(RDS.ca) - Parmi les cinq sports que les amateurs ont la chance d'apprécier aux Mondiaux FINA de Montréal, la nage en eau libre est sans contredit le parent pauvre. Le sport le moins couru, le moins connu, le moins médiatisé et surtout le seul qui n'a pas sa place aux Olympiques. Mais pour certains, la situation pourrait changer au cours des prochaines années. Quand le Comité international olympique ouvrira-t-il ses bras à ce sport?

Soyez honnête, qui savaient que la nage en eau libre faisait partie du programme des Mondiaux FINA avant de consulter l'horaire des compétitions? Une minorité, sûrement. Au Québec, nos connaissances en nage en eau libre se limitent bien souvent à la Traversée internationale du Lac St-Jean et la Traversée internationale du Lac Memphrémagog.

En fait, ce sport exigeant physiquement (trois distances : 5km, 10km et 25km) est relativement récent dans les compétitions internationales, ayant pour la première fois été accepté aux Mondiaux FINA en 1991 à Perth, en Australie. Et depuis 2000, une édition des Championnats du monde FINA de natation en eau libre est organisée entre chaque édition des Championnats du monde FINA.

Et au Canada, ce sport est probablement aussi connu et pratiqué que le hockey au Gabon. Des sept athlètes canadiens inscrits aux compétitions, trois en étaient à leur première présence avec l'équipe nationale de nage en eau libre ou à leur première participation à une épreuve internationale. Et pour les quatre autres, l'expérience était quand même limitée.

Greg Streppel peut malgré tout se targuer d'être le seul Canadien à revendiquer une médaille, d'or par-dessus le marché, en eau libre aux Mondiaux FINA. C'était en 1994 à Rome, en Italie.

Sport populaire en Europe

Si le sport est plutôt méconnu au pays, il est beaucoup plus populaire en Europe, comme en fait foi le tableau des médailles des Mondiaux FINA. Du côté des femmes, l'Allemagne domine avec 18 médailles. Les Pays-Bas suivent avec 13 médailles, toutes remportées par Edith van Dijk, qui a d'ailleurs gagné le 25 km de Montréal par seulement trois dixièmes de seconde.

Chez les hommes, les Russes dominent toutes les autres nations avec 21 médailles. L'Italie est deuxième avec neuf médailles aux Mondiaux FINA.

La reconnaissance olympique

C'est bien beau les Mondiaux FINA, mais les nombreux intervenants du milieu veulent plus. Ils veulent la reconnaissance olympique. Pour l'un d'entre eux, Paul Michaud, grand patron de la Traversée internationale du Lac St-Jean, la nage en eau libre a sa place aux JO puisque, entre autres, elle n'engendre pratiquement aucune dépense pour le comité organisateur.

"La compétition se déroule dans un lac ou dans la mer. Ça n'engendre aucun coût, si ce n'est la construction des estrades. On n'a pas besoin de construire d'installations comme un stade olympique ou un vélodrome", souligne Paul Michaud.

Montréal, un tournant pour le sport

Qui dit eau libre dit lac et mer. Mais Montréal 2005 marque un tournant dans l'histoire du sport puisque pour la toute première fois, les compétitions de nage en eau libre sont organisées dans le bassin olympique d'aviron et de kayak. Pour certains puristes, nager dans un bassin ce n'est plus de la nage en eau libre. Mais pour d'autres, le fait de nager dans un bassin comporte plusieurs avantages.

"Les temps enregistrés à Montréal sont beaucoup plus rapides parce que les conditions de nage sont beaucoup moins difficiles. Ils peuvent nager avec la tête plus souvent dans l'eau, ce qui diminue la résistance. Il y a beaucoup moins de vagues. Et on voit plus de pelotons que d'habitude", précise Martin Richard de Natation Canada.

"À Barcelone en 2003, les athlètes nageaient dans la mer. Dans la mer, l'eau est évidemment salée, ce qui contribue à la déshydratation des nageurs. Dans le bassin de Montréal, l'eau est douce, d'autant plus que l'eau du fleuve, qui abreuve le bassin, est filtrée. Oui, l'eau d'un bassin, relativement peu profond, peut être plus chaude et contribuer au réchauffement du corps d'un nageur. Mais quand l'eau est trop froide, on voit souvent des nageurs abandonner à cause d'hypothermie".

L'appui de la FINA

D'ailleurs, la FINA semble adorer les avantages que procure le bassin de Montréal et elle va profiter de cette nouveauté pour mousser la candidature de la nage en eau libre au CIO. C'est d'ailleurs ce qu'a indiqué une des dirigeantes de la FINA lors d'un point de presse il y a quelques jours. Et parmi les trois distances, le 10km aurait une longueur d'avance sur le 5km et le 25km.

Le fait que la FINA veuille faire du lobby pour que cette discipline devienne olympique réjouit au plus haut point Paul Michaud.

"Nous sommes très heureux de voir la FINA faire la promotion de ce sport. Ça nous motive énormément. La FINA est un appui de taille. Devant le CIO, la FINA a beaucoup de poids. Le lobby est déjà commencé pour que la nage en eau libre soit une discipline olympique à Londres en 2012. Mais il y a encore énormément de travail avant de pouvoir crier victoire".

Loin de la coupe aux lèvres

En effet, la FINA aura beaucoup de pain sur la planche pour convaincre le CIO d'accepter la nage en eau libre au sein du programme olympique. Dans un contexte où plus de 12 000 athlètes sont inscrits aux Olympiques, où le baseball et le softball ont été exclus des Jeux de Londres et où le CIO semble de plus en plus réticent à ajouter des disciplines olympiques, certains voient mal comment le CIO pourrait dire oui à une discipline "secondaire".

Luc Bellemare, journaliste attitré à la couverture du sport amateur au Réseau des sport, ne pense pas que cette discipline soit admise de sitôt.

"Je serais très surpris. À moins d'un incroyable et puissant lobby de la part de la FINA. Et encore là. La FINA a de la difficulté à vendre ce sport pendant ses propres championnats, imaginez devant le CIO. Le CIO vient de non dire non à cinq sports : le golf, le karaté, le rugby, le squash et le roller. Ce sont les cinq sports les plus proches des JO. Et la nage en eau libre n'est même pas sur cette liste", explique Luc Bellemare.

"Selon moi, un sport doit remplir trois critères pour que le CIO dise oui : le spectacle, la rentabilité et l'intérêt des amateurs. Le CIO a dit oui au BMX, discipline plus spectaculaire que la nage en eau libre. Le golf rapporterait beaucoup plus d'argent que la nage en eau libre et pourtant le CIO a dit non. Et pour ce qui est de la popularité, la nage en eau libre a des croûtes à manger".

Grand spécialiste du sport amateur au Québec, Daniel Aucoin, abonde dans le même sens.

"Généralement pour qu'un sport soit admis aux Olympiques, il doit être pratiqué dans au moins 60 pays. La nage en eau libre est présentement pratiqué dans une trentaine de pays. Le bassin d'athlètes pratiquant ce sport est également très limité. Il n'y a rien d'impossible, mais je verrais mal le CIO dire oui à la nage en eau libre dans les circonstances actuelles".