérieur et de plage et contre qui elle compétitionnait depuis plusieurs années, est devenue sa partenaire. Ensemble, elles ont représenté le fleurdelysé aux Jeux du Canada à Winnipeg. « C’était une super expérience même si on n’a pas obtenu les résultats escomptés. Nous visions un top 3, mais nous avons fini 6e. »

Aucune description disponible. Aux Jeux du Canada lors d’un match contre le Manitoba

Anne-Sophie, qui a joué pour le cégep Garneau au niveau collégial et qui évolue maintenant avec le Rouge et Or de l’Université Laval, nous parle de sa partenaire : « Emma et moi, on a joué dans des équipes adverses tout le long de notre parcours de volleyball. On s’est rencontré sur les équipes du Québec en volleyball intérieur, où on a un peu appris à se connaître, mais c’est vraiment sur les équipes du Québec en volleyball de plage qu’on est devenue de très bonnes amies et des partenaires de beach. On a fait deux étés complets de volleyball de plage ensemble. Emma c’est une personne vraiment travaillante qui pousse toujours ses limites. Elle est très exigeante envers elle-même et essaie de s’améliorer continuellement. En tant que coéquipière, elle amène définitivement l’aspect de compétition et aide à se pousser pour progresser et performer au maximum. Comme adversaire, Emma aime beaucoup la compétition et apporte donc une belle adversité dans les matchs. Son attitude sur le terrain crée définitivement une grande rivalité entre les équipes. C’est toujours le fun de jouer contre elle, surtout qu’elle a un rôle important dans son équipe. »

Après la saison 2019, le duo Tanguay-Bergeron a décidé de ne plus faire partie du programme d’Équipe Québec. « On s’était déjà donné comme but d’aller aux Mondiaux un jour, mais aujourd’hui, Anne-Sophie et moi on a choisi de ne plus s’investir de la même façon dans le volleyball de plage. Ça nous enlevait beaucoup de temps de repos durant l’été. On joue encore ensemble à l’occasion, mais c’est pour le plaisir. »

Il faut savoir que le camp d’Équipe Québec se déroule à Sherbrooke sur une période de sept semaines durant l’été. Pas nécessairement évident pour une personne de Québec comme Anne-Sophie, qui joue aujourd’hui pour le Rouge et Or de Laval.

En volleyball intérieur, Emma a amorcé sa carrière collégiale en 2015. À sa première saison, elle évolue au poste d’attaquante. Et elle tire assez bien son épingle du jeu terminant au 3e rang de son équipe pour le nombre de points inscrits et pour le nombre d’attaques marquantes. Les Volontaires ont terminé la saison au 3e rang en battant Lionel-Groulx 3-1 dans le match pour la médaille de bronze après s’être inclinées 3-2 face à bois-de-Boulogne en 1/2 finale. Lors de cette demi-finale, Bois-de-Boulogne avait dû gagner les deux dernières manches pour mériter sa place en finale et Emma s’était illustrée en inscrivant 14 attaques marquantes, un sommet pour son équipe.

La saison suivante, son entraîneur lui a confié le poste de passeuse. Malheureusement, les Volontaires ont été vaincues en 1/4 finale face à André-Laurendeau après avoir terminé la saison au 6e rang du classement général. Mais ses performances individuelles sont tout de même remarquées puisqu’elle est nommée sur la 2e équipe d’étoiles du circuit collégial D1.

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En 2017-2018, à sa troisième saison avec les Volontaires, Emma explose. « Cette saison-là représente mon meilleur souvenir de ma carrière. Ce n’est pas un moment en particulier, c’est l’ensemble. dont je suis très fière. » Son niveau de jeu est à son sommet et ses performances académiques le sont tout autant. Étudiante en sciences humaines profil psychologie, elle termine l’année avec une cote R de 31,7, ce qui lui vaut une nomination parmi les meilleures étudiantes-athlètes pancanadiennes. Qui plus est, même si elle est passeuse, elle réussit à terminer la saison avec la meilleure moyenne d’efficacité de son équipe à l’attaque. Elle est donc nommée sur la 1re équipe d’étoiles du RSEQ et sur l’équipe toute étoile au Canada. Elle couronnera cette année avec le titre d’athlète de l’année du cégep de Sherbrooke.

La carrière collégiale terminée, le passage aux rangs universitaires est une formalité pour celle qui a décidé de s’inscrire au programme d’enseignement préscolaire et primaire. Bien que les options étaient nombreuses pour Emma, le Vert et Or était tout indiqué. « Le Vert et Or, c’était un rêve de p’tite fille. Oui, j’ai considéré d’autres universités, mais toutes les raisons étaient bonnes pour rester à Sherbrooke. Je suis une fille de campagne, alors j’étais moins attirée par la ville. Aussi, Annie Martin et Vincent Larivée faisaient partie de l’équipe d’entraîneurs et je les connaissais bien puisqu'ils travaillent avec les équipes du Québec de volleyball de plage. Enfin, il y avait Denis Fontaine (entraîneur de l’équipe féminine de 2010 à 2018) qui m’avait dit un jour qu’il voulait me coacher avant de prendre sa retraite. Finalement, il a m’a recrutée, mais il a pris sa retraite avant que j’arrive. »

Emma complète en expliquant que les autres destinations n’étaient peut-être pas faites pour elle : « Laval avait déjà une passeuse. Montréal a toujours trois passeuses dans son équipe et semble fonctionner en priorisant les vétéranes. J’ai réfléchi à McGill à cause de leur coach Rachèle Béliveau qui est originaire de Sherbrooke et qui a été passeuse avec l’équipe nationale. Mais si je voulais devenir enseignante, je devais étudier en français. Puis, je n’étais pas intéressée par Ottawa et l’UQAM. »

Elle a donc mis un peu de pression sur Denis Fontaine qui avait la réputation d’attendre à la dernière minute pour faire son recrutement. Emma ne voulait pas attendre et espérait régler les choses rapidement. C’est ainsi qu’elle a signé son engagement avec le Vert et Or à l’aube de sa dernière saison collégiale en se faisant confirmer deux choses. La première était qu’elle serait partante dès sa première saison. La seconde, à la demande de son beau-père, qu’elle puisse réserver le numéro 4. « Je n’aurais pas osé le demander, mais mon beau-père savait que c’était quelque chose qui avait de l’importance pour moi. comme il était avec ma mère et moi lors des discussions, il a ajouté cette petite clause au passage », relate-t-elle en riant.

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À ses deux premières saisons avec le Vert et Or, Emma a été nommée au sein de la deuxième équipe d’étoiles du circuit universitaire québécois. À sa première année, l’équipe ne réussit pas à se tailler une place en éliminatoires et sa deuxième, bien que meilleure sur le plan collectif, s’est terminée par cette cruelle défaite aux mains des Carabins. Un moment qu’elle qualifie de pire souvenir en carrière.

Après ces deux premières saisons sous la férule d’Annie Martin et Annie Lévesque, Emma a ressenti le besoin de renouer avec son entraîneur Jean-Christophe Gagnon. « Les deux Annie sont très bonnes. Elles savent très bien comment travailler pour nous rendre meilleures comme équipe. Mais en tant que passeuse, j’avais besoin de passer du temps à travailler sur des aspects spécifiques de mon jeu. Jean-Christophe est un super coach pour une passeuse. Il adore regarder des vidéos et me montrer ce que font les meilleurs au monde. J’en ai donc parlé à mes coaches et elles ont accepté. D’ailleurs, elles intègrent ce que je fais avec Jean-Christophe et à l’inverse, elles me disent sur quoi elles veulent que je travaille avec lui. »

Aucune description disponible. Jean-Christophe Gagnon et Emma

Emma a donc recommencé à aller faire un tour à son ancienne école secondaire pour travailler avec Jean-Christophe. C’est que l’objectif d’Emma est ambitieux. « Je veux tenter ma chance avec l’équipe nationale. » Pour y arriver, elle devra obtenir une invitation et malgré ses 1m76, elle est considérée comme une petite joueuse. Jean-Christophe croit toutefois en ses chances. « Elle ne peut évidemment pas grandir, mais elle peut démontrer qu’elle sera dominante dans tous les autres aspects physiques du jeu. Sa grande force est sa capacité d’adaptation. Elle comprend beaucoup de choses au niveau tactique et elle doit devenir encore plus constante dans la précision de ses passes en étant encore plus sûre d’elle-même dans ses décisions. Mais on parle de petits détails à ce niveau-là. »

Si la COVID empêche de travailler autant qu’elle le voudrait, elle se tient en forme en suivant les programmes mis sur pied par le préparateur physique Vincent Larivée. Le passage au niveau rouge de la région de l’Estrie a mis un frein aux entraînements, mais ceux-ci ont repris cette semaine avec une maximum de huit personnes à la fois dans le gymnase en travaillant exclusivement deux par deux. Pas idéal, mais c’est la seule façon de garder les bonnes habitudes, comme elle le dit.

Pour résumer la perfectionniste en elle, il n’y a qu’à voir comment elle voit du bon dans la situation actuelle. « Cette saison allait être particulière avec l’arrivée de nombreuses recrues. Alors ça tombe assez bien parce que ça permettra aux jeunes d’être mieux préparées. »

En plus de tout ce qu’elle accomplit, Emma Bergeron est co-présidente du comité des athlètes du Vert et Or qui participe à de nombreuses activités servant entre autre à amasser des fonds pour le Vert et Or. Elle est une jeune femme déterminée qui fait tout en son pouvoir pour réussir. Souhaitons-lui d’avoir son invitation au camp d’Équipe Canada. Une fois là-bas, qui sait?