Malgré toute sa prétention, Sergey Kovalev a récemment posé des gestes qui prouvent qu’il n’est peut-être pas convaincu qu’il a gagné son premier combat contre Andre Ward comme il le clamait sur toutes les tribunes à la suite de l’annonce du verdict en faveur de l’Américain.

Il n’est pas possible de blâmer Kovalev d’essayer de se faire croire qu’il est le meilleur, mais reste qu’il a cherché des coupables et fait le ménage autour de lui. S’il était convaincu qu’il avait gagné, il aurait gardé la même équipe et surtout la même formule, mais ce n’est pas le cas.

Fondamentalement, Kovalev est conscient qu’il a manqué d’énergie dans la deuxième moitié du premier duel et qu’il n’est pas très, très bon dans l’infighting. Ward a été capable d’exploiter une faille que des membres de notre équipe avaient remarquée dans le passé en se collant sur lui et en l’obligeant à se battre à courte distance.

Je vois également beaucoup de frustration chez Kovalev et ce n’est pas nécessairement un bon signe d’être aussi émotivement pris en préparation d’un combat comme celui qu’il s’apprête à disputer contre Ward, un gars extrêmement cérébral et brillant, qui possède le génie défensif de Bernard Hopkins et une capacité d’adaptation hors du commun. Bref, plus Kovalev va commettre d’erreurs, plus cela sera à l’avantage de Ward.

Et le dernier clou dans le cercueil a été porté lorsque Kovalev a réalisé que son promoteur Main Events n’avait pas les moyens de lui garantir une bourse, alors que Ward est assuré d’empocher au moins six millions $ US samedi soir. Kovalev aura droit à 75 pour cent de la part de Main Events, mais cette dernière sera de combien? Tout cela ajoute évidemment à la frustration de Kovalev.

C’est dommage, car Kovalev est à son mieux lorsqu’il est détendu et prend le temps d’installer son jab pour ensuite lancer ses combinaisons. S’il part après Ward et qu’il essaie de lui arracher la tête comme il l’a dit, cela pourrait être une très mauvaise idée. Cela m’étonnerait vraiment que Ward soit intimidé et que Kovalev parvienne à prendre l’ascendant sur lui.

L’Histoire prouve qu’à un deuxième combat entre deux boxeurs de haut niveau, c’est généralement le plus brillant des deux qui l’emporte. Pas celui qui cogne le plus dur ou qui est le plus gros, mais celui qui est le plus intelligent. Et à ce chapitre, Ward est dans une classe à part.

Contrairement au premier combat, Ward n’aura pas l’inquiétude de ressentir la force de frappe d’un vrai mi-lourd. Sa période d’apprentissage est terminée et je m’attends à ce que les deux boxeurs reprennent là où ils avaient laissé. Ce sera formidable pour les érudits, alors que Ward et Kovalev se retiendront et s’accrocheront. Non, ce combat ne risque pas du tout d’être beau!

Et cela avantage totalement Ward, puisque Kovalev a besoin de distance et de rythme, donc de choses plus conventionnelles pour connaître du succès. Un peu comme cela avait été le cas pour la deuxième moitié de leur premier combat, Ward devrait dominer la quasi-totalité des rounds.

À l'image de Mayweather

Cela dit, il ne s’agit pas d’une mission totalement impossible pour Kovalev, mais il faut noter qu’il s’est toujours comporté en prédateur dans le ring depuis le début de sa carrière. Il a ainsi toujours mis de la pression sur ses adversaires avec son jab pour ensuite larguer ses bombes.

Pour être efficace contre un boxeur de la trempe de Ward, il faut absolument être efficace avec son jeu de pieds afin de se donner des angles, car l’Américain a parfois tendance à demeurer les deux pieds plantés sur le tapis. Mais je ne pense pas que Kovalev a cette capacité d’adaptation.

Cette facette de la boxe n’a jamais été développée par Kovalev et son équipe. Ils ne se sont jamais véritablement remis en question, étant donné qu’ils ont connu tellement de succès avec une façon de faire bien précise. Ils ont fini par croire qu’ils n’avaient pas besoin de se réinventer.

Kovalev est loin d’être un Floyd Mayweather fils, qui a toujours su se renouveler pendant toutes ces années. Rappelez-vous son combat contre Oscar De La Hoya. Il courrait après lui! Face à un boxeur puissant comme Manny Pacquiao, Mayweather a été prudent et s’est tenu à distance.

Ward est semblable à Mayweather à ce chapitre. Il retourne sur la planche à dessin après chacun de ses combats et planifie au quart de tour sa stratégie en fonction du rival qu’il a devant lui.

*Propos recueillis par Francis Paquin