Exploit historique. C’est ce qu’a réalisé Kim Boutin à Salt Lake City, dimanche dernier. Elle est devenue la première femme à patiner l’épreuve de 500 m sous les 42 secondes, pulvérisant le record du monde de la distance par 4 dixièmes de seconde.
 
« Ça met un peu de pression pour les gars, ils ne peuvent plus jamais patiner en haut du 42! », lance Kim Boutin, radieuse, à son retour de l’Utah.  
 
Elle peut se le permettre. Elle vient d’écrire l’histoire. Et elle l’a fait dans l’épreuve qu’elle maîtrise le moins. Kim le dit elle-même, elle n’est pas une spécialiste du 500 m. Imaginez.
 
Dès le vendredi, lors des qualifications du 500 m, la Québécoise a frappé fort. Elle a réalisé le meilleur temps de la journée, s’approchant à 3 dixièmes de seconde du record (qui est maintenant l’ancien!). Une performance que son équipe a tôt fait de lui souligner. L’idée était semée : le record du monde est accessible.
 
Surtout que l’Oval olympique de Salt Lake City est une glace propice aux temps rapides. Cinq records mondiaux en patinage de vitesse courte piste y ont été réalisés. La glace est rapide et l’altitude offre une moins grande résistance à l’air. Encore faut-il avoir les jambes. Et Kim les avait.
 
Scénario prévu?
 
Ce record du monde, Kim y pense. Avant de prendre le départ de sa vague quart de finale, le dimanche, elle demande conseil à son entraîneur. « Elle m’a demandé si elle devait partir moins vite pour économiser de l’énergie pour la finale », souligne Frédéric Blackburn, l’entraîneur de Kim. « Je lui ai dit je ne pense pas que ça sera un problème pour toi. Tu as une bonne capacité. Le plus important, c’est de faire un bon temps pour avoir une meilleure position au départ de la course suivante », renchérit Blackburn.
 
La décision était prise. « J’y vais, je me lance », ajoute Boutin. On ne parle pas de record du monde... du moins, c’est ce que la patineuse et son entraîneur laissent entendre. Mais cette idée continue de germer dans la tête de Kim.
 
Elle se présente au départ de sa vague quart de finale « calme et relâchée », pour reprendre les mots de Blackburn.
 
Dès le premier demi-tour, le ton est donné, Kim connaît un départ explosif. Elle distance ses rivales. Il n’y a plus qu’elle, ou presque. La foule s’excite. L’annonceur-maison souligne ses temps de passage : 9,02 secondes, 8,50 secondes et ainsi de suite. « Je voyais ses temps et je me disais, ouf! c’est rapide. Avec deux tours à faire, je savais qu’elle avait le record », raconte son entraîneur.
 
Kim patine à fond. Elle entend la foule s’animer, surtout à deux tours de la fin. « Je le sentais, ça allait bien. J’avais fait une belle ouverture. On ne voit pas les temps à chaque tour. Fred ne me dirige pas non plus. Et avec deux tours à faire, quand j’ai entendu la foule, je savais qu’il se passait quelque chose », se remémore la détentrice du record sur 500 m. « Je ne voulais pas qu’elle relâche. Je lui ai crié : jusqu’au bout! », raconte Blackburn, avec émotions.
 
En passant la ligne d’arrivée, Kim s’est empressée de regarder l’écran.  « Quand j’ai vu sur le gros écran 41,9 , je me suis dit : Tu me niaises! (rires). Je n’aurais jamais pensé battre le record du monde à ce point », avoue-t-elle. Et Blackburn de rajouter : « Et dire qu’au départ, elle parlait de s’en garder pour la finale… »
 
Le record en poche et l'or en vue
 
Un exploit survenu en quart de finale, rappelons-le. Reste donc deux courses pour toucher la médaille d’or. Et pas question de la laisser filer. « Je veux gagner cette course. Ça serait un bonus », renchérit Boutin. « J’étais extrêmement stressée après le record du monde. J’avais envie de gagner la distance. Je devais gérer le stress et l’énergie. »
 
L’énergie. Elle en avait déployée dans sa quête au record.  « D’avoir fait ces tours rapides avant la finale, c’était tough. Les deux rondes suivantes ont été difficiles », explique la patineuse québécoise.
 
En finale, Boutin a ralenti dans le dernier tour, permettant à la Chinoise, Qu Chunyu, de revenir progressivement sur elle. La Québécoise a même étiré la jambe au fil d’arrivée pour s’assurer de passer la première.
 
C’était fait. Kim Boutin remportait sa deuxième médaille d’or de la fin de semaine. En plus du record, évidemment.
 
« Une grande fierté », avoue Blackburn. « C’est comparable au premier titre mondial de Marianne St-Gelais, comme émotions. » Rien de moins.
 
Le record de Kim Boutin sera battu un jour. Mais elle demeurera à tout jamais la première femme à avoir franchi la barre des 42 secondes au 500m.
 
L’histoire.
 
Et le moment ne peut être mieux choisi, Kim Boutin patinera devant ses parents, amis et partisans, dès vendredi, dans le cadre de la Coupe du monde de Montréal, à l’aréna Maurice-Richard. On peut parier qu’elle sera en grande confiance.