Les mots ne sont parfois pas assez puissants pour d'écrire l'horreur ressentie à regarder des actes haineux et gratuits comme ceux commis à Ottawa, le mercredi 22 octobre. Dégoût, tristesse, peur, incompréhension. Tout cela et encore tellement plus.

J'étais dans la salle des nouvelles avec de nombreux collègues à suivre les événements qui se déroulaient dans cette ville que j'ai appris à aimer pour de multiples raisons. Bien que la capitale nationale du Canada ne soit située qu'à quelques heures de Montréal, j'y ai mis les pieds pour la première fois qu'en 2006. C'était pour participer au marathon en mai. Il s'agissait de mon premier et je m'étais entraîné comme un damné pour connaître une bonne course.

J'imaginais alors la ville comme une gigantesque cité impersonnelle et froide pleine de gens qui s'y déplaçaient uniquement pour leur boulot. Ce fut un petit choc de réaliser que c'était plutôt tout le contraire et j'étais rapidement tombé sous le charme. La ville était belle. Ses bâtiments majestueux et ses habitants chaleureux. On s'y sentait en sécurité.

Le parcours du marathon m'avait permis de découvrir les beautés d'Ottawa. Plusieurs de mes collègues et amis ayant eux aussi participé à cette course au cours des dernières années pourraient vous dire la même chose. Les applaudissements et encouragements des citoyens étaient généreusement distribués aux coureurs, surtout dans les petites rues de quartier que nous empruntions parfois.

Mais c'est bien sûr le passage devant le Parlement d'Ottawa qui fut le moment fort de ma course. Après avoir franchi le fil d'arrivée, j'y étais retourné pour me faire prendre en photo par mes parents qui s'étaient déplacés depuis Québec pour m'encourager. Je m'étais alors directement placé devant l'imposant édifice. Plusieurs autres participants avaient eu la même idée. J'avais, je l'avoue, été surpris de l'étonnante facilité que nous avions tous à pouvoir nous déplacer ainsi sur le terrain hébergeant les différentes chambres de notre gouvernement. Mais j'avais surtout trouvé génial cette atmosphère de fête qui régnait dans la capitale à quelques pas seulement du Parlement.

Le lendemain, j'avais profité d'une journée de congé pour visiter les alentours du Parlement canadien. Je crois bien avoir tout vu. La sécurité était présente, mais discrète. C'était juste bien ainsi.

Yanick Bouchard et Frédéric PlanteJe retourne maintenant souvent à Ottawa. Et à chaque fois, j'aime y courir. Le passage devant le Parlement est un incontournable. Moins de trois semaines avant la tuerie du 22 octobre, Yanick Bouchard et moi avons profité d'une heure de libre dans notre horaire de tournée du 25e anniversaire de RDS pour jogger à Ottawa. Nous avions interrompu notre course devant le Parlement pour demander à un passant de nous prendre en photo. Je me trouvais ainsi pratiquement au même endroit qu'en 2006 après mon marathon. Même chose pour Yanick qui s'était lui également fait prendre en photo devant le bel édifice après son premier marathon en mai 2014. Nous avions, à ce moment, la tête pleine de beaux souvenirs.

Tout cela, j'en ai bien peur, ne sera plus aussi facile depuis les événements sanglants qui auront entraîné la mort d'un jeune militaire, Nathan Frank Cirillo, devant le Monument commémoratif de guerre du Canada et l'intrusion du tueur dans l'enceinte même du Parlement. Car au-delà de la peur ou de la tentative de déstabilisation que voulait créer cet hurluberlu armé, ce sont des souvenirs heureux de nombre d'entre nous qu'il voulait s'emparer.

Et bien ça ne fonctionnera pas!

Je continuerai de courir à Ottawa. À chacun de mes pas, je me souviendrai de ce qui s'y est déroulé le 22 octobre 2014. Mais je serai toujours habité par cette sensation merveilleuse d'être dans une des plus belles villes au monde pour pratiquer la course à pied.

C'est au sourire des gens et à leur courage que je continuerai de penser. Si j'arrêtais d'y aller en raison de la peur, je donnerais raison à ce détraqué et ses idéologies. Et ça, je m'y refuse.

Courir à Ottawa. Ce sera ma façon à moi de prouver que le bien et la paix sont plus forts que tout.