Texte tiré du site bulletinsportif.ca consacré au sport étudiant.

L’école secondaire St-Laurent, située dans un quartier hautement multiethnique de Montréal, est une référence dans le développement de joueuses et de joueurs de basketball. Fruit de plusieurs années de travail, le programme mis sur pied par Daniel Lacasse a propulsé des dizaines d’élèves-athlètes vers les niveaux universitaires, ici et aux États-Unis.

Daniel Lacasse est un géant au propre et au figuré. À 6’10, même dans les gymnases de basket il impressionne. Et au-delà de ses attributs physiques, l’ancien porte-couleur des Stingers de Concordia a créé un programme de basketball féminin qui a dominé outrageusement la scène scolaire québécoise depuis plus de 10 ans en travaillant avec des élèves dont la langue maternelle était très rarement le français et dont les moyens financiers étaient souvent inexistants.

L’histoire de ce programme a fait l’objet d’articles dans La Presse en 2013 et 2016 sous la plume de Philippe Cantin. Je vous invite à les lire afin de bien comprendre les particularités de la vie au sein de cette institution. Depuis 20 ans, Daniel Lacasse a travaillé d’arrache-pied à créer un programme basé sur des objectifs d’excellence, une rigueur inégalée et une débrouillardise hors du commun.  » Notre budget est de 125 000$ par année, complètement autofinancé, notamment par l’organisation de tournois », explique-t-il.

Installé dans un secteur qui compte un nombre important de familles immigrantes de première génération, l’école a trouvé des moyens pour rassembler ces adolescents aux origines diverses autour d’objectifs ambitieux. « Le sport est quelque chose d’universel, mais ce qu’on a réussi à faire ici a été de proposer un modèle d’excellence basé sur le travail et la rigueur », de dire Lacasse. « Quand on explique aux jeunes et à leurs parents en quoi consiste notre programme, certains choisissent d’aller voir ailleurs, mais celles et ceux qui décident d’embarquer décrochent rarement. Puis, parce que les résultats sont là, autant sur le terrain que sur les bulletins, les parents acceptent », ajoute celui dont 100% des joueuses sous sa responsabilité finissent par graduer.

C’est que l’école secondaire St-Laurent offre un encadrement très serré à ses jeunes élèves-athlètes. « On leur donne beaucoup, en temps et en opportunités, mais les exigences sont élevées aussi. Si on souhaite atteindre le niveau de ce qui se fait aux États-Unis, il n’y a pas de secret, il faut travailler autant qu’eux. Au Québec, beaucoup de parents trouvent que trois ou quatre pratiques par semaine c’est beaucoup, mais aux États-Unis, ils ont une règle pour limiter à sept le nombre de jours consécutifs où les joueurs peuvent s’entraîner. Ça démontre bien la différence de culture. « 

Toutefois, Lacasse mentionne que le contexte social particulier de son école lui offre aussi la chance d’implanter ses façons de faire. « On a un bassin de jeunes qui se concentre plus facilement sur leur sport parce qu’ils n’ont souvent pas tellement d’autres activités. Leurs parents ne partent pas au chalet la fin de semaine. Alors pour nous, quand il y a un entraînement le samedi matin à 9h, tout le monde est là. Par exemple, on joue un tournoi chaque année à Washington entre le 26 et le 31 décembre. On pratique le 24. Ce n’est pas partout où j’arriverais à avoir toutes mes joueuses pour faire ça. »

Tout ce succès et le développement des joueuses a fini par atteindre une limite. Pas une limite qui a mené vers un déclin, mais une limite à ce que pouvait offrir le programme comme opportunités. « À un moment, notre équipe juvénile a gagné le championnat provincial par une marge tellement grande qu’il fallait trouver une façon d’offrir mieux aux filles. Alors depuis 5 ans, les filles d’âge juvénile forment une équipe Varsity qui évolue dans une ligue aux États-Unis, la NISAA, où elles affrontent des joueuses de high schools de la Floride, des Carolines, de Virginie, du Maryland,  de Washington DC , de New York et du Connecticut. À chacun des matchs, il y a des recruteurs et des entraîneurs de la NCAA dans les gradins. »

« Ça a un effet domino et ça fait que maintenant les filles qui nous représentent dans la ligue juvénile au Québec sont d’âge cadette et notre équipe cadette est formée de benjamines. Ça aura bien sûr un impact sur le nombre de bannières qu’on pourra accrocher à nos murs, mais ça prépare vraiment bien nos filles pour les prochains niveaux », continue celui qui a été nommé trois fois entraîneur-chef de l’année RSEQ.

Est-ce que ça signifie que Daniel Lacasse considère le niveau du basketball féminin au Québec trop faible? « Non, j’aime bien la structure qu’on a et le basket féminin au Québec a un bel élan. Mais ce qu’on a mis en place à St-Laurent est basé sur une approche que peu de programmes offrent. »

Est-ce ça dérange dans le milieu? « C’est certain que les coachs collégiaux vont toujours militer pour que nos meilleures athlètes restent ici. Mais de mon côté, je ne cherche pas à les faire quitter le Québec, je leur offre une occasion de se mesurer à de la compétition de plus haut niveau. Les entraîneurs sont très bons ici, mais ils évoluent dans une structure rigide. Il y a une pause d’un mois durant le temps des Fêtes au Québec alors que c’est le plus gros mois de l’année pour le recrutement aux États-Unis. »

Lacasse termine ainsi : « Je ne me mêle jamais du choix de mes joueuses quand elles terminent leur stage avec nous. Je renvoie les filles vers les coachs des équipes qui les courtisent. Si à 17 ans, tu veux déménager aux États-Unis, c’est une très grosse décision. Tu dois déjà être autonome. »

Cette autonomie, cette discipline, cette capacité à faire les bons choix et à mettre les priorités à la bonne place sont des outils immensément importants pour le développement de toute personne. Et à travers le basketball de haut niveau, Daniel Lacasse a non seulement formé des équipes championnes, des joueuses aguerries, mais aussi des citoyennes outillées.

Infolettre CSMB - 29 janvier 2015 Mariam Sylla : une des meilleures joueuses de basket de la décennie 2010 au Québec

Parmi les joueuses qui ont foulé les terrains de l’école Saint-Laurent au fil des ans, plusieurs ont réussi à s’illustrer aux niveaux supérieurs.

  • Mariam Sylla, trois fois joueuse par excellence D1 collégiale, recrue de l’année universitaire au Canada 2012-13 et deux fois joueuse par excellence universitaire RSEQ – McGill
  • Kiandra Browne, joueuse par excellence D1 scolaire en 2017-18 : Indiana – NCAA
  • Taisha Exanor, joueuse par excellence D1 scolaire en 2016-17 et joueuse par excellence D1 collégiale en 2019-20 : PITTS – NCAA
  • Sandrine Clesca : PITTS – NCAA
  • Mael Gilles, joueuse par excellence D1 scolaire en 2013-14 et deux fois sur la première équipe d’étoiles D1 collégiale : Rutgers – NCAA
  • Tamara Farquhar, deux fois joueuse défensive par excellence D1 collégiale : Purdue – NCAA
  • Jenny Alexis, joueuse défensive par excellence D1 collégiale en 2019-20 : Indiana State – NCAA
  • Leony Boudreau, deuxième équipe d’étoiles D1 collégiale en 2016-17 : Purdue – NCAA
  • Nadege Pluviose, deuxième équipe d’étoiles D1 collégiale en 2013-14 : Robert Morris – NCAA et UQAM (2e équipe d’étoiles universitaire RSEQ 2019-20)
  • Nelly Owusu, joueuse défensive par excellence D1 collégiale 2017-18 – Concordia
  • Jael Kabunda, deuxième équipe d’étoiles D1 collégiale en 2018-19 et recrue de l’année universitaire RSEQ en 2019-2020 – Bishops
  • Paule-Beline Ibata, deuxième équipe d’étoiles D1 collégiale en 2018-19 – UQAM
  • Grace Koffi, deuxième équipe d’étoiles D1 collégiale en 2017-18 – Windsor
  • Reine Ndome, deuxième équipe d’étoiles D1 collégiale en 2019-20 – Choix d’université à venir
  • Dianna Ros, première équipe d’étoiles D1 collégiale 2010-11 et deux fois 2e équipe d’étoiles universitaire RSEQ – McGill
  • Gladys Hakizimana, joueuse par excellence du championnat canadien collégial 2014-15 et deuxième équipe d’étoiles universitaire RSEQ en 2018-19 – McGill
  • Geraldine Cabillo, équipe d’étoiles des recrues universitaire RSEQ en 2015-16 – McGill
  • Serginha Estimé, première équipe d’étoiles D1 collégiale 2009-10 – Concordia
  • Kennisha Luberisse, joueuse défensive par excellence D1 collégiale 2013-14 – St-Mary’s
  • 6 joueuses ont fait partie de divers programmes de l’équipe nationale canadienne
  • 6 athlètes de St-Laurent ont fait partie de l’équipe du Québec U17 ayant gagné les jeux du Canada en 2017 et 7 autres étaient de l’équipe du Québec U17 ayant gagné le championnat national en 2019. Les deux fois, Daniel Lacasse en était l’entraîneur-chef.

Palmarès

  • Juvénile – 11 fois championnes provinciales RSEQ de 2009 à 2019
  • Cadettes – 10 fois championnes provinciales RSEQ de 2009 à 2019
  • Benjamines – 8 fois championnes provinciales RSEQ entre 2009 et 2019

Chez les garçons, l’excellence est aussi au rendez-vous à l’école secondaire Saint-Laurent. L’Express a terminé sur le podium de la ligue scolaire juvénile D1 au cours des trois dernières saisons complètes et trônait au sommet du classement au moment de l’annulation des activités en mars dernier.

Menées par Isabelle Chiasson depuis trois ans, les équipes masculines vivent les mêmes réalités que les équipes féminines. Toutefois, le niveau de compétition est beaucoup plus élevé partout au Québec du côté masculin. « Il y a trop de compétition chez les gars pour penser remporter 10 championnats consécutifs. Le bassin de joueurs au Québec est tellement grand », analyse celle qui a auparavant travaillé au sein du programme Bien dans mes baskets de l’école secondaire Jeanne-Mance sur le Plateau Mont-Royal.

Isabelle Chiasson a aussi été entraîneure à l’école Jean-XXIII de Dorval avant de se joindre à St-Laurent. Un passage chez de grands rivaux ne se fait pas sans une bonne réflexion. Elle mentionne que c’est cette occasion d’utiliser sa formation et son expérience en travail social qui l’ont vraiment attirée à vouloir relever le défi de se joindre au programme masculin de Saint-Laurent. « Daniel et moi, on a appris à travailler ensemble. On a un caractère assez fort tous les deux, mais on a surtout un objectif commun. L’excellence exige de la discipline, les gars avaient besoin de plus d’encadrement. »

Elle ajoute : « On les traite comme une équipe d’élite. On les place dans ce mode-là avec plus d’entraînements. En un mois, ils ont trois dimanches off. C’est beaucoup, mais les parents et les joueurs embarquent. Par contre, s’ils ratent un cours, c’est une heure et demie de course dans les escaliers. Alors, les gars vont en classe et ça fonctionne. Nos joueurs de basketball ont la meilleure moyenne académique générale. »

Pour obtenir de tels résultats toutefois, Isabelle Chiasson ne mise pas que sur la menace de devoir courir. « Depuis mon arrivée, on a des intervenants qui assurent les suivis académiques et psychologiques. Mais il reste encore du travail à faire. J’aimerais stabiliser encore plus le groupe d’entraîneurs. J’ai malheureusement dû me départir de certains coachs parce que leur approche ne cadrait pas avec nos objectifs. Il y a des façons de garder les jeunes disciplinés de manière positive. »

La réalité dans le développement des gars au basket est différente de celle des filles. D’abord, on pourrait difficilement inscrire une équipe de secondaire 5 dans une ligue de high school américaine. Aux États-Unis, les joueurs sont plus vieux et chez les garçons, un an ou deux de plus ça fait une différence énorme dans le développement physique. Ce serait très difficile, voire impossible de penser compétitionner avec eux.

Mais Isabelle Chiasson voit autre chose qui pose problème. « Il y a une obsession à envoyer nos jeunes en Ontario et ça m’énerve. Les Prep Schools sont très forts en Ontario, mais il y a une fausse impression que tout est mieux là-bas. Et contrairement à ce qui est présenté aux jeunes, c’est parfois pire que ce qu’il y a ici. Nous sommes capables de développer d’excellents joueurs ici. On n’a qu’à regarder ce qui est arrivé avec Karim Mané. »

Sa conclusion? « T’as beau être dans la pire école, tu peux créer une culture d’élite. » L’école secondaire Saint-Laurent n’est pas la pire, mais son contexte est certainement particulier. Et il serait probablement facile de justifier une médiocrité par ce contexte. À Saint-Laurent, on prouve le contraire depuis longtemps. Est-ce que ça pourrait servir de modèle à d’autres qui l’ont plus facile à la base? Est-ce qu’on est en mesure d’avoir au Québec un niveau de développement qui fera en sorte que les jeunes ne lorgneront plus vers l’Ontario? Peut-être que les Dort, Mané et cie qui sont dans la NBA permettront à ceux qui suivent d’y croire.

Quelques joueurs passés par le programme masculin de l’Express ont réussi à se tailler une place enviable à de plus hauts niveaux :

  • Frantz-Eric Elysée : Deux fois sur la première équipe d’étoile D1 collégiale, recrue de l’année universitaire RSEQ en 1992-93 et 1re équipe d’étoiles universitaire 1995-96 : Université Laval
  • Ratana Sak : College Montmorency 2000-2003, UQAM 2004-2006 et membre de l’Équipe nationale du Cambodge 2013 et 2015
  • Randy Dezouvre : Première équipe d’étoiles D1 collégiale 2007-08 – IONA College (NCAA)
  • Khaled Amrani : Université Laval (2012-2014)
  • Hélio Noël : Équipe d’étoiles juvénile D1 en 2013-14 : Laurentian University (Ontario)
  • Bahaide « Dady » Haidara : Première équipe d’étoiles juvénile D1 2015-16, deux fois 1re équipe d’étoiles D1 collégiale – George Mason (NCAA)
  • Nginyu Durant – Dalhousie University NCAA 2019-2021  
  • Trey-Vaughn Minott : MVP et athlète de l’année à St-Laurent en 2018, Athlète de l’année au Collège Champlain en 2018-19, Équipe Canada 2017, NBA Academy, Mexique – Team Latin 2019-21 – South Carolina University, NCAA  
  • Earvin-Ace Lacsamana – Équipe national Philippines 
  • Chris Tadjo – NBA Academy