Le 13 août 2019, la canoéiste Laurence Vincent-Lapointe a été notifiée par la Fédération internationale de canoë (FIC) que son échantillon d’urine A révélait des traces de Ligandrol (LGD-4033), lequel avait été prélevé lors d’un contrôle antidopage hors compétition réalisé à Montréal en juillet dernier. Quelques jours plus tard, ce résultat a été confirmé par l’analyse de son échantillon B. Le Ligandrol est une substance interdite non spécifiée, se trouvant sur la Liste des interdictions de l'Agence mondiale antidopage (AMA) et dont l’usage est prohibé en tout temps. Selon le Code mondial antidopage (CMA), la présence d’une substance interdite dans l’échantillon constitue une infraction dont la conséquence est une de suspension de quatre ans.

Le 19 août 2019, la FIC a imposé une suspension provisoire à Vincent-Lapointe, laquelle est automatique lorsqu’un athlète teste positif à une substance non spécifiée, tel est le cas du Ligandrol. Depuis cette date, la canoéiste est privée de participer à toute compétition.

Elle a le droit de contester la violation alléguée et/ou les conséquences y rattachées et elle aura l’occasion d’être entendue devant le tribunal arbitral de première instance de la FIC. Cette décision pourrait être subséquemment sujette à un appel devant le Tribunal arbitral de Sport (TAS). Donc, Vincent-Lapointe devra purger sa suspension provisoire jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue.

Quelle est la position de Vincent-Lapointe?

Lors de la conférence de presse du 20 août 2019, Vincent-Lapointe s’est défendue de tout dopage. À ce sujet, le CMA prévoit que les athlètes sont entièrement responsables de toute substance interdite présente dans leurs échantillons, et ce, peu importe comment elles s’y sont retrouvées. Il appartient à chaque athlète de veiller à ce qu’aucune substance interdite ne pénètre dans son corps. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que Vincent-Lapointe démontre son intention, sa faute, sa négligence ou son usage conscient pour établir la violation d’une règle antidopage. Du moment où une substance interdite a été dépistée dans ses échantillons, elle est présumée avoir intentionnellement enfreint les règles antidopage et elle est passible d’une suspension de quatre ans,

Quels sont les arguments avancés jusqu’à présent?

En date des présentes, elle allègue que l’un de ses suppléments a possiblement été contaminé et qu’elle n’a pas consommé intentionnellement ou sciemment la substance interdite trouvée dans son échantillon. Elle avance aussi que la contamination s’est peut-être faite par inadvertance. D’ailleurs et selon les renseignements disponibles, il appert que le Ligandrol ait récemment fait l’objet de plusieurs cas de suppléments contaminés. Notons qu’un produit contaminé est, selon le CMA, celui « contenant une substance interdite qui n’est pas divulguée sur l’étiquette du produit ou dans les informations disponibles lors d’une recherche raisonnable sur Internet ».

Quelle est la sanction applicable?

a) Source et Intention

Vincent-Lapointe pourra éviter l’application d’une suspension de quatre ans et se voir imposer une sanction de deux ans si elle prouve par prépondérance des probabilités que sa violation n’était pas intentionnelle. Mais avant de prouver que sa violation n’était pas intentionnelle, elle doit établir de quelle façon la substance interdite a pénétré dans son organisme. Elle doit donc s’acquitter de son fardeau de preuve en deux étapes. Si elle ne parvient pas à prouver l’origine de la substance interdite dans un premier temps, elle ne pourra pas passer à la deuxième étape pour prouver son absence d’intention. Le prérequis de toute défense est de trouver la source et de quelle façon la substance interdite s'est retrouvée dans son corps. Voilà pourquoi lors de la conférence de presse, Vincent-Lapointe et son avocat Adam Klevinas ont clairement mentionné l’importance d’enquêter, de trouver l’origine et de réussir à prouver que ce n’est pas volontaire.

Quant à la façon dont la substance interdite s'est retrouvée dans le corps de Vincent-Lapointe, son avocat a soulevé que « On ne retrouve pas ça dans la nourriture. Nous devons enquêter. Tous les suppléments qu’elle a utilisés et ingérés seront vérifiés. Il peut aussi s’agir de contamination croisée survenue par le biais d’ustensiles partagés avec quelqu’un d’autre. Il y a une explication, nous devons la trouver. Elle ne l’a pas pris volontairement ».

Mais est-ce possible que son contrôle positif découle d’une contamination? Spécifions que l’usage de suppléments nutritionnels expose les athlètes à un risque de dopage, car certains d’entre eux peuvent notamment contenir des substances interdites ou être mal étiquetés ou être contrefaits. Certains suppléments peuvent aussi être contaminés par des substances interdites au cours du processus de fabrication, surtout lorsqu’ils sont achetés en ligne. À ce titre, Vincent-Lapointe a déclaré que ses suppléments sont fournis par son centre national d’entraînement et qu’elle ne commande jamais des suppléments en ligne.

Bien qu’elle ne puisse commenter spécifiquement le dossier de Vincent-Lapointe en raison de son devoir de confidentialité, Mme Christiane Ayotte, directrice du laboratoire de contrôle du dopage de l'INRS-Institut Armand-Frappier précise que: « Le ligandrol a envahi le marché noir et abonde sur l’internet (…) Quand c’est fait dans le marché noir et que ce n’est pas fait dans l’industrie pharmaceutique, et si, par exemple, la personne qui prépare du Ligandrol prépare aussi des électrolytes ou des acides aminés, ou de la créatine, bien sûr qu’il peut y avoir de la contamination qu’on n’aura pas dans l’industrie pharmaceutique (…) Le danger d’en retrouver dans ses gélules demeure concret».

Afin de trouver la source, Vincent-Lapointe devra ainsi vérifier tous les suppléments qu’elle a utilisés et ingérés préalablement à son test antidopage comme des vitamines, des boissons énergisantes, des probiotiques, des acides aminés, des brûleurs de gras ou des augmentateurs de masse. Mais aussi ceux qu’elle aurait pu ingérer par inadvertance, par exemple en buvant dans la bouteille d’eau d’un coéquipier.

b) Réduction de la période de suspension selon le degré de la faute

Il existe subséquemment des possibilités de réduction additionnelle selon son degré de faute. Pour ce faire, Vincent-Lapointe devra fournir des éléments de preuve plausibles quant aux circonstances dans lesquelles elle avait pris le supplément contaminé, notamment les quantités consommées, et la période durant laquelle elle s'en est servi. Aux termes du CMA, le degré de la faute s’analyse par le niveau de diligence adopté ainsi que par les précautions prises pour éviter tout risque d’ingestion d’une substance interdite.

Dans l’éventualité où Vincent-Lapointe parviendrait à faire la démonstration qu’elle avait ingéré un produit contaminé, que le Ligandrol avait pénétré de cette manière dans son organisme, que son infraction n’était pas intentionnelle, en plus d’établir son absence de faute ou de négligence significative, sa sanction minimale sera une réprimande alors que sa sanction maximale sera une suspension de deux ans, et ce, selon de la gravité de sa faute (Article 10.5.1.2 du CMA).

Conclusion

Même si elle réussissait à surmonter tous ces obstacles et à obtenir une réduction supplémentaire liée à sa faute, elle ne pourra participer aux Olympiques de Tokyo 2020 que si sa suspension dure moins d’un an et prend fin à une date lui offrant un délai suffisant pour répondre aux exigences de qualification en vue des Jeux.